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Cours de français en ligne (par B. MIRGAIN)

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Bernard.Mirgain@ac-nancy-metz.fr

Mise en ligne de cours de français. Aide gratuite pour les élèves.

http://www.lycee-pmf-epinal.fr

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L'ANTONOMASE A LA DEROBADE.

La production antonomasique de sens 

L'antonomase est une figure de style qui consiste tout simplement à remplacer un nom commun par un nom propre ou bien l'inverse, un nom propre par un nom commun (ce qui vaut pour l'expression « le Malin » en lieu et place de Satan, le Démon - Marouzeau 1933). Il en est de même pour le personnage du Misanthrope de Molière (en grec  signifie «qui hait les hommes», terme compose du verbe «détester, tenir en haine» et du substantif  « homme».).


L'antonomase lexicalisée elle est une variante de la métaphore selon Gibert, une métonymie selon Lamy et Henri Morier, de la synecdoque selon Fontanier et Du Marsais, une variété de métonymie-synecdoque d'après le philologue Georges Molinié (« Dictionnaire de rhétorique » - 1992). Cette figure peut se présenter sous la forme d'une tournure périphrastique (« le père de la Victoire » pour parler de Clémenceau).

Ainsi, un don Juan, un Harpagon, une Pénélope, un Apollon, un Adonis, un Staline, un Pol-Pot, un Michel-Ange, signifient respectivement : un séducteur, un avare, une femme fidèle et vertueuse, un bel homme, un dictateur sanguinaire, un grand peintre.


              L'étymologie remonte au latin « antonomasia », dérivé du grec  
ἀντονομασία (composition de ἀντί, « mis à la place de »,  et de ὄνομα, « nom »). Les noms propres, d'après les linguistes, se construit avec un déterminant toujours contraint. En tant que désignateurs, ils n'admettent pas d'antonymes, de synonymes ou d'extensions (par relation d'hyponymie). Ils font partie de la catégorie nominale, des substantifs, en tant que désignants individuels, spécifiants ou classifiants. Comme toute autre forme de nomination, l'antonomase implique un positionnement de celui qui parle envers ce dont il parle (le référent). Il s'agit bien d'un détournement tropaïque puisqu'on fait prendre au mot une signification spécifiante qui ne fait pas partie de sa signification propre. Dès son plus jeune âge, le petit humain fait usage de l'antonomase. Dans les crèches, au milieu des Lego, les enfants parlent de Bambi pour évoquer le faon de biche (par référence au film d'animation de Walt Disney sorti en 1942).

Une bécassine est un oiseau migrateur et caractérise, par dérivation analogique, une femme niaise (mot issu de « bec » assorti de la suffixation péjorative «-asse», bécasse au sens figuré s'applique à une femme d'aspect ridicule, ou à une jeune fille sotte, avec pour synonymes grue, oie, dinde). L'image de la provincial primesautière a été récemment mise à l'honneur par la page d'accueil de Google (l'antonomase signale sa présence par un doodle, gage d'un succès du personnage de bande dessinée). Bécassine a été créée par Pinchon qui publia le premier numéro de la série en 1905, dans «La Semaine de Suzette». L'antonomase est une entité double: des mots particuliers - noms communs ou adjectives - équivalent à des noms propres («hermétique » / dieu Hermès; «marionette», «mariole» / Marie ; « draconienne » / aristocrate athénien Dracon ; « daltonien » / chimiste John Dalton, « pavlovien » / physiologiste Ivan Pavlov ; « pavlova » / ballerine russe Anna Pavlova ; « boycotter » / Charles Cunningham Boycott ; « galvanisation » / Luigi Galvani ; la « berline » / ville de Berlin ; « la limousine » / Limousin ; « macédoine » / Macédoine ; « bernard l'hermite » / pagure ; « robinsonnade » / Robinson Crusoë ; « un macchabée » / Judas Macchabée  / « la guillotine » / médecin Joseph Ignace Guillotin).
                                 L'accrochage à un nom propre emprunte quelquefois des sentiers détournés. Le verbe « limoger », par exemple, prend le sens de « destituer », de « révoquer ». Pendant la guerre de 14-18, le général Joffre avait assigné à résidence les officiers incompétents dans la ville de Limoges.


L'antonomase éponyme : un nom propre modifié comme une sublimation du banal ?


                Une antonomase est un procédé qui vise à remplacer, en vue d'une expression plus particularisante ou plus suggestive, un nom propre par un nom commun. On dira, par référence à la pièce de Molière, un Tartuffe pour un hypocrite (ce dernier étant directement repris au personnage Tartufo de la comédie italienne). Le théâtre est particulièrement généreux dans le domaine de la production d'expressions nouvelles. Soit l'expression « jouer les Philaminte ». Elle est porteuse de sens si l'on se souvient de l'esprit compliqué de Philaminte, une femme pédante et orgueilleuse convoitant toujours le langage soutenu : « On n'en peut plus, on pâme, on se meurt de plaisir... » (« Les Femmes savantes » - 1672 - Molière). La poésie n'est pas en reste : « Regrettera qui veut le bon vieux temps // Et l'âge d'or, et le règne d'Astrée // et les beaux jours de Saturne et de Rhée... » (Voltaire - Le Mondain - 1736).)

On peut considérer l'antonomase consacrée, courante,  comme une métaphore figée.  Ce qui vaut pour la série suivante, empruntée à la matière moliéresque : un harpagon, un amphitryon,  un scapin, un don Juan, un tartuffe. Le roman, la fable, le conte sont des sources inépuisables d'inspiration (un don quichotte, un gavroche, une dulcinée). Le prénom Dulcinée (héroïne du roman courtois ou chevaleresque) est construit à partir du latin « dulcinea » (douce). Le nom commun « renard » qui a par ailleurs supplanté « goupil » (du diminutif latin « vulpecula », issu de « vulpes »), provient d'un nom propre tiré de récits ou fabliaux (francique germanique Reginhart, relatinisé sous la forme « Reinardus »). Dans « Les Contes de ma mère l'Oye » (Charles Perrault, 1697), la petite souillon chargée de garder les cendres se prénomme « Cendrillon » (substantif « cendre » assorti du suffixe « -illon » représentant le diminutif latin «-icula »). Dans les interstices de la littérature vont être forgées de nombreuses dénominations spontanées.


Par exemple, un gavroche (personnage de Gavroche dans les Misérabes de Victor Hugo) est la dénomination stéréotypée du « titi parigot » (titi est un mot d'origine picarde, vraisemblablement). L'enfant de la rue sera plus tardivement appelé « poulbot », par référence aux réalisations du peintre Francisque Poulbot [1879-1946] qui représentaient ces gamins du trottoir parisien. Toute notre gratitude au mémorialiste  Georges-Emmanuel Clancier qui fait défiler trois antonomases successives dans le portrait qu'il crayonne à propos de l'écrivain Luc Estang : « je trouvais au poète [...] un air parigot, et même à certains moments, un peu gavroche ou poulbot » (« Le temps d'apprendre à vivre. Mémoires 1935-1947 » - éditions Albin Michel - 2016).


