L'Ecole des Femmes
Comédie en cinq actes représentée pour la première fois à Paris sur le Théâtre du Palais-Royal, le 26 décembre 1662 par la Troupe de Monsieur, frère unique du Roi. Le personnage de M. de la Souche est interprété par Molière lui-même.
Dédiée à la première femme du duc d'Orléans, Philippe de France [1640-1701], Henriette d'Angleterre [1644-1670], petite fille d'Henri IV et cousine de Louis XIV.
Organisation du découpage de la scène 5 de l'acte II (on proposera une formulation, un titre de séquence, pour motiver les frontières de chacune des parties découpées).
Invisibilisation ou déni de la sexualité ?
Objectifs :
montrer comment le langage de l'obscène contamine la parole théâtrale et oriente les jeux scéniques. L'alphabet des mots : comme Arnolphe qui porte un masque, les mots portent un autre visage dans l'écriture moliéresque...
Comédie en cinq actes représentée pour la première fois à Paris sur le Théâtre du Palais-Royal, le 26 décembre 1662 par la Troupe de Monsieur, frère unique du Roi. Le personnage de M. de la Souche est interprété par Molière lui-même.
Dédiée à la première femme du duc d'Orléans, Philippe de France [1640-1701], Henriette d'Angleterre [1644-1670], petite fille d'Henri IV et cousine de Louis XIV.
Organisation du découpage de la scène 5 de l'acte II (on proposera une formulation, un titre de séquence, pour motiver les frontières de chacune des parties découpées).
Invisibilisation ou déni de la sexualité ?
Objectifs :
montrer comment le langage de l'obscène contamine la parole théâtrale et oriente les jeux scéniques. L'alphabet des mots : comme Arnolphe qui porte un masque, les mots portent un autre visage dans l'écriture moliéresque...
Premier découpage (séquence 1)
Arnolphe.
La promenade est belle.
Agnès.
Fort belle.
Fort belle.
Arnolphe.
Le beau jour !
Le beau jour !
Agnès.
Fort beau.
Fort beau.
Arnolphe.
Quelle nouvelle ?
Quelle nouvelle ?
Agnès.
Le petit chat est mort.
Le petit chat est mort.
Arnolphe.
C'est dommage ; mais quoi ?
Nous sommes tous mortels, et chacun est pour soi.
Lorsque j'étais aux champs, n'a-t-il point fait de pluie ?
Agnès.
Non.
Arnolphe.
Vous ennuyait-il ?
Agnès.
Jamais je ne m'ennuie.
Arnolphe.
Qu'avez-vous fait encor ces neuf ou dix jours-ci ?
Agnès.
Six chemises, je pense, et six coiffes aussi.
Arnolphe, ayant un peu rêvé.
Le monde, chère Agnès, est une étrange chose.
Voyez la médisance, et comme chacun cause :
Quelques voisins m'ont dit qu'un jeune homme inconnu
était en mon absence à la maison venu,
Que vous aviez souffert sa vue et ses harangues ;
Mais je n'ai point pris foi sur ces méchantes langues,
Et j'ai voulu gager que c'était faussement...
Agnès.
Mon Dieu, ne gagez pas : vous perdriez vraiment.
Arnolphe.
Quoi ? c'est la vérité qu'un homme... ?
Agnès.
Chose sûre.
Il n'a presque bougé de chez nous, je vous jure.
Arnolphe, à part.
Cet aveu qu'elle fait avec sincérité
Me marque pour le moins son ingénuité.
Mais il me semble, Agnès, si ma mémoire est bonne,
Que j'avais défendu que vous vissiez personne.
Agnès.
Oui ; mais quand je l'ai vu, vous ignorez pourquoi ;
Et vous en auriez fait, sans doute, autant que moi.
TITRES POUR LA SEQUENCE 1
Du boudoir au bordel : la pudeur éteinte d'Agnès, la précaution inutile du barbon Arnolphe.
ou bien
Les épanchements lascifs d'Agnès sur les joyeuses escapades des coucous du voisinage. La chaste pupille, l'ingénue et le blondin...
*La mythographie chrétienne de sainte Agnès détenue dans une maison close, la toile de Pénélope dans l'Odyssée d'Homère.
*Onomastique : mot grec ἁγνός (chaste, pur, la déesse vierge)
*L'innocence de la parole qui reproduit l'orthodoxie courtoise de la littérature morale, des pastorales d'Honoré d'Urfé.
* Une conversation de salon (Arnolphe, un rien volubile et gausseur, se gargarise d'aphorismes sentencieux (« Nous sommes tous mortels, et chacun est pour soi ») tournant à la gueuserie de langage. La réplique d'Agnès, « le petit chat est mort », est moins ambiguë qu'elle ne paraît si on la rapproche des paroles du paysan rustre et valet d'Arnolphe, Alain : « J'empêche, peur du chat, que mon moineau ne sorte » (ibid. acte I scène 2).
Les connotations équivoques voire pornographiques de la scène rappellent la tirade d'Arnolphe de la scène 1 de l'acte I (le corbillon désigne, vulgairement et métaphoriquement, le sexe féminin).
« Et s'il faut qu'avec elle on joue au corbillon,
Et qu'on vienne à lui dire, à son tour : qu'y met-on ?
Je veux qu'elle réponde : une tarte à la crème. »
L'Ecole des femmes, acte I scène 1 (vers 98-100)
SEQUENCE 2
Agnès, un c½ur en vacance ou les vacances du c½ur. De la pureté angélique aux facéties joyeuses, aux frivolités des chassés-croisés amoureux...
Arnolphe.
Peut-être. Mais enfin contez-moi cette histoire.
Agnès.
Elle est fort étonnante, et difficile à croire.
J'étais sur le balcon à travailler au frais,
Lorsque je vis passer sous les arbres d'auprès
Un jeune homme bien fait, qui rencontrant ma vue,
D'une humble révérence aussitôt me salue :
Moi, pour ne point manquer à la civilité,
Je fis la révérence aussi de mon côté.
Soudain il me refait une autre révérence :
Moi, j'en refais de même une autre en diligence ;
Et lui d'une troisième aussitôt repartant,
D'une troisième aussi j'y repars à l'instant.
Il passe, vient, repasse, et toujours de plus belle
Me fait à chaque fois révérence nouvelle ;
Et moi, qui tous ces tours fixement regardois,
Nouvelle révérence aussi je lui rendois :
Tant que, si sur ce point la nuit ne fût venue,
Toujours comme cela je me serais tenue,
Ne voulant point céder, et recevoir l'ennui
Qu'il me pût estimer moins civile que lui.
Arnolphe.
Fort bien.
SEQUENCE 3
Agnès.
Le lendemain, étant sur notre porte,
Une vieille m'aborde, en parlant de la sorte :
« Mon enfant, le bon Dieu puisse-t-il vous bénir,
Et dans tous vos attraits longtemps vous maintenir !
Il ne vous a pas faite une belle personne
Afin de mal user des choses qu'il vous donne ;
Et vous devez savoir que vous avez blessé
Un c½ur qui de s'en plaindre est aujourd'hui forcé. »
Arnolphe, à part.
Ah ! suppôt de Satan ! exécrable damnée !
Agnès.
« Moi, j'ai blessé quelqu'un ! fis-je toute étonnée.
— Oui, dit-elle, blessé, mais blessé tout de bon ;
Et c'est l'homme qu'hier vous vîtes du balcon.
— Hélas ! qui pourrait, dis-je, en avoir été cause ?
Sur lui, sans y penser, fis-je choir quelque chose ?
— Non, dit-elle, vos yeux ont fait ce coup fatal,
Et c'est de leurs regards qu'est venu tout son mal.
— Hé ! mon Dieu ! ma surprise est, fis-je, sans seconde :
Mes yeux ont-ils du mal, pour en donner au monde ?
— Oui, fit-elle, vos yeux, pour causer le trépas,
Ma fille, ont un venin que vous ne savez pas.
En un mot, il languit, le pauvre misérable ;
Et s'il faut, poursuivit la vieille charitable,
Que votre cruauté lui refuse un secours,
C'est un homme à porter en terre dans deux jours.
— Mon Dieu ! j'en aurais, dis-je, une douleur bien grande.
Mais pour le secourir qu'est-ce qu'il me demande ?
— Mon enfant, me dit-elle, il ne veut obtenir
Que le bien de vous voir et vous entretenir :
Vos yeux peuvent eux seuls empêcher sa ruine
Et du mal qu'ils ont fait être la médecine.
— Hélas ! volontiers, dis-je ; et puisqu'il est ainsi,
Il peut, tant qu'il voudra, me venir voir ici. »
Arnolphe, à part.
Ah ! sorcière maudite, empoisonneuse d'âmes,
Puisse l'enfer payer tes charitables trames !
