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Cours de français en ligne (par B. MIRGAIN)

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Mise en ligne de cours de français. Aide gratuite pour les élèves.

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MOLIERE. LABICHE. BECKETT. BAC BLANC SERIE S. QUESTION SUR LE CORPUS

             BACCALAUREAT BLANC N° 1 – FRANÇAIS – Série S - 2017

                  Objet d'étude : le texte théâtral et sa représentation,
                                       du XVIIème siècle à nos jours
 
Documents du corpus :
 
Texte A -   Molière, Dom Juan, acte IV, scène 7, 1665.

Texte B -  Eugène Labiche, La Cagnotte, acte II, scène 3, 1864.

Texte C - Samuel Beckett, En attendant Godot, acte II, scène 3, 1952.
 
I.              Après avoir lu les trois textes du corpus, vous répondrez à la question suivante (4 points) : 

Dans ces scènes de repas de comédies, montrez comment le rapport que les personnages entretiennent avec la nourriture nous permet de mieux les connaître.
 
II.            Après avoir répondu à ces questions, vous traiterez au choix un des sujets suivants (16 points) : 

*Commentaire : vous ferez le commentaire du texte B (Eugène Labiche, La Cagnotte).
 
*Dissertation : Selon Ionesco, « Tout est langage au théâtre, les mots, les gestes, les objets. Il n'y a pas que la parole ». Vous tenterez de justifier ce point du vue en faisant référence au corpus, aux ½uvres étudiées en classe, et à celles que vous avez vues ou lues.
 
*Ecriture d'invention :

Des bourgeois de Paris viennent en province, dans la campagne. Ils prennent commande d'un repas dans une ferme auberge. Vous écrivez les dialogues de cette scène comique pour une future représentation au théâtre.

CORPUS

Texte A : Molière, Dom Juan (1665)
 
Acte IV, scène 7 -        Dom Juan, Sganarelle, deux laquais.
Dom Juan et son valet Sganarelle se mettent à table.
 
Dom Juan. - Vite à souper.
Sganarelle. - Fort bien.
Dom Juan, se mettant à table. - Sganarelle, il faut songer à s'amender [1] pourtant.
Sganarelle. - Oui-da !
Dom Juan. - Oui, ma foi ! Il faut s'amender ; encore vingt ou trente ans de cette vie-ci, et puis nous songerons à nous.
Sganarelle. - Oh !
Dom Juan. - Qu'en dis-tu ?
Sganarelle. - Rien. Voilà le souper.
Il prend un morceau d'un des plats qu'on apporte, et le met dans sa bouche.
Dom Juan. - Il me semble que tu as la joue enflée ; qu'est-ce que c'est ? Parle donc, qu'as-tu là ?
Sganarelle. - Rien.
Dom Juan. - Montre un peu. Parbleu ! c'est une fluxion [2] qui lui est tombée sur la joue. Vite une lancette pour percer cela. Le pauvre garçon n'en peut plus, et cet abcès le pourrait étouffer. Attends : voyez comme il était mûr. Ah ! coquin que vous êtes !
Sganarelle. - Ma foi ! Monsieur, je voulais voir si votre cuisinier n'avait point mis trop de sel ou trop de poivre.
Dom Juan. - Allons, mets-toi là, et mange. J'ai affaire de toi [3] quand j'aurai soupé. Tu as faim, à ce que je vois.
Sganarelle se met à table. - Je le crois bien, Monsieur : je n'ai point mangé depuis ce matin. Tâtez de cela, voilà qui est le meilleur du monde. (Un laquais ôte les assiettes de Sganarelle d'abord qu'il y a dessus  [4] à manger.) Mon assiette, mon assiette ! tout doux, s'il vous plaît. Vertubleu ! petit compère, que vous êtes habile à donner des assiettes nettes ! et vous, petit la Violette [5], que vous savez présenter à boire à propos !
Pendant qu'un laquais donne à boire à Sganarelle, l'autre laquais ôte encore son assiette.
Dom Juan. - Qui peut frapper de cette sorte ?
Sganarelle. - Qui diable nous vient troubler dans notre repas ?
Dom Juan. - Je veux souper en repos au moins, et qu'on ne laisse entrer personne.
Sganarelle. - Laissez-moi faire, je m'y en vais [6] moi-même.
 
[1] Se corriger. Dom Juan occupe en effet sa vie à séduire les femmes.
[2] Gonflement provoqué par une inflammation dentaire.
[3] J'ai besoin de toi.
[4] Aussitôt que.
[5]Nom d'un des laquais.
[6] J'y vais moi-même.


