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Cours de français en ligne (par B. MIRGAIN)

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Mise en ligne de cours de français. Aide gratuite pour les élèves.

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LES LIAISONS DANGEREUSES. LACLOS. IMAGES DE LA FEMME DANS LE ROMAN EPISTOLAIRE.

Images de la femme dans « Les Liaisons dangereuses ». Etudes croisées du professeur, B.Mirgain.
 
Le thème de l'amour occupe  une place prépondérante dans chacune des cent soixante-quinze lettres du roman épistolaire « Les Liaisons dangereuses » de Laclos. Il envahit l'½uvre toute entière, comme une obsession. André Malraux ne manque pas de le souligner dans sa préface : « On perdra cette belle confiance en la puissance de l'esprit sur la vie. De Valmont à Ivan Karamazov, la part organique et souterraine de l'homme ne cessera de grandir ».
Laclos précipite l'entrée en matière : les douze premières lettres d'inauguration de cette charpente littéraire, condensent l'exposition. Une exposition presque théâtrale tant l'action  tant l'intrigue est riche en péripéties amoureuses, en rebondissements. Avec une sobriété exemplaire,  Laclos fait l'économie de certains artifices littéraires, comme ceux de l'attente (nombreuses coupes dans l'exposition). Mais aussi celui du détour : l'auteur élimine systématiquement tout ce qui n'intéresse pas directement l'action.
Ce roman épistolaire  prend l'allure d'un véritable puzzle, dont chaque pièce doit retrouver sa place initiale. Aucun personnage extérieur à l'action. Tous les personnages semblent être des marionnettes : leur rôle est défini à l'avance. Comme si le monde était un grand théâtre, un carnaval permanent. Comme si chacun des protagonistes portait un masque, dont la principale propriété serait la fausseté.  Le masque peut être interchangeable. Les personnages du roman  se montrent sous divers visages, sous des éclairages différents, comme dans un spectacle de théâtre. Le lecteur-spectateur devient un voyeur, complice de l'auteur. L'écrivain Laclos est le seul, bien sûr, à connaître les ressorts de l'intrigue. Il revient au lecteur, pour reprendre les termes de Todorov, d'adopter une vision « kaléidoscopique » (ou vision binoculaire). Chaque personnage porte l'empreinte de l'auteur, même si la multiplicité des tons brouille un peu les pistes.  A nous d'exploiter chaque indice : « celui des personnages », « celui de l'époque » et enfin celui d'une « réflexion particulière » pour reprendre les analyses d'André Malraux.
Les intrigues s'articulent aux manigances des deux personnages pivots : le vicomte de Valmont et la marquise de Merteuil. Dans ce duumvirat, le vicomte fait figure de simple exécutant des ordres de la marquise de Merteuil. Valmont écrit à celle-ci : « Faites-moi passer vos sublimes instructions, et aidez-moi de vos sages conseils, dans ce moment décisif » (lettre LXX). La thèse que nous défendrons consiste à postuler que tout tourne autour de l'inégalité des sexes (cf Albert Soboul « La civilisation et la Révolution française » -1970).
 
             L'amour est l'élément moteur du développement de toutes les intrigues entremêlées. Tous les personnages du roman entretiennent entre eux des relations amoureuses. Le pluriel apparaît déjà dans le titre : « Les Liaisons dangereuses »... Peu importe que ces personnages aiment vraiment, veulent croire qu'ils aiment, ou pire, s'acharnent à feindre l'amour. L'½uvre de Laclos est un écheveau de relations amoureuses qui se tissent entre les différents acteurs. L'amour connaît toutes sortes de déclinaisons : l'amour vénal de Valmont et Emilie, l'amour libertin, l'amour passionné de la Présidente de Tourvel, l'amour juvénile de Cécile, les amours charnels de la marquise de Merteuil, l'amour conjugal. On n'oubliera pas les amours ancillaires, les amours clandestins ou interdits (les sous-entendus de Valmont qui raconte l'épisode du baiser, ou bien encore lorsque la marquise témoigne de la sensualité de Cécile). Entre Sophie et son amie Cécile, on peut parler d'un amour sororal. Autre forme de sentiment,  l'amour très maternel de Mme de Rosemonde pour la Présidente de Tourvel.
Le roman de Laclos ne se résume pas à une histoire d'amour, mais plutôt à un inventaire de conduites de séduction, de comportements amoureux. Un jeu de registres qui s'étend du commerce sexuel presque hygiénique à la passion pleine de noblesse. L'auteur s'est refusé à adopter le ton moralisateur qui prédomine dans les ½uvres littéraires de son temps : il évite soigneusement le parti pris. Tout en interdisant à ses personnages de papier la contrition, le rachat, le repentir. Laclos n'est pas un moraliste. Chaque personnage va jusqu'au bout de ce qu'il pense. L'écrivain ne se livre pas, il ne s'autorise aucune réflexion personnelle. Le genre littéraire (roman par lettres) lui interdit toute forme de personnalisation d'un « discours ».  Difficile de dire si Laclos s'identifie ou non à tel ou tel personnage. Ni la Présidente de Tourvel, ni le vicomte de Valmont, pas même la marquise de Merteuil n'apparaissent dans leurs correspondances comme les dépositaires officiels de la philosophie de Laclos. Il n'y a pas de personnage intermédiaire dans les « Liaisons dangereuses ». Et pas davantage de « discours-clé ».