TITRES POUR LA SEQUENCE 3
*Le récit de la vieille, une écriture de contrebande.
C'est dommage ; mais quoi ?
Nous sommes tous mortels, et chacun est pour soi.
Lorsque j'étais aux champs, n'a-t-il point fait de pluie ?
Agnès.
Non.
Arnolphe.
Vous ennuyait-il ?
Agnès.
Jamais je ne m'ennuie.
Arnolphe.
Qu'avez-vous fait encor ces neuf ou dix jours-ci ?
Agnès.
Six chemises, je pense, et six coiffes aussi.
Arnolphe, ayant un peu rêvé.
Le monde, chère Agnès, est une étrange chose.
Voyez la médisance, et comme chacun cause :
Quelques voisins m'ont dit qu'un jeune homme inconnu
était en mon absence à la maison venu,
Que vous aviez souffert sa vue et ses harangues ;
Mais je n'ai point pris foi sur ces méchantes langues,
Et j'ai voulu gager que c'était faussement...
Agnès.
Mon Dieu, ne gagez pas : vous perdriez vraiment.
Arnolphe.
Quoi ? c'est la vérité qu'un homme... ?
Agnès.
Chose sûre.
Il n'a presque bougé de chez nous, je vous jure.
Arnolphe, à part.
Cet aveu qu'elle fait avec sincérité
Me marque pour le moins son ingénuité.
Mais il me semble, Agnès, si ma mémoire est bonne,
Que j'avais défendu que vous vissiez personne.
Agnès.
Oui ; mais quand je l'ai vu, vous ignorez pourquoi ;
Et vous en auriez fait, sans doute, autant que moi.
TITRES POUR LA SEQUENCE 1
Du boudoir au bordel : la pudeur éteinte d'Agnès, la précaution inutile du barbon Arnolphe.
ou bien
Les épanchements lascifs d'Agnès sur les joyeuses escapades des coucous du voisinage. La chaste pupille, l'ingénue et le blondin...
*La mythographie chrétienne de sainte Agnès détenue dans une maison close, la toile de Pénélope dans l'Odyssée d'Homère.
*Onomastique : mot grec ἁγνός (chaste, pur, la déesse vierge)
*L'innocence de la parole qui reproduit l'orthodoxie courtoise de la littérature morale, des pastorales d'Honoré d'Urfé.
* Une conversation de salon (Arnolphe, un rien volubile et gausseur, se gargarise d'aphorismes sentencieux (« Nous sommes tous mortels, et chacun est pour soi ») tournant à la gueuserie de langage. La réplique d'Agnès, « le petit chat est mort », est moins ambiguë qu'elle ne paraît si on la rapproche des paroles du paysan rustre et valet d'Arnolphe, Alain : « J'empêche, peur du chat, que mon moineau ne sorte » (ibid. acte I scène 2).
Les connotations équivoques voire pornographiques de la scène rappellent la tirade d'Arnolphe de la scène 1 de l'acte I (le corbillon désigne, vulgairement et métaphoriquement, le sexe féminin).
« Et s'il faut qu'avec elle on joue au corbillon,
Et qu'on vienne à lui dire, à son tour : qu'y met-on ?
Je veux qu'elle réponde : une tarte à la crème. »
L'Ecole des femmes, acte I scène 1 (vers 98-100)
SEQUENCE 2
Agnès, un c½ur en vacance ou les vacances du c½ur. De la pureté angélique aux facéties joyeuses, aux frivolités des chassés-croisés amoureux...
Arnolphe.
Peut-être. Mais enfin contez-moi cette histoire.
Agnès.
Elle est fort étonnante, et difficile à croire.
J'étais sur le balcon à travailler au frais,
Lorsque je vis passer sous les arbres d'auprès
Un jeune homme bien fait, qui rencontrant ma vue,
D'une humble révérence aussitôt me salue :
Moi, pour ne point manquer à la civilité,
Je fis la révérence aussi de mon côté.
Soudain il me refait une autre révérence :
Moi, j'en refais de même une autre en diligence ;
Et lui d'une troisième aussitôt repartant,
D'une troisième aussi j'y repars à l'instant.
Il passe, vient, repasse, et toujours de plus belle
Me fait à chaque fois révérence nouvelle ;
Et moi, qui tous ces tours fixement regardois,
Nouvelle révérence aussi je lui rendois :
Tant que, si sur ce point la nuit ne fût venue,
Toujours comme cela je me serais tenue,
Ne voulant point céder, et recevoir l'ennui
Qu'il me pût estimer moins civile que lui.
Arnolphe.
Fort bien.
SEQUENCE 3
Agnès.
Le lendemain, étant sur notre porte,
Une vieille m'aborde, en parlant de la sorte :
« Mon enfant, le bon Dieu puisse-t-il vous bénir,
Et dans tous vos attraits longtemps vous maintenir !
Il ne vous a pas faite une belle personne
Afin de mal user des choses qu'il vous donne ;
Et vous devez savoir que vous avez blessé
Un c½ur qui de s'en plaindre est aujourd'hui forcé. »
Arnolphe, à part.
Ah ! suppôt de Satan ! exécrable damnée !
Agnès.
« Moi, j'ai blessé quelqu'un ! fis-je toute étonnée.
— Oui, dit-elle, blessé, mais blessé tout de bon ;
Et c'est l'homme qu'hier vous vîtes du balcon.
— Hélas ! qui pourrait, dis-je, en avoir été cause ?
Sur lui, sans y penser, fis-je choir quelque chose ?
— Non, dit-elle, vos yeux ont fait ce coup fatal,
Et c'est de leurs regards qu'est venu tout son mal.
— Hé ! mon Dieu ! ma surprise est, fis-je, sans seconde :
Mes yeux ont-ils du mal, pour en donner au monde ?
— Oui, fit-elle, vos yeux, pour causer le trépas,
Ma fille, ont un venin que vous ne savez pas.
En un mot, il languit, le pauvre misérable ;
Et s'il faut, poursuivit la vieille charitable,
Que votre cruauté lui refuse un secours,
C'est un homme à porter en terre dans deux jours.
— Mon Dieu ! j'en aurais, dis-je, une douleur bien grande.
Mais pour le secourir qu'est-ce qu'il me demande ?
— Mon enfant, me dit-elle, il ne veut obtenir
Que le bien de vous voir et vous entretenir :
Vos yeux peuvent eux seuls empêcher sa ruine
Et du mal qu'ils ont fait être la médecine.
— Hélas ! volontiers, dis-je ; et puisqu'il est ainsi,
Il peut, tant qu'il voudra, me venir voir ici. »
Arnolphe, à part.
Ah ! sorcière maudite, empoisonneuse d'âmes,
Puisse l'enfer payer tes charitables trames !
TITRES POUR LA SEQUENCE 3
*Le récit de la vieille, une écriture de contrebande.
ou bien
*La Muse au bordel et la maquerelle : l'équivoque obscène et la macération des ranc½urs du mari cocu.
*Un pot-pourri de libertinage, d'allusions obscènes, de devinettes salaces, une matrone instigatrice de la débauche qui cherche à déniaiser Agnès. Le jargon secret des allusions : sous des mots honnêtes se dissimule la Sodome de l'impudicité. Agnès, dans l'antre de la sibylle, comme envoûtée par un succube, fait entendre une voix délocalisée (dame Oiseuse et jeu du « Chastel d'Amour » dans « Le Roman de la Rose » de Guillaume de Lorris et Jean de Meung, « Tiers-Livre » de François Rabelais).
*Un pot-pourri de libertinage, d'allusions obscènes, de devinettes salaces, une matrone instigatrice de la débauche qui cherche à déniaiser Agnès. Le jargon secret des allusions : sous des mots honnêtes se dissimule la Sodome de l'impudicité. Agnès, dans l'antre de la sibylle, comme envoûtée par un succube, fait entendre une voix délocalisée (dame Oiseuse et jeu du « Chastel d'Amour » dans « Le Roman de la Rose » de Guillaume de Lorris et Jean de Meung, « Tiers-Livre » de François Rabelais).
SEQUENCE 4
Agnès.
Voilà comme il me vit, et reçut guérison.
Vous-même, à votre avis, n'ai-je pas eu raison ?
Et pouvois-je, après tout, avoir la conscience
De le laisser mourir faute d'une assistance,
Moi qui compatis tant aux gens qu'on fait souffrir
Et ne puis, sans pleurer, voir un poulet mourir ?
Arnolphe, bas.
Tout cela n'est parti que d'une âme innocente ;
Et j'en dois accuser mon absence imprudente,
Qui sans guide a laissé cette bonté de m½urs
Exposée aux aguets des rusés séducteurs.