Texte B :   Eugène Labiche,
La Cagnotte
 
Des bourgeois de province viennent à Paris pour la première fois. Ils comptent dépenser la « cagnotte » qu'ils ont entassée lors de leurs parties de cartes. Après avoir fait des achats dans les boutiques et visité les monuments célèbres de la capitale, ils entrent dans un restaurant. Benjamin, le serveur, prend leur commande.
 
Acte II, scène 3
 
Benjamin, Blanche, Léonida, Champbourcy, Colladan, Cordenbois.
 
Benjamin. - [...] Ces dames désirent-elles une tranche de melon ?
Blanche, vivement. - Oh ! oui, du melon.
Léonida. - J'en raffole...
Benjamin, mouvement de sortie. - Trois tranches ?
Champbourcy, vivement. - Attendez ! (À Colladan et à Cordenbois.) Voyons le prix... parce que, avec ces gaillards-là... (Regardant la carte.) Une tranche de melon, un franc.
Cordenbois. - Au mois de février ! c'est pour rien.
Colladan. - C'est pour rien.
Champbourcy, au garçon. - Trois tranches de melon. Il passe la carte à Cordenbois.
Benjamin. - Bien, monsieur... Après ?
Cordenbois, lisant sur la carte. - Terrine de Nérac.
Colladan. - Oui... oui... j'aime assez ça... je ne sais pas ce que c'est, mais j'aime assez ça !
Cordenbois. - Il y a des truffes là-dedans...
Benjamin. - Oui... oui...
Champbourcy, à Cordenbois. Combien ?
Cordenbois. - Deux francs...
Champbourcy. - Ça n'est pas cher...
Colladan. - Ça n'est pas cher...
Champbourcy, bas aux autres. - J'ai eu bon nez de vous conduire ici... les prix sont très raisonnables. (Haut au garçon.) Vous nous donnerez une terrine de Nérac.
Benjamin. - Bien, monsieur... Et après ?
Champbourcy. - Après ?.... Il nous faudrait quelque chose d'extraordinaire... d'imprévu... de délicat...
Colladan. - Oui... oui... pas de charcuterie !
Cordenbois, qui consulte la carte - Attendez !... je crois que j'ai trouvé. (Lisant.) Tournedos à la plénipotentiaire.
Tous. - Ah !
Champbourcy. - Qu'est-ce que c'est que cela ?    
Léonida. - Qu'est-ce qu'il y a là-dedans ?....
Benjamin. - C'est un plat nouveau... ce sont des déchirures de chevreuil saisies dans la purée de caille et mariées avec un coulis d'anchois, d'olives, d'huîtres marinées, de laitues, de truffes.
Colladan. - Mâtin [1] ! que ça doit être bon !
Cordenbois. - Je vote pour ça !
Tous. - Oui... oui...
Champbourcy, au garçon. - Tournedos à la plénipotentiaire... soigné !
Benjamin. - Bien, monsieur.
Léonida. - Je demanderai une petite chatterie [2] pour les dames.
Blanche. - Oh ! oui !
Colladan. - Et un roquefort !
Champbourcy. - Qu'avez-vous comme plat sucré ?
Benjamin. - Je puis vous offrir un coup-de-vent à  la Radetzki ou bien un froufrou à la Pompadour [3] !...
Champbourcy, à Blanche. - Qu'est-ce que tu préfères ?
Blanche. - Dame !... je ne sais pas, papa.
Cordenbois. - Le coup-de-vent doit être plus léger...
Tous se mettent à rire.
Champbourcy. - Allons, donnez-nous un coup-de-vent pour cinq... un fort coup-de-vent.
Tous rient plus fort.
Cordenbois. - Une tempête !...
Explosion de rires. Colladan donne des coups de poing à Benjamin.
Benjamin, à part, les regardant. - Ce sont des acrobates [4] !

[1]Interjection familière exprimant la surprise ou l'admiration.

[2] Friandise, douceur, petites pâtisseries.

[3]Noms de desserts inventés par Labiche.

[4] Drôles d'individus, personnes pleines de fantaisie.