On trouvera sous une forme adjectivale des emprunts aux personnages de romans illustres (« donquichottesque », « gargantuesque », « pantagruélique », « lilliputien », « rocambolesque », « vidocquien », etc...) ou de pièces de théâtre (« guignolesque », « don juanesque », « ubuesque »). Parfois sous la forme de certaines tournures génitives avec complément prépositif : « les argentiers de la lignée des Rastignac », « l'un des adeptes de Savonarole ». Les adjectifs ou substantivo-adjectifs, les participes présents substantivés, qui sont dérivés de noms d'auteurs, forment une matière linguistique plutôt envahissante (« dantesque », « marotique », « cornélien », « moliérien », « moliériste », « moliérâtres » « pré-moliéresque », « sadique », « masochiste », « kafkaïen », « hugolien », « orwellien », « nérudien », « verlainiste ». Sans parler des doublets (« janséniste arnaldien », « mistralo-maurassien »). L'antonomase se met au service d'une démarche classiste dans le domaine philosophique (« cartésien », « cartésianiser »,  « pascalien », « pascalisme », « pascalisant », « machiavélique », « néo-heideggérien », « noltien », « nietzschéisme », « beauvoirien », etc...), mais aussi dans les sciences (« newtonien », « gobinisme », « parkinsonien », « salmonellose »).  Le choix de la construction adjective aboutit à des compositions, souvent synonymes, à des transformations, évoluant facilement vers une recatégorisation substantive (par suffixation nominale). Dans la grande majorité des cas, le dérivé renvoie obligatoirement à une personne précise, à une identité primitive (« marivaudage », « hugolien », « des images warholiennes », « un scénario hitchcockien »), mais il peut présenter parfois des ambiguïtés (la suffixation participiale « pascalisant » se réfère à Blaise Pascal, mais peut désigner aussi certaines pratiques religieuses des paroissiens).

    La pantonymie permet de désigner quelque chose par un terme plus générique, dans l'ordre de l'hyperonymie (rapport d'inclusion par rapport à une totalité englobante). D'où certains accouplements passe-partout, des accrochages à plusieurs noms propres, (protypes d'un même ensemble générique), qui font surgir des clichés éculés (« les horlas qui hantent nos cauchemars comme des mains étrangleuses » - « Le Horla » - Guy de Maupssant - 1887 ; « le clochemerle à la libanaise des élections municipales » - roman « Clochemerle » de Gabriel Chevallier - 1934). La combinaison de deux patronymes en tant que mots vedettes répond au souci de géométriser les comportements, à des fins de classification. Tout repose sur une relation transitive, sur une comparaison entre les caractéristiques de la personne décrite avec l'éponyme en tant que concept générique : « les Castor et Pollux » (les Dioscures, fils de Léda dans la mythologie grecque), « les Tristan et Yseut » (version archaïque de Béroul). L'antonomase  ressasse des lieux communs. Elle est actrice d'images autobiographiques, allégoriques, symboliques, de figures iconiques. On citera les connexions suivantes constructibles à l'infini avec un  un syntagme prépositionnel : « Ubek et Rica » (« Lettres persanes » - Montesquieu - 1721) ; « les Montaigu et les Capulet » (« Roméo et Juliette » - Shakespeare - 1562), « docteur Jekyll et Mister Hyde » (« The Strange Case of Dr Jekylle and Mr Hyde » - Stevenson – 1886), « les Longevernes et les Velrans » (« La Guerre des boutons » - Louis Pergaud - 1912), « les Gibis et les Shadocks » (Jacques Rouxel - 1931). Dans certains de ces exemples, l'antonomase laisse deviner des valeurs oppositives, des paradoxes identitaires. L'antonomase, c'est l'art du clonage...


La mythologie, une rampe de lancement parfaite...

Dans les pratiques verbales, l'antonomase s'accommode d'images convenues d'une grande rentabilité. Les mythes fournissent l'accès à une rétrospective des fondamentaux de son identité double. L'antonomase ne fait pas dans la dentelle lorsqu'il s'agit de napper de sucre une description.  Elle fixe une fois pour toutes une caractéristique psychologique (un narcissique), une identité sociale, morale (une bacchante, une vestale), un trait physique (une force herculéenne, titanesque), des comportements sexuels (un sodomite, une lesbienne, le saphisme, l'hermaphrodisme), etc... Elle permet une caractérisation intensive et connaît des degrés de désignation. L'antonomase manifeste la puissance, magnifie la beauté ou la laideur, commémore des emblèmes inscrits dans la mythographie et gravés dans notre consience collective. Elle s'autorise des embardées dans la rhétorique épique (adjectifs homériques), au gré de notations fortes, accrochantes, avec la patine de l'hyperbole.

Tout phénomène de ressemblance avec un modèle historique, avec un archétype du mythe, fera naître des idiomes proches du stéréotype ou des poncifs de l'éloquence : jouer les « Cassandre » (ou les « Protée »), les « Pénélope », les « Messaline », « les ciseaux d'Anastasie » (allégorie de la censure, « celle qui ne meurt jamais »). C'est bien connu, les meilleures confitures se font dans les vieux pots ! Comme le fait remarquer B. Dupriez dans son « Gradus », les Grecs donnaient aux années le nom de magistrats (l'archonte éponyme), et aux villes des noms de dieux ou déesses (Athènes). L'antonomase éponyme est une mise en perspective de nombreux personnages mythologiques, qui autorise même les formulations périphrastiques les plus lénifiantes (« telle Vénus sortie de son coquillage », « le rocher de Sisyphe » pour symboliser une tâche interminable ou impossible).

Le mythe est donc un terreau fertile pour la fabrication antonomasique : Aphrodite, Vénus, Cupidon, Adonis... Dieux et déesses, héros, nymphes et autres monstres fabuleux ont largement irrigué le domaine des sciences naturelles (« L'antonomase en question » - Jean-François Guéraud – « L'information grammaticale » - 1990). L'entomologie nous réserve une liste de noms vernaculaires de papillons qui ont été piochés dans les récits mythologiques perses, grecs ou romains (phoenix, actéon, adonis, cupidon, satyre, vulcain, sphynx, saturnis, harpie, mercure, parnassius, etc...). La dénomination normalisée (noms usuels ou appellations vulgaires) a ainsi contribué à la vulgarisation des nomenclatures scientifiques, en minéralogie, en astrobiologie, en cosmochimie... L'éponymie revient au galop dans les sciences psychanalytiques (complexe d'¼dipe, d'Electre, la névrose narcissique).

Les antonomases épiques ou homériques brillent par leur présence dans les discours de locuteurs férus d'érudition et de raffinements littéraires. Au point de provoquer un sourire ironique au coin de ses lèvres (« le Cro-Magnon du XXIème siècle ») et parfois, de troubler la somnolence intellectuelle du récepteur (« un Goliath locuteur »). Les Apaches que l'on trouve dans les romans d'aventures au Far-West n'ont rien à voir avec les freluquets à rouflaquettes du théâtre de Feydeau (dans la pièce « Occupe-toi d'Amélie », les apaches sont des loubards). La langue courante est gorgée du passé de l'art littéraire qui irrigue nos pratiques langagières. Elle s'enrichit aussi de faits de société dont la postérité peut se montrer oublieuse. La place de Grève à Paris doit son nom à la présence de sables et graviers qui submergeaient les berges de la Seine (mot issu du latin populaire « grava »). Les exécutions publiques qui s'y déroulaient amenaient les ouvriers à cesser toute activité pour y assister (faire grève).