Chaque personnage possède une voix qui lui est propre : il accède au droit à la parole, comme au théâtre, et participe à une mise en scène qui lui impose une personnalité. Dans le roman épistolaire, la personnalité de chaque acteur s'exprime par le discours, par son style. Y a-t-il un personnage miroir dans le roman ? Laclos n'est pas dépravé, il ne fait pas l'apologie du vice, du libertinage. Valmont et la marquise de Merteuil incarnent les forces du mal. Madame de Tourvel incarne le Bien et la vertu.  L'écrivain nous fait l'épargne d'un sermon d'église, d'homélies prêcheuses. Madame de Volanges est le seul personnage qui « catéchise » en adressant ses conseils rigoristes  à la Présidente de Tourvel. Elle morigène sa fille Cécile. Laclos tourne en dérision Madame de Volanges car elle ne comprend rien à ce qui arrive et se rend tout à fait aveugle. La rhétorique de Madame de Volanges tourne à vide. La marquise de Merteuil et le vicomte de Valmont laissent entendre qu'il leur serait agréable de connaître les agissements antérieurs de cette bigote. La morale de Madame de Volanges est trop désuète, conventionnelle, pour être crédible. La morale chez elle se réduit à une forme d'adéquation de la conduite personnelle aux convenances mondaines. On peut considérer que Madame de Volanges symbolise l'échec de l'éducation.
En outre, elle s'oppose à Madame de Rosemonde, la tante du vicomte de Valmont, beaucoup plus indulgente et plus sage. Madame de Rosemonde est âgée de quatre-vingts ans, mais elle a l'esprit d'une femme de vingt ans, nous dit la Présidente de Tourvel. Plus attendrie, elle se montre davantage à l'écoute de ses proches. Madame de Volanges est habituée aux radotages, aux commérages. Le genre de personne âgée épinglé par La Rochefoucauld : « Les vieillards aiment à donner de bons préceptes, pour se consoler de n'être plus en état de donner de mauvais exemples ».
Tous les conseils de Madame de Volanges se nourrissent d'emprunts. Le style est enflé, presque trop emphatique. Madame de Volanges s'écoute parler, plutôt qu'autre chose. Elle se flatte de prodiguer des conseils avisés. Voilà qui nous rappelle une célèbre maxime du même La Rochefoucauld : « Celui qui conseille paye la confiance qu'on lui témoigne d'un zèle ardent et désintéressé, quoiqu'il ne cherche le plus souvent dans les conseils qu'il donne que son propre intérêt ou sa gloire ».
Les lettres de Madame de Rosemonde adressées à la Présidente réclament une attention particulière dans la mesure où l'expéditrice se montre plutôt naturelle et sincère, en tous les cas, pleine de simplicité. D'ailleurs, ses propos ne sont pas dénués d'intérêt. La femme occupe une place prépondérante dans ces lettres. Mais que dit-elle ? « L'homme jouit du bonheur qu'il ressent, et la femme de celui qu'elle procure. Cette différence, si essentielle et si peu remarquée influe pour pourtant d'une bien sensible, sur la totalité de leur conduite respective.  Le plaisir de l'un est de satisfaire des désirs, celui de l'autre est surtout de les faire naître.  Plaire n'est pour lui qu'un moyen de succès tandis que pour elle, c'est le succès lui-même ». 
Pour Madame de Rosemonde, l'amour correspond chez les femmes à « un sentiment profond, qui non seulement anéantit tout désir étranger, mais qui, plus fort que la nature, et soustrait à son empire, ne leur laisse éprouver que répugnance et dégoût, là-même où semble devoir naître la volupté.» (Lettre CXXX). L'homme est inconstant par nature, et donc infidèle.  Il tire plaisir avant tout de la possession de la femme plutôt que de chérir l'objet aimé.  Cette inconstance le disculpait déjà aux yeux de Madame de Volanges.  Mais Madame de Rosemonde reprend en quelque sorte le leitmotiv de la marquise de Merteuil : les hommes sont incapables d'aimer vraiment, c'est-à-dire avec leur c½ur.  Leur plaisir reste purement sensuel : « combien peu savent encore se mettre à l'unisson de notre c½ur »...
Cette affirmation ferait sursauter aujourd'hui plus d'une femme.  Cette conception de l'amour féminin reste tributaire d'une morale traditionnelle, qui dénie à la femme le plaisir sexuel proprement dit.  Le plaisir, des sens n'est pas reconnu.  Le désir enchaîne les femmes à la dépravation à la bassesse : il fait honte au sexe féminin, il entraîne les femmes au péché.  Une culpabilité guette à tout instant la sexualité féminine, qui doit rester passive afin d'être reconnue.  Le plaisir de la femme ne peut se justifier qu'en fonction du plaisir de l'homme qui le médiatise.  Encore une fois, le corps renvoie à l'interdit, le plaisir des sens doit être étouffé, le désir doit être tu.  Les exemples ne manquent pas dans ce roman : le plaisir masculin est toujours mis en valeur, la jouissance réciproque étant simplement supposée.  Le plaisir de la femme n'a pas droit à la parole il reste au mieux pudiquement suggéré.