Je crains que le pendard, dans ses v½ux téméraires,
Un peu plus fort que jeu n'ait poussé les affaires.
Agnès.
Qu'avez-vous ? Vous grondez, ce me semble, un petit ?
Est-ce que c'est mal fait ce que je vous ai dit ?
Arnolphe.
Non. Mais de cette vue apprenez-moi les suites,
Et comme le jeune homme a passé ses visites.
Agnès.
Hélas ! si vous saviez comme il était ravi,
Comme il perdit son mal sitôt que je le vi,
Le présent qu'il m'a fait d'une belle cassette,
Et l'argent qu'en ont eu notre Alain et Georgette,
Vous l'aimeriez sans doute et diriez comme nous...
Arnolphe.
Oui. Mais que faisait-il étant seul avec vous ?
Agnès.
Il jurait qu'il m'aimait d'une amour sans seconde,
Et me disait des mots les plus gentils du monde,
Des choses que jamais rien ne peut égaler,
Et dont, toutes les fois que je l'entends parler,
La douceur me chatouille et là dedans remue
Certain je ne sais quoi dont je suis toute émue.
Arnolphe, à part.
Ô fâcheux examen d'un mystère fatal,
Où l'examinateur souffre seul tout le mal !
(À Agnès.)
Outre tous ces discours, toutes ces gentillesses,
Ne vous faisait-il point aussi quelques caresses ?
Agnès.
Oh tant ! Il me prenait et les mains et les bras,
Et de me les baiser il n'était jamais las.
TITRE DE LA SEQUENCE 4
Du corbillon au jeu de colin-maillard : les caleçonnades du cocuage. Un rébus qui déchiffre de manière fort leste une pantomime érotico-sexuelle...
SEQUENCE 5
Arnolphe.
Ne vous a-t-il point pris, Agnès, quelque autre chose ?
(La voyant interdite.)
Ouf !
Agnès.
Hé ! il m'a...
Arnolphe.
Quoi ?
Agnès.
Pris...
Arnolphe.
Euh !
Agnès.
Le...
Arnolphe.
Plaît-il ?
Agnès.
Je n'ose,
Et vous vous fâcherez peut-être contre moi.
Arnolphe.
Non.
Agnès.
Si fait.
Arnolphe.
Mon Dieu, non !
Agnès.
Jurez donc votre foi.
Arnolphe.
Ma foi, soit.
Agnès.
Il m'a pris... Vous serez en colère.
Arnolphe.
Non.
Agnès.
Si.
Arnolphe.
Non, non, non, non. Diantre, que de mystère !
Qu'est-ce qu'il vous a pris ?
Agnès.
Il...
Arnolphe, à part.
Je souffre en damné.
Agnès.
Il m'a pris le ruban que vous m'aviez donné.
À vous dire le vrai, je n'ai pu m'en défendre.
Arnolphe, reprenant haleine.
Passe pour le ruban. Mais je voulais apprendre
S'il ne vous a rien fait que vous baiser les bras.
Agnès.
Comment ? est-ce qu'on fait d'autres choses ?
Arnolphe.
Non pas.
Mais pour guérir du mal qu'il dit qui le possède,
N'a-t-il point exigé de vous d'autre remède ?
TITRE DE LA SEQUENCE 5
Le ruban ou la main sous le jupon. De dédicataire, de dépositaire (des secrets de la vieille), Agnès devient persécutrice de son suborneur.
*La confession d'Agnès comme répétition en écho de la vieille. La justification confessionnelle dédouble la scène érotique primitive (réflexions de Paul Ricoeur dans « Temps et récit »).
SEQUENCE 6
Agnès.
Non. Vous pouvez juger, s'il en eût demandé,
Que pour le secourir j'aurais tout accordé.
Arnolphe.
Grâce aux bontés du Ciel, j'en suis quitte à bon compte :
Si j'y retombe plus, je veux bien qu'on m'affronte.
Chut. De votre innocence, Agnès, c'est un effet.
Je ne vous en dis mot : ce qui s'est fait est fait.
Je sais qu'en vous flattant le galant ne désire
Que de vous abuser, et puis après s'en rire.
Agnès.
Oh ! point : il me l'a dit plus de vingt fois à moi.
Arnolphe.
Ah ! vous ne savez pas ce que c'est que sa foi.
Mais enfin apprenez qu'accepter des cassettes,
Et de ces beaux blondins écouter les sornettes,
Que se laisser par eux, à force de langueur,
Baiser ainsi les mains et chatouiller le c½ur,
Est un péché mortel des plus gros qu'il se fasse.
Agnès.
Un péché, dites-vous ? Et la raison, de grâce ?
Arnolphe.
La raison ? La raison est l'arrêt prononcé
Que par ces actions le Ciel est courroucé.
Agnès.
Courroucé ! Mais pourquoi faut-il qu'il s'en courrouce ?
C'est une chose, hélas ! si plaisante et si douce !
J'admire quelle joie on goûte à tout cela,
Et je ne savais point encor ces choses-là.
Arnolphe.
Oui, c'est un grand plaisir que toutes ces tendresses,
Ces propos si gentils et ces douces caresses ;
Mais il faut le goûter en toute honnêteté,
Et qu'en se mariant le crime en soit ôté.
Agnès.
N'est-ce plus un péché lorsque l'on se marie ?
Arnolphe.
Non.
Agnès.
Mariez-moi donc promptement, je vous prie.
Arnolphe.
Si vous le souhaitez, je le souhaite aussi,
Et pour vous marier on me revoit ici.
Agnès.
Est-il possible ?
Arnolphe.
Oui.
Agnès.
Que vous me ferez aise !
Arnolphe.
Oui, je ne doute point que l'hymen ne vous plaise.
Agnès.
Vous nous voulez, nous deux...
Arnolphe.
Rien de plus assuré.
Agnès.
Que, si cela se fait, je vous caresserai !
Arnolphe.
Hé ! la chose sera de ma part réciproque.
Agnès.
Je ne reconnais point, pour moi, quand on se moque.
Parlez-vous tout de bon ?
Arnolphe.
Oui, vous le pourrez voir.
Agnès.
Nous serons mariés ?
Arnolphe.
Oui.
Agnès.
Mais quand ?
Arnolphe.
Dès ce soir.
Agnès, riant.
Dès ce soir ?
Arnolphe.
Dès ce soir. Cela vous fait donc rire ?
Agnès.
Oui.
Arnolphe.
Vous voir bien contente est ce que je désire.
Agnès.
Hélas ! que je vous ai grande obligation,
Et qu'avec lui j'aurai de satisfaction !
Arnolphe.
Avec qui ?
Agnès.
Avec..., là.
Arnolphe.
Là... : là n'est pas mon compte.
À choisir un mari vous êtes un peu prompte.
C'est un autre, en un mot, que je vous tiens tout prêt,
Et quant au Monsieur, là. Je prétends, s'il vous plaît,
Dût le mettre au tombeau le mal dont il vous berce,
Qu'avec lui désormais vous rompiez tout commerce ;
Que, venant au logis, pour votre compliment
Vous lui fermiez au nez la porte honnêtement ;
Et lui jetant, s'il heurte, un grès par la fenêtre,
L'obligiez tout de bon à ne plus y paraître.
M'entendez-vous, Agnès ? Moi, caché dans un coin,
De votre procédé je serai le témoin.
Agnès.
Las ! il est si bien fait ! C'est...
Arnolphe.
Ah ! que de langage !
Agnès.
Je n'aurai pas le c½ur...
Arnolphe.
Point de bruit davantage.
Montez là-haut.
Agnès.
Mais quoi ? voulez-vous... ?
Arnolphe.
C'est assez.
Je suis maître, je parle : allez, obéissez
TITRE POUR LA SEQUENCE 6
Une femme piégée et livrée aux pleurs. Arnolphe dame le pion à son rival. Une literie secouée : le dernier servi devient le premier servi.
*Le geôlier Arnolphe va châtier l'indiscipline sexuelle d'Agnès. La dernière réplique exprime la volonté masculine de domination ; le phallogocentrisme, maître absolu de l'épilogue...
PROLONGEMENTS PEDAGOGIQUES
Ô fâcheux examen d'un mystère fatal,
Où l'examinateur souffre seul tout le mal !
(À Agnès.)
Outre tous ces discours, toutes ces gentillesses,
Ne vous faisait-il point aussi quelques caresses ?
Agnès.
Oh tant ! Il me prenait et les mains et les bras,
Et de me les baiser il n'était jamais las.
TITRE DE LA SEQUENCE 4
Du corbillon au jeu de colin-maillard : les caleçonnades du cocuage. Un rébus qui déchiffre de manière fort leste une pantomime érotico-sexuelle...
SEQUENCE 5
Arnolphe.