L'environnement littéraire fonctionne comme un gigantesque réservoir de néologies. Bien souvent, précise Georges Molinié, la sélection porte sur « l'attribut essentiel » et « le choix d'excellence » d'un individu. Voilà l'idée générale résumée en deux mots : l'antonomase permet de concentrer l'attention sur une singularité des êtres. Singularité que les romanciers savent exploiter pour donner vie à leurs personnages. Il n'y a pas à redire, « c'est au pied des maçons qu'on voit leurs chaussures ». Ce que ne manque pas de souligner Molinié : « On admettra qu'une antonomase de ce type (un nom propre est pris pour indiquer un individu quelconque présentant superlativement les qualités communément attribuées à l'objet dénommé) constitue en réalité un mixte de métaphore et de métonymie-synecdoque » (ibid., opuscule cité).

     Certains stylisticiens différencient l'antonomase d'excellence (concept d'« excellence typique » de Molinié) de l'antonomase paradénominative. Dans le premier cas, le référent qui est ciblé par le locuteur (l'individu porteur de la du nom propre) est saisi dans sa valeur d'excellence. Une valeur qui marque sur le mode hyperbolique la perfection, la supériorité incontestable d'un individu dans un domaine précis... L'antonomase, à la différence de la périphrase, nous dispense d'énumérer une liste fastidieuse des qualités propres à la personne. D'ailleurs, Fontanier oppose les formes périphrastiques (« l'arbre cher à Minerve » pour évoquer l'olivier, « l'oiseau de Jupiter » pour l'aigle) à l'antonomase en tant que trope formé d'un seul mot. Dans la périphrase, au lieu d'un seul mot on en met plusieurs pour désigner quelque chose. Que le nom propre existe ou pas, qu'il s'agisse d'une remotivation ou pas... La pièce baroque « L'illusion comique » (1636) de Corneille nous en fournit un autre exemple : « Et ce petit archer qui dompte tous les dieux // Vient de chasser la mort qui logeait dans mes yeux » (acte II scène 2). L'antonomase est un universel, elle fait surgir une figure exemplaire, tutélaire, dans la besace de nos références. D'après le sémioticien Roland Barthes, cette figure correspond à « l'incarnation d'une vertu dans une figure » (« Communication » - 1970). Ajoutons que l'action de s'incarner doit beaucoup à un contrat mémoriel. De nombreux noms propres n'ont d'autre existence que dans les ½uvres littéraires. Empruntons quelques vers  à Nerval pour servir d'exemple : « Il a vécu tantôt gai comme un sansonnet, // Tout à tour amoureux insoucieux et tendre, // Tantôt sombre et rêveur comme un triste Clitandre » (Epitaphe – « Poésies diverses » – 1852). Clitandre (ou Léandre dans la commedia dell'arte) symbolise le rôle d'amoureux, de jeune soupirant sentimental et rêveur dans les comédies théâtrales (Corneille, Molière, Marivaux). La qualification de ce personnage est si galvaudée que, sorti de son décor en carton pâte, le nom de Clitandre ne veut rien dire. D'une façon encore plus sûre pour ceux qui ne visitent pas l'univers du théâtre. L'antonomase, dans ses emplois savants, subit l'effet d'étanchéité du champ littéraire. Au même titre que les constructions étymologiques. Prenons le cas du terme « scrupule ». En latin, « scrupulus » désigne un petit caillou, un gravier minuscule, se trouvant malencontreusement dans le fond des chaussures. On se retient de faire un pas de plus. Ce qui est à l'origine, par analogie, du sens moderne de sentiment d'embarras, de retenue (« avoir scrupule à... »). Le mot latin « gladiolus » a donné son nom à la fleur de glaïeul (catachrèse jouant de l'analogie avec la forme lancéolée de ses feuilles). En tant que figure d'analogie (établissement d'un rapport de ressemblance, rapprochement de traits communs), de substitution, l'antonomase ne tolère pas la moindre distance avec nos réminiscences.

L'antonomase, un drôle d'olibrius ? Sa fonction documentaire nous fait voyager dans le temps...

La synecdoque d'individu est particulièrement fréquente dans les usages. De nombreux personnages de l'époque romaine se voient affublés du nom « Olybrius » (à rapprocher des patronymes des mystères médiévaux ou de la commedia dell'arte avec Matamore, Rodomont – d'où l'on a tiré « rodomontade » - ou Fracasso)... A partir du XXème siècle, « olibrius » désigne un individu bizarre, énigmatique ou fanfaron (« faire l'olibrius », « une espèce d'olibrius »). Si l'appellatif « Pieds nickelés » (personnages de la bande dessinée de Forton inventés en 1908) n'est pas à ranger dans la catégorie des antonomases, en revanche les trois lascars Croquignol, Ribouldingue et Filochard servent de substituts pour représenter des filous à la petite semaine.  Ces noms propres qui deviennent des noms communs courants finissent par se lexicaliser, se vulgariser, en  apparaissant  dans les dictionnaires usuels (« une poubelle », « une silhouette », « un mentor » « un chauvin »). Ce sont des synecdoques d'individus (« les amazones », « une harpie »). Une silhouette désigne une figure vaguement esquissée, en souvenir des caricatures dessinées par Etienne de Silhouette, contrôleur des impôts au XVIIIème siècle. Une poubelle  rappelle le patronyme du préfet de police de Paris, Eugène Poubelle, qui  généralisa au XIXème  siècle l'usage de ces récipients  à des fins de salubrité publique. Un mentor est le nom du précepteur de Télémaque dans l'Odyssée d'Homère (repris dans Les Aventures de Télémaque, roman didactique de Fénelon publié en 1699). Les substantifs masculins  « mécène », « mécénat », correspondent à une francisation d'un patronyme latin : Caius Cilnius Maecenas était le confident de l'empereur romain Auguste (l'antonomase était déjà présente dans la langue latine). Les vespasiennes (urinoirs publics) doivent leur dénomination à Vespasien, qui régna sur l'Empire  romain de 69  à 79. Le terme « chauvin » est issu du nom de Nicolas Chauvin, un fidèle soldat de Napoléon, patriote exalté des armées du premier Empire, blessé à de multiples reprises dans les combats, et qui repartait au combat sitôt guéri. On oublie parfois l'origine de certaines expressions. La cariatide (caryatides en latin impérial, colonne, pilastre, corniche surmontée d'une tête sculptée) doit son nom aux habitantes de Karyes, localité du Péloponnèse). L'argot « godasse » vient du patronyme d'Alexis Godillot, fabricant de brodequins militaires. Un vandale,  par antonomase du nom d'un peuple qui avait envahi l'empire romain au Vème siècle, s'applique à un individu qui saccage tout. Même origine pour le mot « hooligan », une famille irlandaise qui s'était distinguée autrefois  par son extrême violence à l'égard de son voisinage.

Les marques déposées constituent une variété d'antonomase de nom propre. On dit ainsi couramment : un kleenex (mouchoir en papier), un klaxon (avertisseur sonore), un frigidaire (réfrigérateur), du scotch (bande adhésive), un solex (motocyclette), un macadam (un revêtement routier à base de goudron), un diesel (un moteur  inventé par l'ingénieur Diesel), etc... Les roberts, qui désignent dans la langue argotique les seins d'une femme, doivent leur sens à une marque  industrielle qui lança en 1888 le premier biberon à tétine de caoutchouc. C'est à la faveur de mises en valeur patrimoniales que se développe notre lexique. Il convient de faire remarquer toutefois que le nom de l'inventeur apparaît plus généralement sous la forme d'un prédicat identifiant (« le télégraphe Chappe », « le  gabarit Freycinet »). L'extension prédicative (prédicat appositif d'identité, selon Bernard Combettes) fait alors l'économie de la préposition (« le télégraphe de Claude Chappe »).