         La sensualité n'est pas, à proprement parler, exclue des « Liaisons dangereuses ». Cécile représente le prototype de la femme sensuelle : Laclos ne ménagera pas ce personnage frivole, sans caractère, qui incarne l'ignorance, la légèreté, la coquetterie et le manque d'esprit. Cette jeune fille      d'une quinzaine d'années environ, à peine sortie du couvent,  tombe amoureuse de Danceny, à qui elle promet un amour éternel.  Il serait vain de lui trouver quelques qualités. Laclos ne lui en accorde aucune, à vrai dire. Le portrait de Cécile semble peu flatteur.  Celle-ci a l'excuse de sa jeunesse, de son inexpérience et de son ignorance dans laquelle le couvent l'a maintenue.  L'attitude de sa mère, Madame de Volanges, permet de prolonger cet état et même de le détériorer encore.  Cécile est livrée sans défense à la vie mondaine et succombera très rapidement au vice, encouragée par la marquise de Merteuil.  Laclos ironise l'amour  juvénile de Cécile et Danceny en parodiant les déclarations enflammées de circonstance. Les poncifs du genre fleurissent dans leurs correspondances. Ce style diffère beaucoup de celui de la Présidente de Tourvel, qui est beaucoup plus naturel. Les déclarations de Danceny sont à l'image de ses cours de solfège : bien cadencées, avec des trilles et trémolos.
Mais contrairement au moraliste La Bruyère qui, dans ses « Caractères », attribuait l'ignorance des femmes à leurs défauts, Laclos déplore l'éducation des jeunes filles au XVIIIème siècle. Une éducation conventuelle qui amène Cécile à ignorer tout de la vie et c'est peut-être la seule chose qu'elle n'ignore pas.  Elle avoue dans la lettre liminaire du roman : « Conviens que nous voilà bien savantes! ».  Sa correspondante ne paraît guère plus savante qu'elle, bien que nous ne disposions pas de ses réponses.  Mais Cécile nous le laisse entendre : « Qu'est-ce que tu me conseilles ? mais tu n'en sais pas plus que moi... » (Lettre XVI). Cécile subit une isolation complète par rapport au monde adulte : elle a d'abord subi la claustration du couvent, puis au sortir de celui-ci, la claustration chez elle, que lui impose sa mère, dans l'attente du mariage.  Cette isolation, cette solitude, elle l'avoue avec à son amie Sophie Carnay : « Ah ! ma Sophie, voilà bien des nouvelles je ne devrais peut-être pas te les dire : mais il faut bien que j'en parle à quelqu'un c'est plus fort que moi. » (Lettre XVI). Laclos attribue l'ignorance, la sottise des femmes à un défaut d'éducation, à l'oisiveté dans laquelle elles sont maintenues délibérément. Cécile fait preuve d'une rare candeur, d'une mièvrerie affligeante.  Sans aucune volonté, elle ne tentera même pas de s'opposer à sa mère qui la destine au mariage avec un personnage grotesque, le comte de Gercourt.  Les pièces de Molière fourmillent de telles situations, mais il arrive que la fille tente de s'interposer, de protester contre le choix du père comme dans le « Malade Imaginaire », par exemple. Dans la pièce de Marivaux, « Les jeux de l'amour et du hasard », Silvia s'oppose ouvertement à son père et lui impose même son propre jeu, c'est-à-dire, en définitive, sa propre loi...  Cécile reste muette, elle obéit passivement. Elle s'ennuie aussi.  Les lettres qu'elle écrit à Sophie témoignent de cet ennui endémique : « et quand on est si longtemps toute seule, c'est bien ennuyeux.  Il n'est encore qu'onze heures.  Il est vrai qu'il faut que je joue de la harpe ; et puis ma toilette me prendra un peu de temps car je veux être bien coiffée aujourd'hui ». (Lettre XIV).
Laclos tourne en dérision une éducation qui stimule chez les jeunes filles le goût de la paresse, la coquetterie et la vanité. Cécile est contrainte à l'oisiveté et n'y goûte guère; elle est condamnée à jouer de la harpe, à réviser son ariette et à soigner sa toilette.
L'inactivité des femmes est la cause première de leur chute.  C'est l'absence d'éducation qui est à l'origine des malheurs de Cécile.  Elle tombera dans les bras de Valmont, à cause de cet ennui qui la dévore.  La visite d'un répétiteur, Danceny, la précipitera dans une passion qui restera purement imaginaire. Cécile ne sait rien de la vie : elle apprendra tout de la marquise de Merteuil dont les conseils sont, pour le moins, peu recommandables à des jeunes filles de bonne famille.  Elle apprendra tout de l'amour dans les bras de Valmont et très vite, sera dégourdie. Elle va succomber au vice, à la dépravation. Cécile avoue elle-même l'absence de toute forme d'éducation parentale : « C'est pourtant bien extraordinaire qu'une femme qui ne m'est presque pas parente prenne plus de soin de moi que ma mère ! c'est bien heureux pour moi de l'avoir connue ! ». Les mauvais traitements que Cécile fait subir à la langue témoignent également des défauts d'une éducation conventuelle, qui ne permet même pas aux jeunes filles d'apprendre à écrire dans un style clair, à se tenir correctement dans la société. Cécile se montre très maladroite dans le domaine des mondanités. L'amour charnel deviendra vite pour Cécile une curiosité qui l'arrachera à l'ennui qui ruine son existence.  A la fin du roman, la perspective de disposer dans son lit d'un mari et d'un amant (le jeune Danceny) en l'absence du premier, la ravit. A défaut d'un amour partagé, d'une union où les exigences de la femme et ses besoins soient pris en compte, la femme se contentera de ces coucheries à titre de compensation. Laclos semble ne pas concevoir l'amour sans l'égalité entre les sexes : égalité dans l'éducation, égalité dans la liberté, égalité face au travail.  Laclos est particulièrement pessimiste. Un amour véritable est-il seulement possible ? La marquise de Merteuil le confesse à Valmont : les hommes ne peuvent donner aux femmes ce qu'elles attendent, l'amour, l'attachement, la tendresse. Tout au plus, ils dominent la femme. Ou bien se l'imaginent. L'homme se conduit comme un tyran, un maître dominateur.