Ne vous a-t-il point pris, Agnès, quelque autre chose ?
(La voyant interdite.)
Ouf !
Agnès.
Hé ! il m'a...
Arnolphe.
Quoi ?
Agnès.
Pris...
Arnolphe.
Euh !
Agnès.
Le...
Arnolphe.
Plaît-il ?
Agnès.
Je n'ose,
Et vous vous fâcherez peut-être contre moi.
Arnolphe.
Non.
Agnès.
Si fait.
Arnolphe.
Mon Dieu, non !
Agnès.
Jurez donc votre foi.
Arnolphe.
Ma foi, soit.
Agnès.
Il m'a pris... Vous serez en colère.
Arnolphe.
Non.
Agnès.
Si.
Arnolphe.
Non, non, non, non. Diantre, que de mystère !
Qu'est-ce qu'il vous a pris ?
Agnès.
Il...
Arnolphe, à part.
Je souffre en damné.
Agnès.
Il m'a pris le ruban que vous m'aviez donné.
À vous dire le vrai, je n'ai pu m'en défendre.
Arnolphe, reprenant haleine.
Passe pour le ruban. Mais je voulais apprendre
S'il ne vous a rien fait que vous baiser les bras.
Agnès.
Comment ? est-ce qu'on fait d'autres choses ?
Arnolphe.
Non pas.
Mais pour guérir du mal qu'il dit qui le possède,
N'a-t-il point exigé de vous d'autre remède ?
TITRE DE LA SEQUENCE 5
Le ruban ou la main sous le jupon. De dédicataire, de dépositaire (des secrets de la vieille), Agnès devient persécutrice de son suborneur.
*La confession d'Agnès comme répétition en écho de la vieille. La justification confessionnelle dédouble la scène érotique primitive (réflexions de Paul Ricoeur dans « Temps et récit »).
SEQUENCE 6
Agnès.
Non. Vous pouvez juger, s'il en eût demandé,
Que pour le secourir j'aurais tout accordé.
Arnolphe.
Grâce aux bontés du Ciel, j'en suis quitte à bon compte :
Si j'y retombe plus, je veux bien qu'on m'affronte.
Chut. De votre innocence, Agnès, c'est un effet.
Je ne vous en dis mot : ce qui s'est fait est fait.
Je sais qu'en vous flattant le galant ne désire
Que de vous abuser, et puis après s'en rire.
Agnès.
Oh ! point : il me l'a dit plus de vingt fois à moi.
Arnolphe.
Ah ! vous ne savez pas ce que c'est que sa foi.
Mais enfin apprenez qu'accepter des cassettes,
Et de ces beaux blondins écouter les sornettes,
Que se laisser par eux, à force de langueur,
Baiser ainsi les mains et chatouiller le c½ur,
Est un péché mortel des plus gros qu'il se fasse.
Agnès.
Un péché, dites-vous ? Et la raison, de grâce ?
Arnolphe.
La raison ? La raison est l'arrêt prononcé
Que par ces actions le Ciel est courroucé.
Agnès.
Courroucé ! Mais pourquoi faut-il qu'il s'en courrouce ?
C'est une chose, hélas ! si plaisante et si douce !
J'admire quelle joie on goûte à tout cela,
Et je ne savais point encor ces choses-là.
Arnolphe.
Oui, c'est un grand plaisir que toutes ces tendresses,
Ces propos si gentils et ces douces caresses ;
Mais il faut le goûter en toute honnêteté,
Et qu'en se mariant le crime en soit ôté.
Agnès.
N'est-ce plus un péché lorsque l'on se marie ?
Arnolphe.
Non.
Agnès.
Mariez-moi donc promptement, je vous prie.
Arnolphe.
Si vous le souhaitez, je le souhaite aussi,
Et pour vous marier on me revoit ici.
Agnès.
Est-il possible ?
Arnolphe.
Oui.
Agnès.
Que vous me ferez aise !
Arnolphe.
Oui, je ne doute point que l'hymen ne vous plaise.
Agnès.
Vous nous voulez, nous deux...
Arnolphe.
Rien de plus assuré.
Agnès.
Que, si cela se fait, je vous caresserai !
Arnolphe.
Hé ! la chose sera de ma part réciproque.
Agnès.
Je ne reconnais point, pour moi, quand on se moque.
Parlez-vous tout de bon ?
Arnolphe.
Oui, vous le pourrez voir.
Agnès.
Nous serons mariés ?
Arnolphe.
Oui.
Agnès.
Mais quand ?
Arnolphe.
Dès ce soir.
Agnès, riant.
Dès ce soir ?
Arnolphe.
Dès ce soir. Cela vous fait donc rire ?
Agnès.
Oui.
Arnolphe.
Vous voir bien contente est ce que je désire.
Agnès.
Hélas ! que je vous ai grande obligation,
Et qu'avec lui j'aurai de satisfaction !
Arnolphe.
Avec qui ?
Agnès.
Avec..., là.
Arnolphe.
Là... : là n'est pas mon compte.
À choisir un mari vous êtes un peu prompte.
C'est un autre, en un mot, que je vous tiens tout prêt,
Et quant au Monsieur, là. Je prétends, s'il vous plaît,
Dût le mettre au tombeau le mal dont il vous berce,
Qu'avec lui désormais vous rompiez tout commerce ;
Que, venant au logis, pour votre compliment
Vous lui fermiez au nez la porte honnêtement ;
Et lui jetant, s'il heurte, un grès par la fenêtre,
L'obligiez tout de bon à ne plus y paraître.
M'entendez-vous, Agnès ? Moi, caché dans un coin,
De votre procédé je serai le témoin.
Agnès.
Las ! il est si bien fait ! C'est...
Arnolphe.
Ah ! que de langage !
Agnès.
Je n'aurai pas le c½ur...
Arnolphe.
Point de bruit davantage.
Montez là-haut.
Agnès.
Mais quoi ? voulez-vous... ?
Arnolphe.
C'est assez.
Je suis maître, je parle : allez, obéissez
TITRE POUR LA SEQUENCE 6
Une femme piégée et livrée aux pleurs. Arnolphe dame le pion à son rival. Une literie secouée : le dernier servi devient le premier servi.
*Le geôlier Arnolphe va châtier l'indiscipline sexuelle d'Agnès. La dernière réplique exprime la volonté masculine de domination ; le phallogocentrisme, maître absolu de l'épilogue...
PROLONGEMENTS PEDAGOGIQUES
Réaliser un groupement de textes sur le même thème
Texte 1 : « Iphis et Iante » de Bensérade (comédie de travestissement en cinq actes, représentée en 1634 à l'Hôtel de Bourgogne, inspirée du neuvième livre des Métamorphoses d'Ovide).
« Ce mariage est doux, j'y trouve assez d'appâts,
Et si l'on n'en riait, je ne m'en plaindrais pas
Si la fille épousait une fille comme elle,
Sans offenser le ciel et la loi naturelle
Mon c½ur assurément n'en serait point fâché. »
Texte 1 : « Iphis et Iante » de Bensérade (comédie de travestissement en cinq actes, représentée en 1634 à l'Hôtel de Bourgogne, inspirée du neuvième livre des Métamorphoses d'Ovide).
« Ce mariage est doux, j'y trouve assez d'appâts,
Et si l'on n'en riait, je ne m'en plaindrais pas
Si la fille épousait une fille comme elle,
Sans offenser le ciel et la loi naturelle
Mon c½ur assurément n'en serait point fâché. »
Pour mieux comprendre les enjeux de cette comédie de Benserade, cliquer sur le lien suivant :
http://bmirgain.skyrock.com/3176857621-IPHIS-ET-IANTE-BENSERADE-ETUDE-LITTERAIRE.html
Texte 2 : « Les Acteurs de bonne foi » de Marivaux, acte I, scène 4 (1757)
Merlin. Quoi ! chère Colette, votre c½ur vous dit quelque chose pour moi ?
Colette. – Oh ! il ne me dit pas queuque chose, il me dit tout à fait.
Merlin. - Que vous me charmez, bel enfant ! Donnez-moi votre jolie main, que je vous en remercie.
Lisette, interrompant. - Je défends les mains.
Colette. - Faut pourtant que j'en aie.
Lisette. - Oui, mais il n'est pas nécessaire qu'il les baise.
Merlin. - Entre amants, les mains d'une maîtresse sont toujours de la conversation.
Blaise. - Ne permettez pas qu'elles en soient, Mademoiselle Lisette.
Merlin. - Ne vous fâchez pas, il n'y a qu'à supprimer cet endroit-là.
Colette. - Ce n'est que des mains, au bout du compte.
Merlin. - Je me contenterai de lui tenir la main de la mienne.
Blaise. - Ne faut pas magnier non plus; n'est-ce pas, Mademoiselle Lisette?