L'antonomase double (la madeleine jeannette, le Paris-Brest), et les doublons en fonction du genre...


                        Ce petit gâteau à la forme oblongue et à la pâte moelleuse, spécialité de Commercy, tiendrait  son nom d'une recette pâtissière attribuée à une certaine Magdeleine Paumier, cuisinière de son état, selon le gastronome de La Reynière (1758-1837). D'autres témoignages à propos du roi de Lorraine Stanislas rendent compte d'une jeune fille native de Commercy qui présenta au souverain, en 1755, ce gâteau en dessert. Madeleine était son prénom (très fréquent à partir du XVIIIème siècle, Madeleine  est emprunté au grec biblique Marie de Magdala, nom d'un village situé sur les rives du lac de Galilée, lui-même dérivé de l'hébreu « Migdal »). Cependant, on dit « pleurer comme une Madeleine » par référence  au personnage biblique s'apitoyant sur la crucifixion. La jeannette est un collier ou pendentif en forme de croix, une jeune fille adepte du scoutisme (par référence à Jeanne d'Arc, la patronne du mouvement scoutiste), une plante à bulbe (le Narcisse des poètes), une planchette pour le repassage des bras de chemise. Il faut en convenir, le prénom Jeannette  exerce une suprématie dans les noms communs dérivés par antanomase.


N'oublions pas le Paris-Brest, une pâtisserie en forme de couronne fourrée de crème mousseline pralinée, garnie d'écailles d'amandes. Formé par l'agglutination des noms de ville Paris et Brest, il doit son appellation à un boulanger de Maisons-Laffite, Louis Durand (la paternité de l'invention est discutée par le gotha de la gastronomie). A la demande du grand reporter Pierre Giffard, qui créa en 1891 la course cycliste Paris-Brest, Louis Durand aurait conçu ce gâteau en donnant à cette pâte à chou  la forme ronde d'une roue de bicyclette. A noter que « gotha » (almanach, et par la suite avion de bombardement) doit son nom à une ville allemande  de Thuringe, célèbre pour ses relevés des familles princières.

L'antonomase peut avoir, dans des cas rares, la même forme au masculin et au féminin. Rien à voir avec les substantifs épicènes... Une pandore désigne une sorte de luth (grec ancien Πανδώρα, formé de pan et dora, « ornée de tous les dons »), par référence au mythe de la boîte de Pandore. Mais il existe aussi un masculin, s'appliquant cette fois à un gendarme (nom d'un gendarme dans une chanson de Nadaud, datée de 1857 ; patronyme peut-être issu du hollandais pandoer, ou du hongrois pandur).

Enfin, la morphologie du mot peut être purement arbitraire. Il peut subir des variations orthographiques, sans pour autant neutraliser le sémantisme du paradigme. Un eskimo fait partie d'une peuplade de l'Arctique. Au début du XXème siècle, la société Gervais a fait un sort à « eskimo » en déposant la marque « esquimau ».


Combinaison des prénoms et élargissements prédicatifs : Marie, Jeanne, Georges et Jean...

La contiguïté des deux prénoms « marie » et « jeanne » a abouti à  des formes combinées. La marie-jeanne désigne une bonbonne de 50 litres (une potie) ou un récipient de 2,5 litres (attesté dès le XVIème siècle). Ce type de bouteille enveloppée d'osier est plus connu sous le nom de « dame-jeanne ». La catachrèse est sans doute à l'origine de ce mot composé : ces grosses bouteilles avec des anses rappelant l'image de femmes posant leurs bras sur les hanches (Dame Jehanne). Le mot était utilisé par les matelots (catalan damajana, italien damigiano, espagnol damajuana, arabe damagana).

La Marie-Jeanne, orthographiée en espagnol « marihuana » s'applique à certains stupéfiants hallucinogènes. Elle provient probablement du prénom de prostituées latino-américaines qui fumaient du cannabis pour oublier leur misère (francisation de l'hispano-américain).

Le prénom Georges est issu du latin impérial Georgius, lui-même emprunté au grec geôrgos (agriculteur, travail de la terre, d'où les « Géorgiques » de Virgile, d'où également ce proverbe de notre terroir « A la Saint-Georges, sème ton orge »). Le prénom masculin a donné Georgette (présent dès 1662, dans « L'Ecole des femmes » de Molière). La « georgette » est un bracelet en or ou une étoffe de soie (le crêpe georgette). Plus récemment, un couvert à mi-chemin de la cuillère et de la fourchette...

Le prénom Jean joue un rôle de premier rang dans de nombreux employs lexicalisés, et ceci dès le XVème siècle. Dans la phraséologie populaire, il a toujours désigné le sot, le niais ou le cocu (romans de Rabelais). Cette distinction obligatoire du caractère est un invariant. Les composés du lexique vulgaire comprennent « jean-bête » pour l'imbécile, « jean qui ne peut » pour l'impuissant, « jean farine » pour bouffon de comédie, « jean de la Suie » pour le ramoneur, « jean des Vignes » pour le vin, « jean le Blanc » pour l'hostie chez les protestants, « jean l'enfumé » pour le jambon. Jean des Vignes se dit de l'écervelé qui s'engage imprudemment dans un mauvais pas comme le fit le roi Jean, à Poitiers (en 1346), qui accepta la bataille au beau milieu des vignes. On a dit aussi « le mariage de Jean des Vignes » pour évoquer des amours éphémères. Jean du houx, c'est le nom populaire d'une trique, destinée à vous briser l'échine. Un Jean fait tout est un esprit brouillon qui prétend tout savoir mieux que quiconque. Rendons à Jean Farine ce qui appartenait au Pierrot du théâtre de foire au XVII° siècle, à savoir son imbécillité légendaire. Jean-Jean, c'est un conscrit ridicule, un marin. Un Jean-Jeudi, c'est un mari trompé, parce que dans le Centre de la France, on ne se mariait jamais la journée du jeudi. Je m'en soucie comme Jean le vert signifie « ne pas se soucier d'une affaire ». En languedocien, Yann lou Pec, c'est Jean l'idiot. Un couard, un pleutre se dit un « jean-fesse ».  Faire le Jean Logne, c'est agir de manière louche. Etonner la populace, c'est mener un train de Jean Paris, du nom du fils d'un roi de France. On ne sait plus lequel d'ailleurs. Jeannot  désigne le sot, comme gros Jean, un personage de farce médiévale (“Je suis gros Jean comme devant”, dans la “Laitière et le Pot au lait” de La Fontaine). Jeannot, c'est le rustre lourdaud, sans aucun esprit. Jeanneton, une fille de petite vertu. Au pluriel, le terme  “jeannettes” s'appliquent aussi bien aux filles qu'aux garcons qui passent leur temps à bavarder.

Les antonomases dérivées de prénoms littéraires, entre pantonymie et hyperonymie...