Le critique littéraire René Pomeau considère que Laclos se lance dans un procès « rousseauiste » de l'hypocrisie sociale. Pour Rousseau, l'amour est une force vitale, qui nous rapproche de la Nature. Dans « Les Liaisons dangereuses », le seul amour qui correspond à la définition de Rousseau, c'est celui de la Présidente de Tourvel. Pour Laclos, la nature n'a produit que des êtres libres. C'est donc la société qui rend l'homme esclave. Pour Jean-Jacques Rousseau, les coutumes, les privilèges et devoirs, sont l'expression institutionnelle d'un code social qui brime l'honnêteté véritable. Dans ses essais, Laclos développe l'idée selon laquelle la femme est devenue esclave de l'homme qui lui a confisqué sa liberté. Dans « L'Education des femmes », Laclos écrit : « La nature ne crée que des êtres libres ; la société ne fait que des tyrans et des esclaves [...] Toute convention faite entre deux sujets inégaux en force ne produit, ne peut produire qu'un tyran et un esclave ; il suit de là que, dans l'union sociale des deux sexes, les femmes généralement plus faibles ont dû être généralement opprimées... ». Le théoricien Friedrich Engels a porté le même jugement dans son essai intitulé « L'origine de la famille, de la propriété privée et de l'Etat ».  Citons également Fourier dans sa « Théorie de l'unité universelle » : « De même qu'en grammaire deux négations valent une affirmation, en morale conjugale, deux prostitutions valent une vertu ».
A l'amour institutionnalisé, Laclos oppose l'amour fondé sur les sentiments, sur l'attachement mutuel. Toute la conduite de la Présidente de Tourvel s'explique par le don total de sa personne, même au prix de l'adultère.
Ces mariages non consentis, ces mariages de raison, « de connivence » comme les appelle Madame de Volanges, ne conduisent le plus souvent qu'à la formation de couples mal assortis, qui constitueront la clientèle du monde libertin.  Dans sa lettre datée du 2 octobre, Madame de  Volanges se livre à une autocritique qui prend l'allure d'un procès : « Ces mariages qu'on calcule au lieu de les assortir, qu'on appelle de convenance, et où, tout se convient en effet, hors les goûts et les caractères, ne sont-ils pas la source la plus féconde de ces éclats scandaleux qui deviennent tous les jours plus fréquents ? »
On ne saurait mieux dire.  Si le mariage assure, sur le plan collectif, une relative stabilité du corps social, sur le plan individuel, il devient un facteur de déstabilisation. L'amour se déshumanise au contact d'une discipline sociale qui impose le mariage forcé dans les familles. Cécile Volanges est ainsi promise à un militaire, le Comte de Gercourt, qu'elle n'a jamais rencontré, mais simplement aperçu, de façon tout à fait fortuite d'ailleurs : J'ai encore entendu, après souper,  un homme que je suis sûre qui parlait de moi, et qui disait à un autre : « Il faut laisser mûrir cela, nous verrons cet hiver. [...] C'est peut-être celui-là qui doit m'épouser ; mais alors ce ne serait donc que dans quatre mois ! Je voudrais bien savoir ce qui en est. »
Dans sa lettre à Sophie Carnay (lettre VII), Cécile Volanges avoue à son amie : « Si je ne t'ai rien dit de mon mariage, c'est que je ne suis pas plus instruite que le premier jour. » Le mariage est avant tout une tractation secrète, qui se déroule à volets clos, plutôt qu'à c½ur ouvert.  Le mariage relève  davantage de l'intérêt des familles que celui de deux c½urs qui s'aiment.  Les liaisons constituent une amorce du beylisme : il n'existe de bonheur que par le c½ur   L'amour, selon  Stendhal, n'est pas monnayable (essai « De l'amour »).