Texte C Samuel Beckett, En attendant Godot (1952)
 
Beckett est le principal auteur du « théâtre de l'absurde ». Dans cette scène, Estragon et Vladimir, deux clochards, attendent sur un chemin de campagne la venue d'un certain Godot.
                                                                 Acte II, scène 3
 
Estragon. - J'ai faim.
Vladimir. - Veux-tu une carotte ?
Estragon. - Il n'y a pas autre chose ?
Vladimir. - Je dois avoir quelques navets.
Estragon. - Donne-moi une carotte. (Vladimir fouille dans ses poches, en retire un navet et le donne à Estragon.) Merci. (Il mord dedans. Plaintivement.) C'est un navet !
Vladimir. - Oh pardon ! j'aurais juré une carotte. (Il fouille à nouveau dans ses poches, n'y trouve que des navets.) Tout ça c'est des navets. (Il cherche toujours.) Tu as dû manger la dernière. (Il cherche.) Attends, ça y est. (Il sort enfin une carotte et la donne à Estragon.) Voilà, mon cher. (Estragon l'essuie sur sa manche et commence à la manger.) Rends-moi le navet. (Estragon lui rend le navet.) Fais-la durer, il n'y en a plus.
Estragon (tout en mâchant). - Je t'ai posé une question.
Vladimir. - Ah.
Estragon. - Est-ce que tu m'as répondu ?
Vladimir. - Elle est bonne ta carotte ?
Estragon. - Elle est sucrée.
Vladimir. - Tant mieux, tant mieux. (Un temps.) Qu'est-ce que tu voulais savoir ?
Estragon. - Je ne me rappelle plus. (Il mâche.) C'est ça qui m'embête. (Il regarde la carotte avec appréciation, la fait tourner en l'air du bout des doigts.) Délicieuse, ta carotte. (Il en suce méditativement le bout.) Attends, ça me revient. (Il arrache une bouchée.)
Vladimir. - Alors ?
Estragon (la bouche pleine, distraitement). - On n'est pas liés ?
Vladimir. - Je n'entends rien.
Estragon (mâche, avale). - Je demande si on est liés.
Vladimir. - Liés ?
Estragon. - Li-és.
Vladimir. - Comment, liés ?
Estragon. - Pieds et poings.
Vladimir. - Mais à qui ? Par qui ?
Estragon. - À ton bonhomme.
Vladimir - À Godot ? Liés à Godot ? Quelle idée ? Jamais de la vie ! (Un temps.) Pas encore. (Il ne fait pas la liaison.)
Estragon. - Il s'appelle Godot ?
Vladimir. - Je crois.
Estragon. - Tiens ! (Il soulève le restant de carotte par le bout de fane et le fait tourner devant ses yeux.) C'est curieux, plus on va, moins c'est bon.
Vladimir. - Pour moi, c'est le contraire.
Estragon. - C'est-à-dire ?
Vladimir. - Je me fais au goût au fur et à mesure.
Estragon (ayant longuement réfléchi). - C'est ça, le contraire ?
 
Question - éléments de réponse


Dans ces scènes de repas de comédies, montrez comment le rapport que les personnages entretiennent avec la nourriture nous permet de mieux les connaître.

Réponse proposée par le professeur

La question posée veut dire simplement que dès lors qu'on va ouvrir la bouche, on révèle son rang social, son niveau d'éducation (un savoir-vivre), son éthique (un savoir-être). Ces trois scènes de repas mettent en lumière le lien qu'entretiennent les personnages avec ce rituel social, l'âpreté des rapports humains. Il convient donc de mesurer l'importance de ce jeu avec l'identité des personnages, mais également avec une vénération de la consommation.
 
* « Dom Juan ou le festin de pierre » fut représentée pour la première fois le 15 février 1665 sur le Théâtre de la Salle du Palais-Royal. Sganarelle était joué par Molière lui-même. Dom Juan est un noble faisant partie de l'aristocratie terrienne. Sganarelle, un majordome subalterne. Une fringale subite s'empare de Sganarelle, un valet qui n'a rien avalé depuis potron-minet (« Sganarelle se met à table. - Je le crois bien, Monsieur : je n'ai point mangé depuis ce matin »). Il n'a rien à redouter puisque son statut de domestique le met à l'abri du besoin, du moins de la disette. Cela va de soi, un laquais  de bonne maison se voit offrir le gîte et le couvert. Une faim pressante l'amène à manger avidement, à déglutir salement, sans respirer, avec gloutonnerie. Insatiable, il engloutit les plats de manière goinfre, conformément au stéréotype figé par la comédie antique du valet glouton qui s'empiffre goulûment. Avant même que le plat du souper ne soit posé sur la table, il s'en met plein la bouche, sans mâcher et tout en parlant. En grand appétit, il n'apprécie pas qu'on l'interrompe et qu'on lui retire le couvert (« Mon assiette, mon assiette ! tout doux, s'il vous plaît. Vertubleu ! petit compère, que vous êtes habile à donner des assiettes nettes ! »). Son maître Dom Juan trouve même des excuses à ses manières plébéiennes. Il fait croire à un abcès dentaire alors que Sganarelle se gave jusqu'à se faire enfler les joues comme une cornemuse.
 