Le prénom féminin « Cosette » est issu probablement du diminutif « chosette » (latin causa), avec le sens de « petite chose »,  assorti d'une tonalité hypocoristique (surnom affectueux). Un prénom qui a été popularisé par « Les Misérables » de Victor Hugo (la fille d'une ouvrière devenue prostituée, le petit souffre-douleur des Thénardier).  La force d'attraction de ce personnage de roman a été tellement forte qu'elle a rendu l'usage de ce prénom littéraire très exceptionnel, au point qu'il est rarement adopté par les familles. En revanche, on le retrouve  dans des tournures impersonnelles comme « la petite cosette des banlieues, des faubourgs, des ghettos, un mélange de Cosette et de Cendrillon », etc...). La rareté de ce prénom dans les usages sociaux a pour corollaire surprenant une persistance à l'associer à l'écrivain. Le critère de notorité, rappelons-le,  fonde le processus antonomasique par lequel le prénom, réduit à sa seule dimension linguistique, est voué à la banalité.

L'antonomase est foncièrement classifiante. Le recours à cette figure renoue avec une croyance ancestrale selon laquelle l'anthroponyme entretient une relation avec les qualités et les valeurs qui lui sont attribuées par son sens étymologique. Le moraliste Jean de La Bruyère [1645-1696] en a tiré le parti que l'on sait dans ses portraits (Les Caractères ou les M½urs de ce Siècle). Le pseudonyme est littéralement porteur d'un destin individuel (Ménalque, Iphis, Ménippe, Diphile, Nicandre, Arrias, Gnathon, Giton, Phédon). En ce sens, le caractère unique du prénom  (comme signe d'exception) permettant de spécifier un individu de la manière la plus originale qui soit, devient par l'antonomase un moyen non pas de signaler la personne, mais d'affirmer son appartenance à une classe d'individus, d'identifier un être ou un état social, un profil psychologique. Pas étonnant que l'antonomase soit la mascotte d'une rhétorique délibérément incendiaire.

La dénomination d'un produit...

Le panettone est un pain brioché enrichi de miel, de raisins secs et autres fruits confits. Il existe plusieurs versions relatives à son origine (le prénom Toni). Il est question d'un certain Toni à la fin du XVème siècle qui se serait endormi lors de la cuisson de son gâteau à l'occasion d'un banquet donné par Ludovico  Sforza dit le Maure (le pan de Toni). Une autre histoire implique un jeune noble qui fit succomber de plaisir sa bien-aimée (la fille du boulanger Toni) en imaginant cette recette d'un pain enrichi.  D'autres légendes invoquent une nonne, s½ur Ughetta (en italien, raisin sec), qui aurait acheté de ses propres deniers les ingrédients de ce gâteau pour gâter ses consoeurs du couvent.

Certains cigares tiennent leur nom de la capitale de l'île de Cuba, La Havane (de l'espagnol habana, patronyme d'un chef de tribu selon certaines sources). Le havane est un tabac fabriqué à Cuba, qui, par métonymie, désigne le cigare.

Dans le domaine des variétés florales, arboricoles, fruitières, l'antonomase assure la prise en charge d'un classement des échantillons, d'un repérage des espèces (les variétés traditionnelles obtenues par hybridations locales, sont rebaptisées au-delà d'un territoire local, d'un terroir d'origine : la poire Baltet, la pomme Nonetti, Marion, mirabelle Prunochio, tulipe Pinochio, etc...). Ces appellations vernaculaires permettent la classification botanique (en pomologie, le répertoire taxonomique concerne 10 000 variétés de pommes). L'antonomase prolonge et signe l'identification générique des variétés (bigarreau Napoléon). La nomination garantit l'authenticité d'une reconnaissance des espèces par comparaison physique.

           De la même façon, l'antonomase accompagne le développement des marques textiles pour les inscrire dans la durée. Elle contribue à l'identité forte des labels (propagandes médiatiques de Bérangère Claire, Adèle, Toka Toka), des griffes de couturiers (Chanel, Prada, Dior, Saint-Laurent, Gucci), des réseaux de boutiques en ligne (Ralph Lauren). L'acte de nomination valorise les produits culturels ou industriels. L'antonomase n'a pas qu'une fonction d'ornement.

       Les breuvages ou les desserts n'échappent pas à l'onomastique.  En 1827, un modeste distillateur de Neauphle-le-Château, Louis-Alexandre Marnier, invente une liqueur inédite à base d'alcool d'oranges amères des Antilles et de cognacs, le Grand Manier. Mais pourquoi « Grand Marnier »? En fait, il s'agissait d'une allusion narquoise à la petite taille de Louis-Alexandre... La bouteille ventripotente Grand Manier va trouver sa place sur les tables du Ritz à Paris, palace dirigé par Escoffier (1846-1935), et fréquenté par le prince de Galles. Ce dernier s'y rendait souvent avec une amie française, Suzette: c'est pour elle que le grand chef Escoffier inventa les crêpes à la liqueur d'orange, les crêpes Suzette ! Escoffier aurait inventé aussi la poire Belle-Hélène, à l'époque où l'opérette « La Belle Hélène » d'Offenbach faisait fureur (plus précisément la sulfureuse Hortense Schneider, dans le rôle titre, et le rideau baissé, la propre maîtresse de l'empereur Napoléon III). Il en va de même pour la pêche Melba, du nom de la célèbre cantatrice Nellie Melba, courtisée par le même grand cuisinier. Finalement, l'antonomase aspire à revendiquer la paternité d'un plat. Les confusions de paternité restent possibles. Qui n'a jamais entendu à la terrasse d'un bistrot: « La césar, c'est pour qui ?». S'agissant d'une salade romaine, on pense à Jules César (César est un nom propre tiré du nom commun caesar, «tiré du ventre de sa mère», d'où la césarienne ou hystérotomie) alors que l'inventeur est un certain Caesar Cardini, maître-restaurateur mexicain qui mit au point en 1924 cette recette (en anglo-américain, « chicken salad» ou « caesar salad»). Pas question pour l'antonomase d'enfreindre les droits souverains de la propriété intellectuelle! N'oublions pas les outils, ustensiles ou acessoires de cuisine: la charlotte de protection (en souvenir de la coiffe de Charlotte Corday, guillotinée le 17 juillet 1793 pour avoir assassiné Marat), à ne pas confondre avec l'entremets (la charlotte russe, qu'on rapproche par hypothèse de Charlotte de Mecklembourg-Strelitz, l'épouse du roi George III). La maryse, une sorte de lèche-tout, une spatule servant à racler la chantilly au fond d'un récipient (mot correspondant au prénom, non pas de son inventeur, mais de sa nourrice qui pestait lorsqu'il s'agissait de passer la racloire dans les saladiers en cul-de-poule). On s'en rend compte, la paronomase est assaisonnée à toutes les sauces (la sauce du cuisinier François Pierre de la Varenne dédiée au marquis Béchameil, les levures chimiques Ancel, Vahiné, Alsa, etc...). La Société alsacienne de meubles (entreprise de fabrication de meubles pour cuisines) a choisi comme enseigne « Cuisinella » (du latin coquina, en bas latin cocina, complété par le diminutif -ette auquel sera substitué le suffixe latin - ella). La marque “Petit-Suisse” rend homage à un vacher devenu apprenti mitron auprès de dame Hérould dans un village normand. Le nom de baptême de ce produit fait référence au canton de Vaud en Suisse, d'où était originaire ce garcon de ferme.

Difficile de dresser une cartographie exhaustive des emplois de l'antonomase, tant cette figure de sens prolifère dans les productions langagières. Aucune politique d'austérité ne saurait s'imposer à celle-ci.