Lisette. - C'est le mieux.
Merlin. - Il n'y aura point assez de vif dans cette scène-là.
Colette. - Je sis de votre avis, Monsieur Merlin, et je n'empêche pas les mains, moi.
Merlin. - Puisqu'on les trouve de trop, laissons-les, et revenons. (Il recommence la scène.) Vous m'aimez donc, Colette, et cependant vous allez épouser Blaise?
Colette. - Vraiment ça me fâche assez; car ce n'est pas moi qui le prends; c'est mon père et ma mère qui me le baillent.
Texte 2 : « Les Acteurs de bonne foi » de Marivaux, acte I, scène 4 (1757)
Merlin. Quoi ! chère Colette, votre c½ur vous dit quelque chose pour moi ?
Colette. – Oh ! il ne me dit pas queuque chose, il me dit tout à fait.
Merlin. - Que vous me charmez, bel enfant ! Donnez-moi votre jolie main, que je vous en remercie.
Lisette, interrompant. - Je défends les mains.
Colette. - Faut pourtant que j'en aie.
Lisette. - Oui, mais il n'est pas nécessaire qu'il les baise.
Merlin. - Entre amants, les mains d'une maîtresse sont toujours de la conversation.
Blaise. - Ne permettez pas qu'elles en soient, Mademoiselle Lisette.
Merlin. - Ne vous fâchez pas, il n'y a qu'à supprimer cet endroit-là.
Colette. - Ce n'est que des mains, au bout du compte.
Merlin. - Je me contenterai de lui tenir la main de la mienne.
Blaise. - Ne faut pas magnier non plus; n'est-ce pas, Mademoiselle Lisette?
Lisette. - C'est le mieux.
Merlin. - Il n'y aura point assez de vif dans cette scène-là.
Colette. - Je sis de votre avis, Monsieur Merlin, et je n'empêche pas les mains, moi.
Merlin. - Puisqu'on les trouve de trop, laissons-les, et revenons. (Il recommence la scène.) Vous m'aimez donc, Colette, et cependant vous allez épouser Blaise?
Colette. - Vraiment ça me fâche assez; car ce n'est pas moi qui le prends; c'est mon père et ma mère qui me le baillent.
Pour une étude complète de la pièce de Marivaux, cliquer sur les liens suivants :
http://bmirgain.skyrock.com/3284993484-LES-ACTEURS-DE-BONNE-FOI-MARIVAUX-ACTE-I-Scene-2-Commentaire.html
Texte 3 : « Le Barbier de Séville ou la Précaution inutile » - comédie en quatre actes en prose – acte IV, scène 6 – de Pierre Augustin Caron de Beaumarchais - 1772
LE COMTE, à ses pieds. – Ah ! Rosine ! Je vous adore !...
ROSINE, indignée. - Arrêtez, malheureux!... vous osez profaner... ! tu m'adores !... Va ! tu n'es plus dangereux pour moi; j'attendais ce mot pour te détester. Mais, avant de t'abandonner au remords qui t'attend, (En pleurant.), apprends que je t'aimais; apprends que je faisais mon bonheur de partager ton mauvais sort. Misérable Lindor ! j'allais tout quitter pour te suivre. Mais le lâche abus que tu as fait de mes bontés, et l'indignité de cet affreux comte Almaviva, à qui tu me vendais, ont fait rentrer dans mes mains ce témoignage de ma faiblesse. Connais-tu cette lettre ?
LE COMTE, vivement. ‑ Que votre tuteur vous a remise?
ROSINE, fièrement. - Oui, je lui en ai l'obligation.
LE COMTE. ‑ Dieux, que je suis heureux ! Il la tient de moi. Dans mon embarras, hier, je m'en suis servi pour arracher sa confiance, et je n'ai pu trouver l'instant de vous en informer. Ah, Rosine! il est donc vrai que vous m'aimez véritablement!
FIGARO. - Monseigneur, vous cherchiez une femme qui vous aimât pour vous-même
ROSINE. - Monseigneur, que dit-il?
LE COMTE, jetant son large manteau, parait en habit magnifique. ‑ Ô la plus aimée des femmes ! il n'est plus temps de vous abuser : l'heureux homme que vous voyez à vos pieds n'est point Lindor; je suis le comte Almaviva, qui meurt d'amour, et vous cherche en vain depuis six mois.
ROSINE, tombe dans les bras du Comte. - Ah!
LE COMTE, effrayé. - Figaro!
FIGARO : - Point d'inquiétude, Monseigneur : la douce émotion de la joie n'a jamais de suites fâcheuses ; la
voilà, la voilà qui reprend ses sens. Morbleu, qu'elle est belle !
ROSINE – Ah, Lindor !... Ah, Monsieur, que je suis coupable ! j'allais me donner cette nuit même à mon tuteur.
LE COMTE – Vous, Rosine !
http://bmirgain.skyrock.com/2962422053-Biographie-de-Beaumarchais.html
Texte 4 : « Occupe-toi d'Amélie » - scène III – Tableau III - vaudeville de Georges Feydeau - 1908
Marcel. - Veuillez constater, je vous prie, la présence ici de l'amant de madame, le jour même de ses noces.
Amélie hausse les épaules et gagne la droite devant le lit.
Le Commissaire. - Hein?
Marcel. - Constatez, monsieur: le lit défait ! la tenue de madame!... (prenant en main sa robe de mariée sur le coin du canapé)... et sa robe de mariée encore là, toute chaude ! Il repose la robe sur le pied du lit.
Le Commissaire, décontenancé et hésitant. - C'est... vrai, madame ?
Marcel, au-dessus du canapé. - Oserez-vous nier ?
Amélie. - Ah! ma foi, tu as raison! Autant le divorce qu'un ménage dans ces conditions-là. (S'asseyant sur le canapé, une jambe sur l'autre et sur un ton de bravade.)
Eh bien ! oui, monsieur ! c'est vrai.
Le commissaire s'incline en écartant les bras, devant l'aveu.
Marcel, triomphant, - Enfin!
Le Commissaire. - Et... votre complice?
Amélie, indiquant d'un geste indifférent par-dessus son épaule, le cabinet de toilette. – Là ! dans le cabinet de toilette !.. (A part, avec désinvolture, pendant que le commissaire remonte vers le cabinet.) Après tout, avec un prince!... Elle fait claquer sa langue.
Le Commissaire, qui a remis son chapeau sur la tête, tout en remontant vers le cabinet de toilette. En poussant la porte. - - Sortez, monsieur ! nous savons que vous êtes là.
Il redescend à gauche, tandis que Marcel s'écarte un peu dans la ruelle non loin du pied du lit. - Un temps. - Soudain venant de droite du cabinet de toilette, le prince paraît, toujours dans la même tenue; il a ramené les bords de son chapeau sur son nez et pris les pans de sa cravate, dans son chapeau pour en couvrir son visage; il s'avance, la tête penchée sur l'épaule droite.
Le Prince. - C'est bien ! me voici.
Marcel. - Constatez, je vous prie, le déshabillé de monsieur !
Le Prince, du tac au tac. – Permettez ! C'est monsieur qui m'a jeté mes vêtements par la fenêtre.
Le Commissaire, presque sous le nez du prince et sur un ton brutal et cassant. - S'il les a jetés, c'est sans doute que vous ne les aviez pas sur vous!... Votre nom?
Il redescend un peu à gauche.
Le Prince. – Impossible !... Je voyage incognito !
Le Commissaire, croyant qu'on se moque de lui et sur le ton d'un homme qui ne supportera pas la plaisanterie. - Quoi?
Marcel. - Il suffit ! Monsieur est Son Altesse Royale le prince Nicolas de Palestrie !
Le Commissaire, avec un sursaut en arrière. - Hein?
Instinctivement il se découvre.
Le Prince, avec dépit. – Ah ! maracache !
D'un geste d'humeur, il envoie son chapeau en arrière de sa tête, ce qui fait tomber sa cravate à sa place.
Marcel. - Constatez, monsieur le commissaire ! constatez !
Le Commissaire, qui n'entend plus du tout de cette oreille, descendant à gauche. – Oh ! non... Oh ! non-non !
Marcel, ahuri. – Quoi ?
Le Commissaire. - Non-non-non-non-non-non !... Une Altesse Royale ! merci ! l'immunité diplomatique !... Tu-tu-tu-tu ! je n'ai pas envie de créer des complications au gouvernement !
Marcel, traversant la scène et allant au commissaire. - Qu'est-ce que vous dites?
Le Commissaire, sans le toucher, l'écartant du geste. – Oh ! Arrangez-vous ! Arrangez-vous ! Moi, ça ne me regarde pas.
Le Prince, étonné lui-même de ce revirement, mais heureux d'approuver le commissaire. – Absolument !