* La question financière passe au premier plan dans la caricature sociale de Labiche qui veut tourner en dérision la fine fleur de la petite bourgeoisie provinciale. Les personnages de Labiche ne sont pas décidés à faire une cure de minceur. En mal de dîner fin,  ils veulent dépenser, mais pas sans compter. Nous sommes témoins de leurs échanges, de leur pingrerie surtout (« J'ai eu bon nez de vous conduire ici... les prix sont très raisonnables »).  Un peu benêts, ces provinciaux se laissent impressionner par un bréviaire de la gastronomie que l'auteur s'amuse à citer et même à inventer ! Labiche tourne en ridicule leur snobisme. Ces bourgeois endimanchés jouent les  fins gourmets (« Terrine de Nérac », «Tournedos à la plénipotentiaire », « un coup-de-vent à la Radetzki ou bien un froufrou à la Pompadour »). Leur suffisance, leur fatuité ne parvient pas à dissimuler leur vulgarité, alors qu'ils font prétention d'élégance et de raffinement. En outre, ils font preuve d'une goujaterie grossière à l'égard de Benjamin, le serveur du restaurant. Ce rituel de la table ne fait que révéler l'arrogance, la mesquinerie des riches et l'hypocrisie de cette comédie sociale des apparences. Dans cette scène de vaudeville teintée de réalisme, où abondent des répliques savoureuses, Labiche souligne les traits de caractère grotesques de la classe bourgeoise. Celle des rentiers, notaires, percepteurs et pharmaciens. Quel  rapport entretiennent ces bourgeois avec la nourriture ? Dans ce restaurant chic, qui n'a rien à voir avec une cantine de rue, ils cherchent à se faire valoir. Pour eux, il est important de tenir son rang dans cette société de l'abondance. La recherche de nouvelles saveurs répond d'abord au souci d'une valorisation de leur identité sociale.  Le menu remplit donc un rôle de distinction sociale, tout en confortant le statut de cette classe socialement privilégiée. Le maître mot c'est l'argent : (« Attendez ! Voyons le prix... parce que, avec ces gaillards-là... Une tranche de melon, un franc. Cordenbois. - Au mois de février ! c'est pour rien. Colladan. - C'est pour rien »). Le contenu de l'assiette a un coût. Et en la matière, pour Champbourcy , Cordenbois et Colladan, le critère de la commande, ce n'est pas la qualité nutritionnelle des plats. C'est la somme d'argent qu'il faudra dépenser (Cordenbois. - Il y a des truffes là-dedans... Benjamin. - Oui... oui... Champbourcy, à Cordenbois. Combien ? Cordenbois. - Deux francs... Champbourcy. - Ça n'est pas cher... Colladan. - Ça n'est pas cher...). Même si dans le contexte de l'intrigue, la nourriture est la récompense de gains à un jeu de cartes.  Plus globalement, on peut dire que les comportements alimentaires mettent à nu des écarts sociaux et culturels. Dans cette comédie de m½urs contemporaines, Labiche met l'accent, de manière satirique, sur les clivages économiques.
 