Sylvain : du nom commun à l'anthroponyme, subissant lui-même une recatégorisation nominale....

Le prénom “Sylvain” est emprunté au nom féminin “silva, silvae” du latin classique (forêt, bois).  Les Silvanae étaient des déesses forestières, Silvanus le dieu des forêts.  Etymologiquement, l'adjectif silvaticus est à l'origine du mot “sauvage”. Ce prénom va s'appliquer ensuite aux petits génies champêtres (les faunes, en latin “fauni”).  Le dieu de la fécondité Faunus a été confondu avec la figure de Pan, représenté dans toute sa laideur, avec des cheveux hirsutes, une barbe broussailleuse, avec des cornes et un corps de bouc depuis la taille jusqu'aux pieds. Il n'est guère différent des satyres ou des sylvains (il est souvent confondu avec Faunus et Sylvain). Les fêtes des Lupercales rendaient un culte aux faunes, satyres et sylvains (équivalents des Egipans chez les Grecs). Le dieu Sylvain était représenté avec une serpette, une couronne de lierre, de pin, ou de cyprès.  Il servait de croquemitaine, à l'image de notre père Fouettard, pour effrayer les enfants. Un nom commun (“silva”) a donné naissance à un nom propre (Sylvain). De même, le génie rustique Satyrus, compagnon de débauche de Bacchus (du grec ), fournira par analogie le substantif “satyre” avec le sens “homme lubrique” (le terme “satire” est lié plutôt au latin “satura” indiquant un mélange littéraire de formes diverses).).  Mais le nom propre Sylvain, par ricochet, finira par générer à son tour un autre nom commun (un chèvre-pied). Il apparaît plus important dans la construction antonomasique d'identifier l'association (sylvain-divinités forestières) que dans d'autres situations de langage. Il n'est pas besoin pour un quelconque locuteur de maîtriser l'étymologie des noms communs pour valider un énoncé. Ce qui est le cas du substantif “sauvage”, lui-même dérivé de “silva” (homo silvaticus).

Antonomases dérivées de patronymes : se faire nom pour se faire un nom...

La langue laisse traîner de nombreuses notices biographiques. Une mansarde (fenêtre en mansarde, logement mansardisé, grenier mansardé) rappelle l'invention du comble brisé par l'architecte François Mansart [1598-1666].

La « tontine » est une technique patrimoniale (le plus ancien type de contrat d'assurance vie) datant du XVIIème siècle : un pacte tontinier est une convention conclue entre des personnes qui ont acheté un bien immobilier en commun. Cette forme tient son nom de son inventeur, le banquier italien Lorenzo Tonti [1602-1684], gouverneur de la province de Gaète, proche du cardinal Mazarin. Le roi Louis XIII fera de Lorenzo Tonti le parrain du jeune Louis XIV.  Ce qui ne lui portera pas chance, puisqu'il finira emprisonné à la Bastille en 1668. La toute première « tontine » fera son apparition en France en 1689. Rien à voir donc avec les « Tontons flingueurs », titre du film de Georges Lautner. Ni avec le jeu de hasard inventé par les Romains (le « toton », par francisation du latin totum).

L'ANTONOMASE A LA DEROBADE.

Caricature du quotidien régional « L'Est Républicain »

Le système de Ponzi est un montage financier consistant à rémunérer les investissements des plus anciens clients par des fonds et liquidités perçus par les nouveaux entrants dans cette chaîne (appelée aussi pyramide de Ponzi). En 2008, le président du Nasdaq, Bernard Madoff, s'est directement inspiré de l'arnaque frauduleuse de Charles Ponzi, orchestrée à Boston en 1919.

Antonomases lexicalisées et non lexicalisées

La lexicalisation des antonomases ne va pas de soi. Bien des processus antonomasiques sont parfaitement ignorés des locuteurs qui peuvent très bien n'avoir aucune idée de l'origine de mégère, blue jean, mécène ou cariatide. La typicité de ces termes leur échappe totalement. Le substantif et adjectif «panique» (effroi qui trouble à la fois le corps et l'esprit, caractéristique qui affecte un sentiment, une mimique, etc...), contre toute attente, est bien, lui aussi, une antonomase. Son sémantisme s'expliquerait en raison de l'épouvante des naïades harcelées par le dieu Pan (« Tiers Livre » - 1546 - François Rabelais). Tous les dérivés proviennent de la même source (péjoratif « paniquard, paniquarde », participe passé « paniqué », adjectivé ou substantivé, verbe « paniquer » interjection « pas de panique ! »).

Caryatide, nous l'avons vu, vient du  grec kαρυἀτιδες, « femmes de Karyes », en Laconie. Ces femmes, réduites à l'esclavage par les Perses, furent condamnées à porter de lourds fardeaux. Elles ont donné leur nom  à des architectures remplaçant les colonnes ou pilastres, pour servir de soutien à une architrave. Les  habitants de Carie (région du Péloponnèse), raconte Vitruve, s'étaient coalisés avec les Perses (sous le commandement de Xerxès)  pour combattre les autres de peuples de Grèce. Les  Perses perdent la bataille, les peuples de Grèce passent au fil de l'épée les Cariates, et pour commémorer la victoire, ils obligent leurs  femmes à suivre le cortège triomphal, puis  à demeurer debout sur une stèle (dans le but de prolonger le spectacle de l'humiliation). Une autre explication historique est avancée : les femmes de Karyes furent emmenées captives après la destruction de leur bourgade. Elles servirent ensuite de modèle artistique pour les statues construites en forme de colonnes.

Autre exemple, celui du service à la russe, donc au guéridon (mobilier à roulettes placé près de la table des hôtes). Qui se rappelle que Gueridon est un personnage de farce au XVIIème siècle ? Ce petit meuble a pris le nom de ce héros du folklore populaire en raison de la forme humaine de son pied galbé.

La baie des Anges à Nice doit son appellation à un sobriquet attribué à un requin (du latin classique « squatina,-ae », «squatina angelis dum » ou ange de mer ocellé). Les schrapnells (éclats de mitraille) ont été inventés par un officier anglais du nom de Shrapnel.

L'antonomase tautologique, de géolocalisation : la fonction performative de l'évocation toponymique...

Elle est régie par des procédures de redondance. Tout repose sur la reprise d'une information concernant l'inscription, l'implantation géographique. 

De nombreuses antonomases ne se lassent pas des tracasseries des A.O.P. (Appellations d'Origine Protégée), notamment dans le domaine de la fromagerie. Quel village n'a pas baptisé son fromage au lait cru ! Le produit porte la trace de son lieu de fabrication. Pas besoin de tours de passe-passe. L'antonomase fait office de Monsieur Loyal dans le domaine des appellations, ce qui a l'avantage pour le consommateur de ne pas perdre ses repères géographiques. Un coulommiers est un fromage au lait de vache fabriqué à Coulommiers. Ce qui vaut pour le Brie, le Morbier, pour le bleu de Gex, le fromage de chèvre Sainte-Maure de Touraine. Et pour les marques étrangères, l'emmenthal, le gouda, le parmegiano reggiano (francisé en Parmesan).