Marcel, n'en croyant pas ses oreilles. - Mais, monsieur le commissaire, je suis le mari offensé, et...
Le Commissaire. - Ah! Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? (Avec la plus entière mauvaise foi.) D'abord, je n'en sais rien, moi. Qu'est-ce qui me le prouve?
Le Prince. - Oui, quoi ?
Marcel. – Comment ! Qu'est-ce qui vous le prouve? Mais qu'est-ce qu'il vous faut ? Regardez la tenue de madame ! le prince sans vêtements !...
Le Commissaire, lui coupant brutalement la parole et nez contre nez avec Marcel. - C'est vous !... qui les avez jetés par la fenêtre.
Le Prince, sur le même ton. - C'est lui qui les a jetés par la fenêtre !
Marcel, ahuri d'avoir ainsi à se défendre. - Ca prouve qu'il ne les avait pas sur lui...
Le Commissaire, écartant de grands bras. - En voilà une preuve !
Le Prince, haussant les épaules. - C'est idiot !
Marcel, indiquant Amélie assise sur le canapé. - Et puis madame a avoué !... Qu'est-ce qu'il vous faut de plus ?
Texte 4 : « Occupe-toi d'Amélie » - scène III – Tableau III - vaudeville de Georges Feydeau - 1908
Marcel. - Veuillez constater, je vous prie, la présence ici de l'amant de madame, le jour même de ses noces.
Amélie hausse les épaules et gagne la droite devant le lit.
Le Commissaire. - Hein?
Marcel. - Constatez, monsieur: le lit défait ! la tenue de madame!... (prenant en main sa robe de mariée sur le coin du canapé)... et sa robe de mariée encore là, toute chaude ! Il repose la robe sur le pied du lit.
Le Commissaire, décontenancé et hésitant. - C'est... vrai, madame ?
Marcel, au-dessus du canapé. - Oserez-vous nier ?
Amélie. - Ah! ma foi, tu as raison! Autant le divorce qu'un ménage dans ces conditions-là. (S'asseyant sur le canapé, une jambe sur l'autre et sur un ton de bravade.)
Eh bien ! oui, monsieur ! c'est vrai.
Le commissaire s'incline en écartant les bras, devant l'aveu.
Marcel, triomphant, - Enfin!
Le Commissaire. - Et... votre complice?
Amélie, indiquant d'un geste indifférent par-dessus son épaule, le cabinet de toilette. – Là ! dans le cabinet de toilette !.. (A part, avec désinvolture, pendant que le commissaire remonte vers le cabinet.) Après tout, avec un prince!... Elle fait claquer sa langue.
Le Commissaire, qui a remis son chapeau sur la tête, tout en remontant vers le cabinet de toilette. En poussant la porte. - - Sortez, monsieur ! nous savons que vous êtes là.
Il redescend à gauche, tandis que Marcel s'écarte un peu dans la ruelle non loin du pied du lit. - Un temps. - Soudain venant de droite du cabinet de toilette, le prince paraît, toujours dans la même tenue; il a ramené les bords de son chapeau sur son nez et pris les pans de sa cravate, dans son chapeau pour en couvrir son visage; il s'avance, la tête penchée sur l'épaule droite.
Le Prince. - C'est bien ! me voici.
Marcel. - Constatez, je vous prie, le déshabillé de monsieur !
Le Prince, du tac au tac. – Permettez ! C'est monsieur qui m'a jeté mes vêtements par la fenêtre.
Le Commissaire, presque sous le nez du prince et sur un ton brutal et cassant. - S'il les a jetés, c'est sans doute que vous ne les aviez pas sur vous!... Votre nom?
Il redescend un peu à gauche.
Le Prince. – Impossible !... Je voyage incognito !
Le Commissaire, croyant qu'on se moque de lui et sur le ton d'un homme qui ne supportera pas la plaisanterie. - Quoi?
Marcel. - Il suffit ! Monsieur est Son Altesse Royale le prince Nicolas de Palestrie !
Le Commissaire, avec un sursaut en arrière. - Hein?
Instinctivement il se découvre.
Le Prince, avec dépit. – Ah ! maracache !
D'un geste d'humeur, il envoie son chapeau en arrière de sa tête, ce qui fait tomber sa cravate à sa place.
Marcel. - Constatez, monsieur le commissaire ! constatez !
Le Commissaire, qui n'entend plus du tout de cette oreille, descendant à gauche. – Oh ! non... Oh ! non-non !
Marcel, ahuri. – Quoi ?
Le Commissaire. - Non-non-non-non-non-non !... Une Altesse Royale ! merci ! l'immunité diplomatique !... Tu-tu-tu-tu ! je n'ai pas envie de créer des complications au gouvernement !
Marcel, traversant la scène et allant au commissaire. - Qu'est-ce que vous dites?
Le Commissaire, sans le toucher, l'écartant du geste. – Oh ! Arrangez-vous ! Arrangez-vous ! Moi, ça ne me regarde pas.
Le Prince, étonné lui-même de ce revirement, mais heureux d'approuver le commissaire. – Absolument !
Marcel, n'en croyant pas ses oreilles. - Mais, monsieur le commissaire, je suis le mari offensé, et...
Le Commissaire. - Ah! Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? (Avec la plus entière mauvaise foi.) D'abord, je n'en sais rien, moi. Qu'est-ce qui me le prouve?
Le Prince. - Oui, quoi ?
Marcel. – Comment ! Qu'est-ce qui vous le prouve? Mais qu'est-ce qu'il vous faut ? Regardez la tenue de madame ! le prince sans vêtements !...
Le Commissaire, lui coupant brutalement la parole et nez contre nez avec Marcel. - C'est vous !... qui les avez jetés par la fenêtre.
Le Prince, sur le même ton. - C'est lui qui les a jetés par la fenêtre !
Marcel, ahuri d'avoir ainsi à se défendre. - Ca prouve qu'il ne les avait pas sur lui...
Le Commissaire, écartant de grands bras. - En voilà une preuve !
Le Prince, haussant les épaules. - C'est idiot !
Marcel, indiquant Amélie assise sur le canapé. - Et puis madame a avoué !... Qu'est-ce qu'il vous faut de plus ?
* Confrontation de la pièce de Feydeau avec le film de cinéma Breakfast at Tiffany's
Texte 5 : « Le Banquet des méduses » - René de Obaldia – 1979 (ou bien un extrait de « Grasse matinée » - 1991)
La scène se passe dans le cabinet du psychanalyste. Le Docteur 6 jeune encore - s'apprête à recevoir son quatrième client : une femme d'une trentaine d'années. Il ne l'a jamais encore vue. Tout au long de l'entretien, le Docteur emprunte une voix neutre, assurée. Sonnerie. Bruit d'une porte qui s'ouvre.
LE PSYCHANALYSTE. Entrez, Madame... Non, pas par là, c'est une penderie... Par ici.
ELLE (malade, impressionnée). Docteur, vous savez pourquoi je viens chez vous?
LE PSYCHANALYSTE. Ôtez votre manteau... Merci.
ELLE. Mon amie Jacqueline a dû vous le dire: il y a deux mois environ, non pas tout à fait deux mois; enfin, bref !
LE PSYCHANALYSTE. Étendez-vous.
ELLE. Tout de suite !
LE PSYCHANALYSTE. Oui, étendez-vous. Relaxez-vous. Décontractez-vous.
ELLE. Je dois retirer mes chaussures?
LE PSYCHANALYSTE. Non, pas la peine.
Un léger temps.
ELLE, s'allongeant sur le divan. Vous savez, c'est la première fois que je me rends chez un psychanalyste.... Vous êtes plus jeune que je ne pensais... Jacqueline m'avait laissé entendre que...
LE PSYCHANALYSTE, l'interrompant. Les bras le long du corps... Très bien.
ELLE. Jacqueline est une camarade de collège. Il faut dire qu'à cette époque, ce n'était pas tout à fait une camarade...
LE PSYCHANALYSTE. Très bien, restez ainsi. Et vous allez parler pendant que je me tiens derrière vous.
ELLE. Parler de Charles, naturellement. En fait, je m'en rends compte maintenant, c'est moi qui l'ai quitté. Il a pris une autre femme, c'est entendu, mais c'est moi qui l'ai quitté. Charles est bien trop faible, bien trop lâche...
LE PSYCHANALYSTE, brusque. J'aimerais que vous ne me parliez surtout pas de Charles...
ELLE, interloquée. Vous êtes bon, vous ! Vous...
LE PSYCHANALYSTE. Je ne suis pas bon. Restez allongée.