* Dans la pièce « En attendant Godot », deux individus nommés Vladimir et Estragon végètent au fin fond de la campagne.  Dans cette scène incontestablement étrange, deux silhouettes guenilleuses surgissent de nulle part. Ils croupissent « pieds et poings liés » en attendant un certain « bonhomme » appelé « Godot ». Les deux personnages  broient du noir, dans une solitude craintive assaillie par le doute, dans une résignation sans retour. En filigrane transparaît l'idée d'une rareté des victuailles, d'un épuisement des ressources,  d'une précarité alimentaire. Rien dans la besace. Tout se trouve dans la poche de Vladimir, qui tient lieu de garde-manger destiné à approvisionner les deux comparses. Juste de quoi s'emplir une dent creuse. Ce qui témoigne d'une privation de nourriture (Vladimir fouille dans ses poches, en retire un navet et le donne à Estragon.)  Estragon, dont le patronyme est dérivé d'un aromate (la forme serpentine des racines de cette épice fait penser à un dragon), semble mendier son pain. Estragon a faim, il est prêt à faire son beurre des propriétés fortifiantes d'une carotte. Il croque à pleines dents  dans un navet qu'il confond visiblement avec la carotte. Comme s'il ne savait pas séparer le bon grain de l'ivraie. Ou qu'il souffrait d'un trouble du goût, d'ageusie. Vladimir tend le légume attendu à son alter ego (Il cherche [...] Il sort enfin une carotte et la donne à Estragon). Estragon est le seul à manger un morceau, à la fortune du pot, et de bel appétit (didascalies : Il mâche / Il regarde la carotte avec appréciation, la fait tourner en l'air du bout des doigts / Il en suce méditativement le bout / Il arrache une bouchée / la bouche pleine / mâche, avale).

        Cette scène de repas n'a rien d'ordinaire. Elle laisse deviner par petites touches un repas en plein air, autrement dit un retour à l'état sauvage. Ce n'est pas le sommet du raffinement. D'ailleurs, s'agit-il vraiment d'un repas ? On dirait plutôt une lutte, qui n'a rien d'enviable, pour sa propre survie ! Il faut bien manger pour se donner des forces, se nourrir pour survivre. A ce titre, on peut légitimement rapprocher les textes de Molière et Beckett. Chez ce dernier, la scène est symbolique : elle jette une lumière crue sur l'alimentation en se plaçant au plus près de l'animalité de cette action. S'alimenter, c'est une manière de domestiquer une pulsion d'auto-conservation (à l'évidence, l'entraide l'emporte sur la rivalité). En outre, dans ce lieu désert, il y manque la maison. On ne fait pas la cuisine ici. Les légumes racines (carottes, navets) renforcent symboliquement cette impression de dénuement, de déracinement (l'absence du chez-soi). Mais aussi la platitude des dialogues un peu enfantins... Seule l'offrande de Vladimir fait office de preuve de socialisation.  En définitive, ici, le repas répond à la sommation, non pas d'un désir, mais  d'un besoin... Une chose est sûre, face à une obscure menace, Vladimir et Estragon se mangent le sang !
 
Chez Molière, nous avons affaire à un repas à domicile, dans l'appartement de Dom Juan où une table plantureuse est installée. C'est un repas privé, un rituel journalier. Le maître de maison fait manger Sganarelle pour le remettre d'aplomb et lui permettre ainsi de continuer son travail de domestique (« J'ai affaire de toi quand j'aurai soupé. Tu as faim, à ce que je vois »). Chez Labiche, il s'agit de clients de passage qui se restaurent dans un établissement réservé à ce service. Donc d'une restauration collective entre amis : ils partagent ensemble un repas à la carte, un repas de fête. C'est un repas public. Dans le dernier extrait, c'est un repas froid tiré du sac, plutôt frugal, qui est avalé sur le pouce. Un repas debout et sans couvert ! Pas de collation servie ni de table dressée. Estragon consomme à la hâte une carotte et se contente de ce qu'il a, même si cela est peu consistant. Contrairement aux deux premiers extraits, le repas n'est pas pris en commun. C'est en quelque sorte un repas sacré, un rituel d'offrande originaire comme tentative d'instaurer un lien social. On note toutefois à la fin de l'extrait un échange entre les deux hommes à propos de la perception des saveurs (la « fane » de carotte), de leurs impressions gustatives qui sont différentes. Ce qui peut suggérer que l'acte de manger est un rituel social de partage.
 
Petite phrase de conclusion
 
                Les versions proposées de ces scènes de repas diffèrent grandement, tant par l'époque que par les personnages. Un constat s'impose, dont il faut mesurer toute l'ampleur : le rapport à la nourriture dépend du statut social. Il témoigne du fossé qui se creuse entre riches et pauvres, des inégalités en termes de revenus, de la distinction des trains de vie.                                  Travail personnel du professeur, B.Mirgain

                               Eléments de correction pour la question

       Question sur le corpus - 4 points - barème adopté pour la correction


            Compréhension de la question posée, pertinence de la réponse. Confrontation des textes, éléments de réponse prenant appui sur quelques citations (on valorisera la référence explicite à chacun des extraits). Organisation de la rédaction, avec petit propos  introductif et conclusif. Faire apparaître clairement dans l'appréciation les défaillances ou carences éventuelles.