Il faut quelque fois aller chercher loin les lieux de baptême, quitte à accepter comme Quillet quelques fantaisies. Ainsi, l''expression « boire à tire-larigot » (qui veut dire boire exagérément), proviendrait du jargon militaire (boire à la façon d'un soldat qui « tire la Rigaud », une pièce d'artillerie). Cette même expression tiendrait son origine du nom d'une célèbre cloche de la cathédrale de Rouen (« Dictionnaire encyclopédique Quillet » – Librairie Aristide Quillet – 1934). Cette cloche, très dure à mettre en branle, obligeait les sonneurs à se désaltérer fréquemment pour se donner des forces. Ne parlons pas de la tour du beurre de cette même cathédrale, qui exigerait un long développement à propos du Mardi gras, du Mercredi des Cendres, de la période de carême et du trafic des indulgences... La paronomase se met au service du panégyrique des offices du tourisme. Le moindre petit trou d'eau en milieu urbain pourra être élogieusement comparé à « un petit Saint-Malo à deux pas du centre-ville ».

Donner un nom aux choses relève souvent du bon sens. Pas besoin de chercher loin pour trouver l'origine du nom de la capitale des Flandres, Lille. La cité a été construite sur une île. Ce qui suffit pour justifier le toponyme. D'autres noms communs ont fourni des noms propres sur le même canevas. Le nom géographique « Méditerranée » est un emprunt au latin « mediterraneus » (au milieu des terres, en bas latin « mare mediterraneum »), lui-même formé sur le modèle grec  (de  , « situé au milieu »,  et , « terrestre »). Il en va de même pour les « Antilles » (ante islas, du latin classique insula ; les îles antillaises se trouvant avant le continent).

L'antonomase ne connaît pas les réflexes de dérobade... Dans son environnement, elle paraît relayer un cliché originel plutôt que des notions abstruses (« franchir le Rubicon »). Elle ne cherche pas à tout crin la modernité impalpable. Les catachrèses sont autant de grappins qui lui permettent de servir d'intermédiaire avec le monde concret.

Antonomase et suffixation de dédicace, un processus en autoclave...

  Dans le champ disciplinaire des sciences, les noms des savants sont fréquemment utilisés pour les unités de mesure (pascal, ohm, ampère, volt, watt). En revanche, l'inventeur du processus de vulcanisation n'a donné son nom (Charles Goodyear, sorte de Vulcain des temps modernes) qu'à une marque de pneumatiques. Comme Michelin, avec en plus « la micheline » (autorail muni de pneumatiques). L'identité du découvreur est retenue plus difficilement en raison de la suffixation.

         Le porcelainier Eugène Alluaud [1866-1947] fait partie d'une dynastie de céramistes qui donna ses lettres de noblesse à la porcelaine du Limousin. Eminent minéralogiste, il découvrit  un minerai qui portera plus tard son nom (l'alluaudite, phosphate hydraté de manganèse). La suffixation brouille parfois les choses (exception faite de sertains suffixes argotiques comme « parigot »). Elle dilue la notoriété du référent initial. Ce qui vaut tout aussi bien pour les noms communs, au regard de leur origine étymologique (verbe « arriver », comme contraction de la métaphore ad ripam ire). Tout acte de langage ne nécessite pas une vision rétrospective de l'histoire des mots. Le substantif cesse de paraître singulier puisque l'étiquetage du référent initial n'opère plus dans la relation dénominative. La référence à un individu particulier ne s'inscrit plus dans la dénomination, sauf à procéder à l'effacement du suffixe. Cette observation  tend à démontrer que le marquage du nom propre et son identification n'est pas forcément un préalable à la compréhension d'un message. Que le hamburger, la margarine, le tiramisu ou le mascarpone soient des antonomases ou non, cela n'empêche nullement de comprendre ce  que ces produits désignent et ne contrarie en rien nos caprices nutritionnels. Peu importe l'origine du produit. D'ailleurs certaines appellations sont frelatées.   En Ile-de-France, le kebab est appelé « un grec » (comme le billet de 20 euros) alors que dans la langue turque « dôner kebab » signifie littéralement « grillade tournante ». Pour ce qui concerne  ce sandwich fourré de viande d'agneau grillée à la broche, (une formule inventée par un restaurateur de Bursa, un certain Cevat Iskender ; à l'instar des s½urs Tatin, il avait eu la bonne idée de retourner la position de la broche et d'empiler du charbon à la verticale). Quand les immigrés turcs sont arrivés à Paris dans les années 1970, la communauté grecque était déjà là.  Le contexte des flux migratoires successifs explique cet emploi langagier (qui ne vaut pas pour pour les sushis, les tacos, les dim sums, l'ouzo, le raki).

Le mot volcan vient du latin « Vulcanus » (nom du dieu romain du feu). Le Stromboli est un strato-volcan qui tire son nom d'un mot signifiant « toupie ». Il se trouve dans les îles Eoliennes (une antonomase, formée à partir du nom Eole, dieu des vents. Ce strato-volcan a prêté son nom par suffixation adjectivale à tous les autres volcans de type explosif et effusif (« des explosions, des activités stromboliennes », « un volcanisme strombolien »). Reste à savoir si le volcan Eyjafjallajökull aurait connu le même succès... L'antonomase fait feu de tout bois. Citons quelques noms chinés en brocante concernant les méthodes de division du travail (« taylorisme », « fordisme », « toyotisme »). Moins connu que les premiers, l'uddevalisme (forme d'organisation initiée dans les chaînes Volvo à Uddevalla en Suède). L'onomastique des partis politiques comprend bien des dénominations qui sont des antonomases du nom propre (gaullisme pompidolien, chiraquisme, mitterandisme, vallsisme mendésien, etc...).

Les emplois prédicatifs : le processus antonomasique dans les constructions prépositionnelles ou appositions...

Les linguistes distinguent l'antonomase purement référentielle (dont la signification fait référence à une personne) de l'antonomase prédicative. A l'image de l'emploi métaphorique, traditionnellement perçu in absentia ou in praesentia. Pour ce qui concerne l'antonomase référentielle, l'individu ne compte guère. Mis à part les spécialistes, qui garde en tête le référent de calepin, massicot, jérémiade ou galimatias ? Sauf à insister sur une prolongation de sens par périphrase (« Bourges, la cité Jacques C½ur »). La démultiplication des réalisations antonomasiques s'explique par ces parallèles récurrents. On  les retrouve en abaondance dans les programmations, aussi riches que soignées, des syndicats d'initiative. L'antonomase s'adapte à ce format de publication, sans autre ligne d'horizon que le souci de séduire. Elle tourne en boucle ce qu'elle archive. La complémentation nominale remplit du volume. On peut même parler d'apposition canonique lorsqu'elle s'applique à l'antonomase : « la petite madeleine,  la reine de Liverdun ». En termes de marketing, ce n'est plus une vérité, c'est un axiome.

L'antonomase peut produire de belles visions et parvenir à instaurer une envolée lyrique, voire une empathie  par notre implication émotionnelle (les appositions grandiloquentes comme « Le grand capital, ce Moloch qui dévore les êtres... »). Emile Zola en était friand. L'antonomase est foncièrement porteuse d'information (« le nez de Polichinelle, de Pinocchio, de Cyrano »). Elle puise dans les images d'archives, elle est encordée à une information immanente, à un matériau porteur d'information qui lui sert d'incubateur. Dans cette mise en mots, l'individu devient signe, symbole, icône ou logo.