Laclos accable cette funeste coutume  du mariage forcé ; l'épisode du cordonnier en témoigne (Lettre I).  Laclos persévère dans son dénigrement et son ironie en attribuant le mariage de la Présidente de Tourvel aux bons offices de Madame de Volanges.  Dans la lettre VIII, la Présidente de Tourvel félicite Madame de Volanges en ces termes : « Je me borne, Madame, à souhaiter à ce mariage un succès aussi heureux qu'au mien, qui est pareillement votre ouvrage ... ».La femme, à l'image des actions de commerce, est cessible à tout moment.  Elle reste la propriété de l'homme, qui en dispose comme un maître de son esclave.  Même la Marquise de Merteuil n'échappe pas à cette règle : « ...ma mère m'annonça peu de jours après que j'allais me marier » (Lettre LXXXI). Après la mort de Monsieur de Merteuil, ajoute-t-elle,  « Ma mère comptait que j'entrerais au couvent, ou reviendrais vivre avec elle ». La destinée des femmes s'inscrit  dans l'espace-clos d'un univers carcéral : celui d'un couvent ou  bien celui de la vie maritale.  La femme est réduite à l'insignifiance, condamnée à l'inexistence.  Les relations de Madame de Tourvel avec le Président, son mari, sont totalement aseptisées, dénuées d'érotisme.  Les maris sont d'ailleurs étrangement absents dans « Les liaisons dangereuses »... 
La lettre du comte de Gercourt  démontre à sa façon le peu de cas que l'homme accorde au mariage.  Non seulement celui-ci ne montre aucune hâte à se marier, mais en plus il se plaint déjà, avant même d'être marié, des désagréments de l'union conjugale : « Je ne vous cache pas qu'il me serait agréable de profiter de cette occasion ; sentant bien qu'une fois marié, je prendrai difficilement le temps de faire d'autres absences que celles que mon service exigera. » (Lettre CXI - Le comte de Gercourt à Madame de Volanges).
Le comte de Gercourt est sans aucun doute un « parti meilleur » pour Madame de Volanges... Mais l'amour véritable reste un pari perdu dans l'univers de Laclos (cf Jean-Louis Flandrin : « Les amours paysannes. Amour et sexualité dans les campagnes de l'ancienne France XVI°-XIX° siècle » - éditions Gallimard – collection « Archives »).
En dehors de Valmont, qui comptabilise une abondante correspondance (une cinquantaine de lettres environ), il n'y a pas d'hommes qui jouent un rôle vraiment important dans ce livre. Les maris n'existent pas. Madame de Tourvel vit un veuvage forcé, comme l'écrit Laclos lui-même. Les femmes sont veuves, qu'il s'agisse de la marquise de Merteuil, de Madame Volanges ou de Madame de Rosemonde. Les jeunes filles, elles, sont dans l'attente d'un futur époux. Autrement dit, Laclos a écrit son roman pour les femmes. Les lettres sont écrites par des femmes. Il est vrai que le roman épistolaire au XVIIIème siècle est un genre typiquement féminin... « Les Liaisons dangereuses » ne se réduisent pas un discours sur la femme. La réalité est plus complexe.  Il y a plusieurs types de femmes dans le roman. Cécile incarne la femme sensuelle (symbole de la sensibilité féminine), la Présidente de Tourvel symboliserait l'affectivité, et la Marquise de Merteuil l'intelligence.
Cécile représente la jeunesse affriolante, aguichante par son espièglerie, sa mièvrerie (l'enfance n'est pas le monde de l'innocence aux yeux de Laclos). Dénuée d'expérience, elle ignore le sens des nuances, la pondération. Ses sentiments s'exaltent facilement.  Un c½ur jeune s'enflamme vite, mais à l'image du bois vert, il dégage une épaisse fumée sans pouvoir réchauffer...Cécile incarne cette jeunesse dont le c½ur se pose, comme dira Georges Brassens, là où les yeux se posent.  Les relations de Cécile et Danceny prennent quelquefois l'allure d'une parodie du lyrisme de la « Nouvelle Héloïse ».  Cet amour est loin d'être séraphique : Cécile n'est pas un ange (image mythique de l'enfance). L'attachement qu'elle manifeste pour Danceny  s'assortit aussitôt d'une inquiétude peu ingénue : Danceny appartient à l'ordre des Chevaliers de Malte ! Cécile est une jeune fille de quinze ans, coquette à l'excès, dont le désir de plaire n'a d'égal que son égoïsme ou son égocentrisme. Elle illustre ce portrait dressé par Claude Crébillon « Une femme, quand elle est jeune, est plus sensible au plaisir  d'inspirer des passions qu'à celui d'en prendre... ». A travers Cécile et sa relation amoureuse avec Danceny, Laclos parodie également, un certain type de discours, un certain type de roman : celui de l'amour courtois, de l'amour galant.  Il dénonce en quelque sorte la fausseté, la facticité de cette sentimentalité pleurarde, pleurnicheuse, qui prend forme dans une rhétorique amoureuse désuète, qui se rapproche davantage des formules d'usage ou des compliments de saison que de la sincérité naturelle, de la franchise du c½ur. L'amour de Cécile reste très superficiel, à l'image de sa propre personnalité.  Laclos impute ce défaut de profondeur, et disons-le, cette absence de vertu, aux manquements de l'éducation parentale.