ELLE. Je suis venue vous voir exprès pour cela ! Jacqueline a dû vous le dire, depuis ma rupture avec Charles, il y a deux mois environ, pas tout à fait deux mois, c'est l'effondrement. Je ne dors plus. J'ai maigri de plusieurs kilos.... Je...
LE PSYCHANALYSTE. Aucune importance.
ELLE. Comment ? Aucune importance !
LE PSYCHANALYSTE. Restez allongée. Aujourd'hui, pour notre première séance, vous allez me raconter vos souvenirs.
* Documents complémentaires

Allégorie de la débauche dans le triptyque de Jérôme Bosch

La danse au Moulin Rouge - 1890 - Henri de Toulouse-Lautrec [1864-1901]
*Mise en scène possible d'un passage de la scène 5 de l'acte II de « L'Ecole des Femmes » de Molière
Agnès.
Il jurait qu'il m'aimait d'une amour sans seconde,
Et me disait des mots les plus gentils du monde,
Des choses que jamais rien ne peut égaler,
Et dont, toutes les fois que je l'entends parler,
La douceur me chatouille et là dedans remue
Certain je ne sais quoi dont je suis toute émue.
Arnolphe, à part.
Ô fâcheux examen d'un mystère fatal,
Où l'examinateur souffre seul tout le mal !
(À Agnès.)
Outre tous ces discours, toutes ces gentillesses,
Ne vous faisait-il point aussi quelques caresses ?
Agnès.
Oh tant ! Il me prenait et les mains et les bras,
Et de me les baiser il n'était jamais las.
Arnolphe.
Ne vous a-t-il point pris, Agnès, quelque autre chose ?
(La voyant interdite.)
Ouf !
Agnès.
Hé ! il m'a...
Arnolphe.
Quoi ?
Agnès.
Pris...
Arnolphe.
Euh !
Agnès.
Le...
Arnolphe.
Plaît-il ?
Agnès.
Je n'ose,
Et vous vous fâcherez peut-être contre moi.
Arnolphe.
Non.
Agnès.
Si fait.
Arnolphe.
Mon Dieu, non !
Agnès.
Jurez donc votre foi.
Arnolphe.
Ma foi, soit.
Agnès.
Il m'a pris... Vous serez en colère.
Arnolphe.
Non.
Agnès.
Si.
Arnolphe.
Non, non, non, non. Diantre, que de mystère !
Qu'est-ce qu'il vous a pris ?
Agnès.
Il...
Arnolphe, à part.
Je souffre en damné.
Agnès.
Il m'a pris le ruban que vous m'aviez donné.
À vous dire le vrai, je n'ai pu m'en défendre.
Arnolphe, reprenant haleine.
Passe pour le ruban. Mais je voulais apprendre
S'il ne vous a rien fait que vous baiser les bras.
Agnès.
Comment ? est-ce qu'on fait d'autres choses ?
Arnolphe.
Non pas.
Mais pour guérir du mal qu'il dit qui le possède,
N'a-t-il point exigé de vous d'autre remède ?
Agnès.
Non. Vous pouvez juger, s'il en eût demandé,
Que pour le secourir j'aurais tout accordé.
Axiologie de la scénographie
* Une mise en scène qui échappe, comme pour les fissures de la parole théâtrale, au principe d'univocité, et qui reste calée sur le tempo des formules vides en apparence de la pupille d'Arnolphe [Agnès. Hé ! il m'a... Arnolphe. Quoi ? Agnès. Pris... Agnès. Il m'a pris... Vous serez en colère.]. Tout se trame à la croisée du visible et de l'invisible, du dicible à l'indicible. L'équivoque des gestes reproduira celle du langage dramatique.
*La mise en situation choisie jouera sur le renversement du mythe de Pénélope. Dans cette perspective, Agnès assume sa posture de séductrice en affichant sa fausse candeur. Comme le fera plus tard Beaumarchais, dans une réplique de cette même scène (scène de confrontation de Rosine et Bartholo dans « Le Barbier de Séville ou la Précaution inutile », inspiré, tout comme « L'Ecole des Femmes », de « La Précaution inutile » de Scarron). Toutes ses répliques devront être interprétées dans un sens obscène. Chaque mot dans la pièce cache un sens ambigu [« Vous êtes-vous toujours, comme on voit, bien portée ? - Hors les puces, qui m'ont, la nuit, inquiétée. - Ah ! vous aurez dans peu quelqu'un pour les chasser. - Vous me ferez plaisir. » - acte I, scène 3 - vers 235 à 236]. Les puces en question laissent clairement supposer quelques démangeaisons amoureuses ou tracasseries ovariennes.
*Tout repose sur un renversement des rôles. Agnès cesse d'être la victime, la proie (l'agneau sacrifié) et Arnolphe (patronyme germanique Arnwulf, formé à partir du mot « der Wolf », le loup) le prédateur au profil du vil vautour. Le barbon fait partie de la « Grande confrérie », de la « Confrérie Saint Arnoul » (toujours dans « Le Roman de la Rose »), celle des maris trompés. Tout cela de manière à mettre à jour les enjeux idéologiques de la pièce : la dénonciation du sort réservé aux femmes.
*Sur le plan vestimentaire, on imagine Agnès en robe outrageusement décolletée, avec une échancrure du corsage privée de son ruban et faisant voir une généreuse chute des épaules (« pupille » veut dire « téter le sein » en latin). Un décolleté qui vient gifler le désir bafoué de son tuteur.
*Pour les accessoires, un tambour à broder les dentelles en bois avec de grosses aiguilles à matelas. Il conviendra d'amplifier le mouvement d'aller et retour de l'enfilement de l'aiguille. Le mouvement mécanique sur le cercle à broder, faisant frétiller de fébrilité les doigts d'Agnès, doit suggérer un mouvement de va-et-vient sans contretemps. La toile sur l'anneau du tambour à broder symbolisant la corolle de l'hymen, l'aiguille revêtant alors un caractère phallique (pas étonnant que le comte Almaviva porte le sobriquet de Lindor chez Beaumarchais). L'habileté à manier l'aiguille doit s'exercer dans un mélange de fantasme et de réel, par opposition à la noirceur cruelle de la fin de cette scène (Agnès, dont le c½ur s'affole, court à sa perte et deviendra à la fin de la scène 2 de l'acte V une proie prise à contrepied). L'intérêt de la scène repose aussi sur le procédé du retardement, du suspense. Arnolphe, foudroyé par l'angoisse, porte un regard à la fois carnassier et douloureux sur le manège d'Agnès. Il doit lui aussi démêler les fils de l'intrigue.
*Un éclairage en douche sur la brodeuse, renversée à l'orientale sur un sofa capitonné, ou une méridienne Récamier.
Activité de mise en voix : ne finissez pas vos phrases !
*mise en place d'un « mur du son », d'un alignement dos au mur, où chaque élève articule les stichomythies (désarticulations de l'alexandrin souvent monosyllabiques).
*mise en voix pour mieux affronter la dislocation des vers, pour faire ressortir les caractéristiques d'un dialogue de sourds dans le cadre de cet échange comique
*prolongement ou préambule avec des exercices de mise en voix à partir du texte « Finissez vos phrases » de Jean Tardieu.
TEXTE POUR LA MISE EN VOIX
Finissez vos phrases ou une heureuse rencontre (1949), La Comédie du langage, de Jean Tardieu [1903 1995]
MONSIEUR A :(avec chaleur) Oh ! Chère amie. Quelle chance de vous..
MADAME B : (ravie) Très heureuse, moi aussi. Très heureuse de... vraiment oui !
MONSIEUR A : Comment allez, depuis que...?
MADAME B : (très naturelle) Depuis que ? Eh bien ! J'ai continué, vous savez, j'ai continué à....
MONSIEUR A : Comme c'est ! ...Enfin, oui vraiment, je trouve que c'est...
MADAME B : (modeste) Oh, n'exagérons rien ! C'est seulement, c'est uniquement... Je veux dire : ce n'est pas tellement, tellement...
MONSIEUR A : (intrigué, mais sceptique) Pas tellement, pas tellement, vous croyez ?
MADAME B : (restrictive) Du moins je le... je, je, je... Enfin!...
MONSIEUR A : (avec admiration) Oui, je comprends : vous êtes trop, vous avez trop de...
MADAME B : (toujours modeste, mais flattée) Mais non, mais non : plutôt pas assez...
MONSIEUR A : (réconfortant) Taisez-vous donc ! Vous n'allez pas nous... ?
MADAME B : (riant franchement) Non ! Non ! Je n'irai pas jusque là !
Un temps très long, ils se regardent l'un l'autre en souriant.
MONSIEUR A : Mais au fait, puis-je vous demander où vous...?
MADAME B : (très précise et décidée) Mais pas de ! Non, non, rien, rien. Je vais jusqu'au, pour aller chercher mon. Puis je reviens à la.