Pour l'évaluation de la réponse, 1 point était affecté à la mise en ½uvre (présentation, organisation du propos) et 3 points au contenu. On attendait pour le contenu que chaque réponse s'intéresse à deux aspects essentiels parmi les 3 axes d'étude ci-dessous.


I.   Il existe un lien entre l'activité masticatoire et le caractère des personnages ; la relation à la nourriture permet de révéler la personnalité des protagonistes
- Molière : stéréotype du valet de comédie, goinfre, impatient, bon vivant, se délectant : « Voilà qui est le meilleur du monde » et qui trouve  des excuses à sa gloutonnerie : « je voulais voir si votre cuisinier... »
- Labiche : le plaisir de gourmandise cette fois, mais le repas au restaurant montre une attitude face à l'argent (pingrerie, cupidité des commensaux). Les personnages sont tournés en dérision, leurs défauts mis en perspective (satire sociale)
- Beckett : le rapport avec la nourriture brute révèle leur misère, leur précarité et la nécessité de survivre en période de disette.

Il. La scène de repas comme moyen pour mettre en évidence un moment de partage, de convivialité, de dévoiler aussi un plaisir, une réjouissance (gloutonnerie de Sganarelle, gourmandise des clients chez Labiche). Mais aussi pour mettre à nu des clivages sociaux : plus la distance entre les classes sociales augmente et plus les interactions, les liens sociaux, se raréfient. La scène de repas met à jour des différences sociales, une stratification en classes.

III. La nourriture : le vecteur d'une vision du monde
- Portrait satirique, caricatural chez Molière (opposition maître-valet), source de comique (satire des m½urs).
- Réflexion sur l'absurde par le traitement burlesque d'un sujet trivial qui devient presque sacralisé. La nourriture prend une nouvelle dimension...
La richesse du repas ne se mesure pas à la somme des dépenses  chez Beckett, pas de corrélation possible avec les deux premiers textes. En revanche, les différences sont très marquées chez Molière et Labiche (décalages entre les personnages, entre les classes sociales).

* Lien pour visualiser le commentaire corrigé et entièrement rédigé de l'extrait de la Cagnotte de Labiche :
http://bmirgain.skyrock.com/3289405080-LABICHE-LA-CAGNOTTE-COMMENTAIRE-LITTERAIRE.html

* Lien avec le corrigé complet  de l'écriture d'invention avec un exemple de mise en scène :

http://bmirgain.skyrock.com/3288206352-LABICHE-ECRITURE-D-INVENTION-SERIE-S.html
                   Barèmes de correction adopté par les jurys :

Commentaire - 16 points   
  
C = Contenu littéraire, compréhension et interprétation, prise en compte des qualités  stylistiques, des choix et stratégies d'écriture de Labiche et des procédés spécifiques du théâtre              7 points

M = Méthode, mise en forme : plan annoncé et perceptible dans la copie, insertion des citations, structure formelle du développement  (paragraphe, axes ou lignes directrices), conclusion.           5 points

L = Langue : correction et concision de l'expression, clarté de la syntaxe, orthographe, grammaire. Vocabulaire technique approprié.         4 points
 
Dissertation - 16 points

C = Compréhension du sujet, richesse des idées et arguments, pertinence du propos, illustration par des références littéraires précises, appui sur les textes du corpus.                            7 points

O = Organisation et mise en forme : structuration de la composition et insertion des citations, progression du plan, introduction et conclusion.                                                                        5 points

L = Langue : clarté de l'expression, rigueur de la syntaxe, orthographe, grammaire.                                                   4 points

 
Invention – 16 points

C = Compréhension du sujet et de ses enjeux (renversement d'axe), respect des consignes et des contraintes d'écriture. 5 points
 
P = Pertinence du contenu, mise en relation du niveau de langue avec les personnages. Prise en compte du statut des personnages et de la variété des caractères dans les échanges. Qualité et dynamique des dialogues. On valorisera la présence de didascalies.                                   7 points
 
L = Langue : originalité de l'expression, syntaxe, orthographe, grammaire, procédés propres à l'oralité...
4 points                                         

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MOLIERE. LABICHE. BECKETT. BAC BLANC SERIE S.  QUESTION SUR LE CORPUS
                                  "Jonquilles" - Olivier Paillard


 
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#Posté le mardi 24 janvier 2017 12:06

Modifié le vendredi 03 février 2017 03:59

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