Valmont ne s'y trompe guère en matière de femmes. Dans la lettre IV qu'il adresse à la Marquise de Merteuil, il déclare : « Que me proposez-vous ? de séduire une jeune fille qui n'a rien vu, ne connaît rien ; qui, pour ainsi dire, me serait livrée sans défense ; qu'un premier hommage ne manquera pas d'enivrer, et que la curiosité mènera peut-être plus vite que l'amour. Vingt autres peuvent y réussir comme moi. »
L'absence d'une mère protectrice conduit Cécile à se jeter dans les bras du premier venu, afin d'échapper à la solitude, à l'ennui, au désoeuvrement. Valmont entreprend ici une analyse presque psychanalytique du cas de Cécile : à l'âge  de l'éclosion d'une sensualité naissante, les pulsions ne peuvent encore être sublimées. Aucune conduite substitutive ne permet de désexualiser les élans pulsionnels. Alors, Cécile donne libre cours à ses instincts. A moins que ce déchaînement pulsionnel ne résulte d'un confinement dans la sphère familiale, d'une frustration.  L'observation attentive du mouvement de balancier d'une horloge ne constitue pas, à vrai dire, une activité dérivationnelle appropriée.
Valmont entreprend donc une lecture freudienne avant l'heure, du comportement de Cécile.  Laclos, pour sa part, accuse la société  de son temps... Il fait le procès des mondanités (les correspondances en font partie), du mensonge qui se cache sous le fard, sous les perruques, les points de beauté.  Il dénonce les faussaires de.la vertu, qui la fardent d'attributs (pédanterie, affectation, condescendance, etc...) qui ne sont pas les siens.  Dans ce sens, Laclos se montre un ardent défenseur de la véritable vertu, celle que préconisait Jean-Jacques Rousseau.
Une vertu qui repose essentiellement sur le sens de l'honneur, sur le sentiment et l'enthousiasme qu'il fait naître.  La fin tragique de la Présidente de Tourvel confirme le rejet d'une passion sensuelle et grossière, des transports nés des plaisirs des sens, du commerce charnel des libertins.  Pour la Présidente de Tourvel, il n'y a pas de passion sans vertu. Julie, dans la « Nouvelle Héloïse » ne dit pas autre chose.
Cécile, en revanche, réussira bien dans ce  monde où le postiche remplace les anciennes règles d'étiquette.  La lettre XXXVIII, écrite par la marquise de Merteuil au Vicomte de Valmont, en rend compte : « Je ne crois pas qu'elle (Cécile) brille jamais par le sentiment ; mais tout annonce en elle les sensations les plus vives.  Sans esprit et sans finesse, elle a pourtant une certaine fausseté naturelle, si l'on peut parler ainsi, qui quelque fois m'étonne moi-même, et qui réussira d'autant mieux, que sa figure offre l'image de la candeur et de l'ingénuité ».
Dans la lettre XX, la marquise affirmait déjà : « Cependant si j'avais moins de m½urs, je crois qu'il aurait dans ce moment, un rival dangereux ; c'est la petite Volanges.  Je raffole de cette enfant : c'est une vraie passion.  Ou je me trompe, ou elle deviendra une de nos femmes les plus à la mode. »
Ces femmes à la mode, ce sont les femmes du monde, celles qui fréquentent les salons mondains du XVIIIème siècle, ces femmes faciles, légères, les courtisanes, les maîtresses d'une noblesse galante qui se libère des m½urs d'une lointaine époque.  Dans ces salons mondains, dans cette vie de mondanités, où le paraître efface l'être, les intrigues amoureuses se ramènent à  des relations de bonne société.  Le tableau que nous livrent « Les Liaisons dangereuses » est particulièrement réaliste.  Le mot « liaison », dans l'encyclopédie du XVIIIème  siècle, a le sens de « relation sociale » non pas de « relation amoureuse ».
L'intrigue amoureuse est devenue une relation mondaine, une relation de société, dont la société civile a fixé  l'usage... Les maris trompés, les amants supplantés doivent se montrer bons perdants, c'est-à-dire qu'ils doivent feindre la dignité alors qu'ils l'ont perdue, qu'ils doivent mimer l'honnêteté alors qu'ils n'en ont plus.  L'épisode des « Inséparables », raconté par le vicomte de Valmont dans la lettre LXIX, en témoigne. Prévan se réconcilie avec les trois amants qu'il a dupés successivement.  Cette réconciliation s'opère autour d'une table et s'accompagne de bon vin... Les bonnes manières ne perdent pas leurs droits même dans les situations les plus pénibles.  Le vicomte de Valmont, rendant compte de cette cocasserie, de cette bouffonnerie, parle même de « carnaval ». Prévan en appelle  d'ailleurs à la « communauté des biens » comme règle de conduite (la femme est une fois de plus réduite à un objet, à une potiche qu'on déplace d'un meuble à l'autre), ce qui amène bientôt ses adversaires à devenir ses partenaires de lit, les invitant à des festivités orgiaques.  La rupture devient donc totale entre l'amour et le sentiment,  la relation intime s'est donc socialisée en quelque sorte : le divorce entre le corps et l'âme est résolument entamé. Le portrait de la Présidente de Tourvel, tel que le réalise le Vicomte de Valmont dans sa lettre adressée à la marquise de Merteuil (lettre VI)  nous montre toute la distance qui sépare cette femme des autres personnages du roman. Ce personnage se situe exactement à l'opposé.  La Présidente de Tourvel nous est  présentée comme une femme naturelle, peu coquette, n'ayant pour atours que ses propres charmes. Elle est  vertueuse et profondément honnête, enfin, sincère. Il serait même préférable de laisser parler Valmont : « pour être adorable il lui suffit d'être elle-même [...] toute parure  lui nuit; tout ce qui la cache la dépare.  C'est dans l'abandon du négligé qu'elle est vraiment ravissante ».