Comme l'indique Georges Molinié, l'antonomase recèle une dimension métaphorique. C'est une figure minimaliste qui ½uvre dans le format court, en tant que microstructure. De façon générale, elle n'a d'autre chose à révéler que ce qu'annonce déjà le thème, au point de se rapprocher de la métaphore morte. Contrairement à la métaphore poétique, qui mobilise notre imagerie cérébrale, elle ne cherche pas des éléments de décalage. Même si sa déclinaison tropaïque fait apparaître parfois des mises en relation trop disparates. Notamment dans le domaine de la toponymie. Le plus souvent, pour des raisons phonétiques. Situé en Corrèze et débordant sur la Creuse, le « plateau de Millevaches » est une expression dont le sens est encore discuté par les étymologistes. Un sens qui n'a rien à voir ni avec les salers ni avec les limousines.

        Dans les emplois prédicatifs, l'antonomase se trouve en tête d'un syntagme nominal (syntagme prépositionnel introduit par « de » par exemple). Soit la formulation « le Raspoutine du Kremlin » pour désigner, la paronomase aidant, le président de la fédération de Russie, Vladimir Poutine. Toute sa cohérence repose sur la relation d'analogie entre le référent d'origine (le confident de la femme de Nicolas II, Grigori Raspoutine) et le référent de la matière discursive (le président Poutine). L'analogie se fondant sur des propriétés supposées ou prétendues communes entre le référent originel et la chose dont on veut parler. Ce qui implique des présupposés : que les locuteurs partagent des connaissances communes pour identifier le contenu métaphorique (les manipulations de Raspoutine à la cour impériale), afin d'établir une relation avec le contexte de l'énonciation. Le nom d'origine dans ce cas précis doit rappeler au récepteur des traits caractérisiques de la chose référée (recatégorisation métaphorique).  Encore faut-il que des traits particuliers semblables fondent la relation de similarité. Ce qui peut être discuté, d'un point de vue idéologique. Ceci dit, plus ces traits sont reconnus, et plus l'antonomase fait l'objet d'une acceptabilité, plus la complémentation « le Raspoutine [du Kremlin] »  est recevable, sur un plan argumentatif, par les partenaires de la relation inter-subjective. La prédication est le repère constitutif de l'énoncé, qui est déterminé par rapport au domaine référentiel (les intrigues de cour de Raspoutine). Même si, en définitive, toutes les relations en jeu dans cette opération de prédication doivent être connues par le locuteur et le co-locuteur, y compris les connaissances à tonalité politique relatives au référent second. L'absence de repérage référentiel (connaissances associées) conduit inéluctablement au décrochage. La complémentation est caractérisante, classifiante, à condition de prendre appui sur une notoriété de nature à favoriser la compréhension du message (« le Raymond Poulidor de la politique », « la libanisation, la balkanisation de la société », « le machisme-léninisme du castrisme », « un regard viscontien sur les noces de sang du capitalisme et du nazisme », « le peuple britannique a terrassé Westminster »). En définitive, comme pour la métaphore ou la comparaison, l'antonomase mobilise nos capacités d'établir un lien d'association. Même si elle ne peut s'offrir, comme nous l'avons dit, les coudées franches ou les décalages incongrus de la création métaphorique. La paronomase est somme toute un procédé novice, un pur cliché obtenu avec deux bouts de ficelle. Sous condition que le rapprochement ou l'altérité soit un élément de notre quotidien. Ce qui ne va pas de soi, d'une langue à l'autre. Une observation que Joachim Du Bellay [1522-1560] avait déjà formulé à la Renaissance (« La deffence et Illustration de la Langue Françoyse » - 1549). Dans la langue allemande, l'expression « die Toskana-Fraktion » désigne certains membres du S.P.D. (Sozialdemokratische Partei) comme Gerhard Schröder, ou du parti « Die Linke », comme Oskar Lafontaine, qui avaient l'habitude de passer leurs vacances en  Toscane. En France, le terme « gauche-caviar » sera mieux compris pour dénommer des personnalités politiques éloignées des préoccupations sociales.

Les fonctions de l'antonomase : esquisse d'un bilan

L'antonomase passe en revue des stéréotypes,  elle opère sur un plan approximatif ou très pragmatique. Tout comme la catachrèse, elle entretient un rapport d'immédiateté avec ce qu'elle désigne. La catachrèse n'a pas d'autre ambition que de dire les choses le plus sobrement possible : un pet-en-l'air (veste courte), un huit-reflets (chapeau haut de forme), des ailes-de-pigeon (rouleaux de cheveux tombant sur les tempes), les châtaignes de mer (les oursins), le violon (la prison, le panier à salade), une vendangette (la grive), le trusquin (outil de boissellerie), le pousse-caillou (un fantassin), aller aux asperges (tapiner), tomber dans le coaltar (être hébété), etc... A l'image de certains emplois substantifs qui reprennent mot  à mot des réalisations phrastiques (un « suivez-moi-jeune-homme »). Ou des répliques de certains personnages : « tu passeras le bonjour à Alfred ! » (magazine de bande dessinée « Zig et Puce » avec Alfred le pingouin, 1924). La paronomase se caractérise par cette même raideur dans son rapport à des clichés, à des symboles (le judas, trappe amovible, du nom de l'apôtre Judas Iscariote). Nous l'avons vu, l'antonomase épique se coule dans le format d'une identité figée, dont elle tire une force féconde...

Toute construction paronomastique se résume à cela : y voir clair, souvent au prix d'une redondance dans les emplois prédicatifs. D'où cette stagnation séculaire pour ce qui concerne les mythes, allégories, paraboles religieuses... On retrouve cette même raideur dans son rapport à des faits réels.

Finalement, dans la paronomase, indépendamment des emplois langagiers, tout est affaire d'éducation et de culture. Elle insiste sur une expérience partagée, cherchant à éviter la dispersion, celle  des particularismes, de l'indigénisme. Elle brasse large à partir d'un processus minimaliste, quitte à aboutir à un raidissement du propos.

Elle laisse résonner dans notre conscience un fait de société, qui y retrouve toute sa vérité (« la lunaparkisation, la disneylandisation des existences », « la cocacolisation des sociétés », « la macdonaldisation des m½urs »).

Enfouie dans le fond des tiroirs du matériau verbal (un matériau aux dimensions wikipédiesques, il faut bien le reconnaître), l'antonomase s'arrime solidement au principe d'équivalence pour traverser les âges....

          Avec ou sans majuscules, elle exhume des portraits posthumes. Et de ce dernier point de vue, elle assume pleinement une fonction de consolidation de nos savoirs...

Travail personnel du professeur, Bernard Mirgain


Bibliographie

* De l'identification à la catégorisation: l'antonomase du nom propre en français – Bibliothèque de l'Information Grammaticale – Editions Peeters – Louvain – 2005


* “L'antonomase en question” – Jean-François Guéraud – in “L'information grammaticale” – numéro 45 – mars 1990

L'ANTONOMASE A LA DEROBADE.
Tableau de Petrus (Pierre  Noël Tanczak)

 
  Liens avec d'autres articles de linguistique sur ce même blog :
 
http://bmirgain.skyrock.com/3271946978-POUR-UNE-POETIQUE-DE-LA-PARONOMASE.html
 
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L'ANTONOMASE A LA DEROBADE.
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#Posté le lundi 28 mars 2016 12:38

Modifié le mardi 30 août 2016 05:06

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