 
« Non, sans doute, elle n'a point, comme nos femmes coquettes, ce regard menteur qui séduit quelquefois et nous trompe toujours. Elle ne sait pas couvrir le vide d'une phrase par un sourire étudié... » (Lettre VI).
Dans ce portrait esquissé par Valmont, il faut y voir bien sûr les effets d'un phénomène que Stendhal appelait la « cristallisation ». Mais il n'en demeure pas moins que toute l'attitude de la Présidente de Tourvel et surtout la facture de ses lettres, témoignent d'une grande noblesse de c½ur,  de la sincérité de ses sentiments et de la force de sa passion.  « Eve touchante » disait Baudelaire... dont le caractère s'oppose à celui de la marquise de Merteuil, cette autre « Eve »,  mais fatale celle-là, satanique, même... La Présidente de Tourvel nous est présentée comme une femme jeune, âgée de vingt-deux ans environ, séduisante, et dont les principales qualités sont la simplicité, la modestie, la sensibilité assortie d'une émotivité évidente.  L'amour, pour la Présidente de Tourvel, loin de se résumer à un jeu, engage l'être tout entier.  L'amour réalise la fusion de l'âme et du corps.  La Présidente de Tourvel incarne la continuité du discours et de la conduite.  « Eros » domine le discours, alors que chez la marquise de Merteuil et le vicomte de Valmont, c'est le discours qui prime... L'amour de la Présidente de Tourvel est essentiellement oblatif: il repose sur la réciprocité des sentiments, sur la gratification mutuelle. Ce qu'on appelle la tendresse amoureuse.
La jouissance, le plaisir naissent de cette nécessaire réciprocité ... La jouissance, pour la Marquise de Merteuil, est plutôt narcissique : ce n'est pas le plaisir de l'autre qu'elle recherche, mais le sien.  Deux images de la femme s'affrontent : celle de la femme naturelle et maternelle, celle de la mante religieuse ou de la veuve noire, qui vampirise l'homme.  De l'image de la femme, nous glissons tout naturellement aux phantasmes masculins (l'auteur du roman est un homme) qui oblitèrent une certaine conception de la féminité (la féminité salvatrice s'opposant aux représentations de la femme « castratrice »). « Tant que ma vie sera nécessaire à son bonheur, elle me sera précieuse et je la trouverai fortunée » avoue la Présidente de Tourvel. L'amour qu'elle porte à son amant se fonde sur le don de soi, l'oblativité, un attachement infini à l'autre. C'est le c½ur qui parle : « mon c½ur s'y refuse », « mon c½ur est oppressé », « je le sens », ne cesse de répéter la Présidente. Une étude sémantique des lettres de chacun des personnages nous permet de délimiter des frontières. La Présidente de Tourvel laisse parler son c½ur, la marquise de Merteuil fait parler sa raison.
 Certains critiques ont cru lire, à travers le discours de la marquise de Merteuil, un pamphlet (pamphlet politique selon E. Dard, pamphlet féministe selon D. Aury).  Il est vrai que la marquise montre peu d'estime pour la gent masculine ... mais elle ne se montre guère plus indulgente pour les congénères de son sexe ! Le "féminisme" de la marquise de Merteuil diffère sensiblement du féminisme de Simone de Beauvoir ! La marquise de Merteuil affiche en définitive un dédain assez rare, misanthropique même, pour l'espèce humaine.  « La férocité naturelle fait moins de cruels que l'amour-propre », disait La Rochefoucauld dans l'une de ses maximes.  Elle s'applique merveilleusement bien à la marquise de Merteuil, qui se plaît tant à pasticher les « Réflexions ou sentences et maximes morales » de La Rochefoucauld.
La marquise se révèle incapable d'amour, elle n'aime vraisemblablement pas Valmont.  Laclos , dans l'une de ses notes laisse délibérément planer le doute.  L'amour-propre, l'amour de soi, phagocytent toute autre  forme d'amour.  Le narcissisme.de la marquise empêche toute relation oblative : toute force d'attachement. Elle vit dans un univers égocentripète. Il paraît difficile de soutenir l'avis d'Anne-Marie Jaton, qui, dans son article intitulé « Libertinage féminin, libertinage dangereux », déclarait : « C'est contre un état et non contre une nature qu'elle (la marquise de Merteuil) se rebelle et son entreprise se présente comme une tentative d'éviter un destin social et non ontologique qui tend à l'enfermer dans un rôle limité » (« Actes du colloque du bicentenaire des Liaisons dangereuses »). Si la marquise se dévoue à une cause, c'est non pas celle des femmes en général, mais à la sienne propre. A l'argument sociologique qui attribue rétrospectivement  aux yeux de l'histoire une valeur révolutionnaire aux propos et démarches de la marquise, nous pouvons opposer l'argument psychologique, ou psychanalytique, qui interprète l'excès de virilité de certaines femmes comme une manifestation d'un conflit intérieure exprimant un traumatisme (celui de la castration). L'échec personnel de la marquise de Merteuil, c'est-à-dire le défaut d'amour, l'incapacité d'aimer et d'être aimée, exprime, au-delà de la problématique du dismorphisme sexuel (et de ses prolongements dans l'histoire de toute société fondée sur la division du travail), le caractère illusoire d'une tentative de réconciliation. La tentative de symbiose d'une réalité « égomorphique » où l'autre fusionnerait avec l' « ego ». Peut-on réduire l'Autre à un autre « moi-même » ?
Le pouvoir de la marquise est avant tout une conquête sur elle-même. Le fruit d'une longue ascèse, qui ne doit rien à une quelconque puissance du mal. La lettre autobiographique de la marquise le montre avec  évidence. Une héroïne féministe ? Mais elle ne se solidarise jamais avec les autres femmes... Son discours est certes subversif, décapant, mais il ne suffit pas, par lui-même, à propulser une philosophie nouvelle.
L'érotisme, le plaisir, étant interdits de par l'institution même du mariage (qui consacre  le triomphe du pouvoir masculin et de l'assujettissement du désir féminin au désir masculin), trouvent tout naturellement leur place dans des relations illégitimes ou illégales, c'est-à-dire extraconjugales.  La conduite libertine répond à un besoin de faire sauter le verrou qui cadenasse l'accès au plaisir, à la jouissance. 
Ce que montre Laclos, c'est l'anachronisme des institutions de la société face à la réalité humaine.  Ce que montre le libertinage, c'est l'anachronisme  qui existe entre les valeurs dont s'est dotée la société féodale, puis monarchique et les pratiques quelles ont engendrées. La noblesse de robe ou d'épée de la fin du XVIIIème siècle ne croit plus en grand-chose, il faut le dire. Elle ne croit plus à ses propres privilèges (amour courtois, chevaleresque, défense de la dignité), alors que ce sont ces mêmes privilèges qui ont assuré son pouvoir, sa domination.
Laclos renouvelle en quelque sorte le mythe de l'amour, qui, par le libertinage, allait perdre son pari. Laclos sacralise l'amour libre : il ne peut y avoir d'amour que partagé par des êtres libres, détachés des chaînes de l'aliénation sociale. L'amour cesse d'être un pari personnel, et devient un enjeu collectif : il faut transformer la société et promouvoir une nouvelle forme d'éducation où les femmes auront toute leur place.  En ce sens, Laclos va beaucoup plus loin que Rousseau qui, dans l' « Emile »,  n'accordait qu'un rôle limité à la femme, c'est-à-dire un rôle dicté par l'homme.
L'amour reste vainqueur dans « Les liaisons dangereuses » dans la mesure où la Présidente de Tourvel  y succombe.  Elle ne succombe pas au vice mais à la passion amoureuse. L'amour est le plus fort, car la Présidente de Tourvel réussit à se détacher des liens  prétendus « sacrés » du mariage, malgré sa pruderie et sa dévotion. La Présidente craint moins le courroux de son mari, les atteintes à la religion que la harangue publique. Mais elle n'en demeure pas moins vertueuse et honnête, car l'harmonie du c½ur  et de l'âme avec le corps prédomine et préside sa destinée.  Là encore, Laclos dépasse son maître à penser, Jean-Jacques Rousseau, selon qui les liens du devaient rester indissolubles.  Dans la « Nouvelle Héloïse », Julie reste tributaire de la morale traditionnelle. Julie préfère la mort plutôt  que de succomber à l'amour.  Rousseau laissait-à ses héros Julie et Saint-Preux la possibilité de s'aimer à jamais, mais dans un au-delà incertain. Julie s'abandonne à cette ultime perspective : « Non, je ne te quitte pas, je vais t'attendre.  La vertu qui nous sépara sur la terre, nous unira dans le séjour éternel.  Je meurs dans cette douce attente.  Trop heureuse d'acheter au prix de ma vie le droit de t'aimer toujours sans crime, et de te le dire encore une fois » (La Nouvelle Héloise).
 
Le droit d'aimer, la Présidente l'achète au prix de la « vertu » conventionnelle, d'une réglementation caduque des relations intimes. La fin tragique de la Présidente de Tourvel permet à l'auteur de promouvoir une nouvelle conception de la vertu, qui se heurte aux institutions de la société civile.  La vertu n'a aucun caractère religieux chez Laclos : elle se laïcise.  L'amour n'est certes pas inspiré des dieux.  La vertu perd son auréole divine et prend un caractère humain.  La véritable vertu ne peut se trouver qu'au fond du c½ur qui palpite à l'unisson du corps...
 
Travail personnel du professeur, B.Mirgain
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Détail d'un chapiteau de l'église abbatiale Sainte-Marie Madeleine de Vézelay, dans le département de l'Yonne (photographie personnelle).
 
LES LIAISONS DANGEREUSES. LACLOS. IMAGES DE LA FEMME DANS LE ROMAN EPISTOLAIRE.
 
LES LIAISONS DANGEREUSES. LACLOS. IMAGES DE LA FEMME DANS LE ROMAN EPISTOLAIRE.
 Portrait de femme. Peinture de Tristan Rà. Carla-Bayle.
 
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#Posté le dimanche 22 septembre 2013 06:19

Modifié le lundi 22 décembre 2014 06:08

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