MONSIEUR A : (engageant et galant, offrant son bras) Me permettez-vous de... ?
MADAME B : Mais, bien entendu ! Nous ferons ensemble un bout de.
MONSIEUR A : Parfait, parfait ! Alors, je vous en prie. Veuillez passer par ! Je vous suis. Mais à cette heure-ci, attention à, attention aux !
MADAME B : (acceptant son bras, soudain volubile) Vous avez bien raison. C'est pourquoi je suis toujours très. Je pense encore à mon pauvre. Il allait, comme ça, sans, -ou plutôt avec. Et tout à coup, voilà que ! Ah la la ! Brusquement ! Parfaitement. C'est comme ça que. Oh ! J'y pense, j'y pense ! Lui qui ! Avoir eu tant de ! Et voilà que plus ! Et moi je, moi je, moi je !
MONSIEUR A : Pauvre chère ! Pauvre lui ! Pauvre vous !
MADAME B : (soupirant) Hélas oui ! Voilà le mot ! C'est cela !
Une voiture passe vivement, en klaxonnant.
MONSIEUR A (tirant vivement madame B en arrière)
Attention ! Voilà une !
Autre voiture, en sans inverse. Klaxon.
MADAME B : En voilà une autre !
MONSIEUR A : Que de ! Que de ! Ici pourtant ! On dirait que !
MADAME B : Eh bien ! Quelle chance ! Sans vous, aujourd'hui, je !
MONSIEUR A : Vous êtes trop ! Vous êtes vraiment trop ! (Soudain changeant de ton. Presque confidentiel) Mais si vous n'êtes pas, si vous n'avez pas, ou plutôt : si, vous avez, puis-je vous offrir un ?
MADAME B : Volontiers. Ca sera une ! Comme de nouveau si...
MONSIEUR A : (achevant) Pour ainsi dire. Oui. Tenez, voici justement un. Asseyons-nous ! (Ils s'assoient à la terrasse du café)
Monsieur A : Tenez, prenez cette... Etes-vous bien ?
Madame B Très bien, merci, je vous.
Monsieur A, appelant. Garçon !
Le Garçon, s'approchant. Ce sera ?
Monsieur A, à Madame B. Que désirez-vous, chère ... ?
Madame B, désignant une affiche d'apéritif. Là... là : la même chose que... En tout cas, mêmes couleurs que.
Le Garçon Bon, compris ! Et pour Monsieur ?
Monsieur A Non, pour moi, plutôt la moitié d'un ! Vous savez !
Le Garçon Oui. Un demi ! D'accord ! Tout de suite. Je vous.
Exit le garçon. Un silence.
Monsieur A, sur le ton de l'intimité. Chère ! Si vous saviez comme, depuis longtemps !
Madame B, touchée. Vraiment ? Serait-ce depuis que ?
Monsieur A, étonné. Oui ! Justement ! Depuis que ! Mais comment pouviez-vous ?
Madame B, tendrement. Oh ! Vous savez ! Je devine que. Surtout quand.
Monsieur A, pressant. Quand quoi ?
Madame B, péremptoire. Quand quoi ? Eh bien, mais : quand, quand.
Monsieur A, jouant l'incrédule, mais satisfait. Est-ce possible ?
Madame B Lorsque vous me mieux, vous saurez que je toujours là.
Monsieur A Je vous crois, chère !... (Après une hésitation, dans un grand élan.) Je vous crois, parce que je vous !
Madame B, jouant l'incrédule. Oh ! Vous allez me faire ? Vous êtes un grand !...
Monsieur A, laissant libre cours à ses sentiments. Non ! Non ! C'est vrai! Je ne puis plus me ! Il y a trop longtemps que ! Ah si vous saviez ! C'est comme si je ! C'est comme si toujours je ! Enfin, aujourd'hui, voici que, que vous, que moi, que nous !
Madame B, émue. Ne pas si fort ! Grand, Grand ! On pourrait nous !
Monsieur A Tant pis pour ! je veux que chacun, je veux que tous ! Tout le monde, oui !
Madame B, engageante, avec un doux reproche. Mais non, pas tout le monde : seulement nous deux !
Monsieur A, avec un petit rire heureux et apaisé. C'est vrai ? Nous deux! Comme c'est ! Quel ! Quel !
Madame B, faisant chorus avec lui. Tel quel ! Tel quel !
Monsieur A Nous deux, oui, oui, mais vous seule, vous seule !
Madame B Non, non : moi vous, vous moi !
Le Garçon, apportant les consommations. Boum ! Voilà ! Pour Madame!... Pour Monsieur !
Monsieur A Merci... Combien je vous ?
Le Garçon Mais c'est écrit sur le, sur le...
Monsieur A C'est vrai. Voyons !... Bon, bien ! Mais je n'ai pas de... Tenez voici un, vous me rendrez de la.
Le Garçon Je vais vous en faire. Minute ! Exit le garçon.
Monsieur A, très amoureux.Chère, chère. Puis-je vous: chérie?
Madame B Si tu...
Monsieur A, avec emphase. Oh le « si tu » ! Ce « si tu » ! Mais, si tu quoi ?
Madame B, dans un chuchotement rieur. Si tu, chéri !
Monsieur A, avec un emportement juvénile. Mais alors ! N'attendons pas ma ! Partons sans ! Allons à ! Allons au !
Madame B, le calmant d'un geste tendre. Voyons, chéri ! Soyez moins ! Soyez plus !
Le Garçon, revenant et tendant la monnaie. Voici votre !... Et cinq et quinze qui font un !
Monsieur A Merci. Tenez ! Pour vous !
Le Garçon Merci.
Monsieur A, lyrique, perdant son sang-froid. Chérie, maintenant que ! Maintenant que jamais ici plus qu'ailleurs n'importe comment parce que si plus tard, bien qu'aujourd'hui c'est-à-dire, en vous, en nous... (s'interrompant soudain, sur un ton de sous-entendu galant), voulez-vous que par ici ?
Madame B, consentante, mais baissant les yeux pudiquement. Si cela vous, moi aussi.
Monsieur A Oh ! ma ! Oh ma ! Oh ma, ma !
Madame B Je vous ! À moi vous ! (Un temps, puis, dans un souffle.) À moi tu ... Ils sortent.
Finissez vos phrases ou une heureuse rencontre (1949), La Comédie du langage, de Jean Tardieu [1903 1995]
MONSIEUR A :(avec chaleur) Oh ! Chère amie. Quelle chance de vous..
MADAME B : (ravie) Très heureuse, moi aussi. Très heureuse de... vraiment oui !
MONSIEUR A : Comment allez, depuis que...?
MADAME B : (très naturelle) Depuis que ? Eh bien ! J'ai continué, vous savez, j'ai continué à....
MONSIEUR A : Comme c'est ! ...Enfin, oui vraiment, je trouve que c'est...
MADAME B : (modeste) Oh, n'exagérons rien ! C'est seulement, c'est uniquement... Je veux dire : ce n'est pas tellement, tellement...
MONSIEUR A : (intrigué, mais sceptique) Pas tellement, pas tellement, vous croyez ?
MADAME B : (restrictive) Du moins je le... je, je, je... Enfin!...
MONSIEUR A : (avec admiration) Oui, je comprends : vous êtes trop, vous avez trop de...
MADAME B : (toujours modeste, mais flattée) Mais non, mais non : plutôt pas assez...
MONSIEUR A : (réconfortant) Taisez-vous donc ! Vous n'allez pas nous... ?
MADAME B : (riant franchement) Non ! Non ! Je n'irai pas jusque là !
Un temps très long, ils se regardent l'un l'autre en souriant.
MONSIEUR A : Mais au fait, puis-je vous demander où vous...?
MADAME B : (très précise et décidée) Mais pas de ! Non, non, rien, rien. Je vais jusqu'au, pour aller chercher mon. Puis je reviens à la.
MONSIEUR A : (engageant et galant, offrant son bras) Me permettez-vous de... ?
MADAME B : Mais, bien entendu ! Nous ferons ensemble un bout de.
MONSIEUR A : Parfait, parfait ! Alors, je vous en prie. Veuillez passer par ! Je vous suis. Mais à cette heure-ci, attention à, attention aux !
MADAME B : (acceptant son bras, soudain volubile) Vous avez bien raison. C'est pourquoi je suis toujours très. Je pense encore à mon pauvre. Il allait, comme ça, sans, -ou plutôt avec. Et tout à coup, voilà que ! Ah la la ! Brusquement ! Parfaitement. C'est comme ça que. Oh ! J'y pense, j'y pense ! Lui qui ! Avoir eu tant de ! Et voilà que plus ! Et moi je, moi je, moi je !
MONSIEUR A : Pauvre chère ! Pauvre lui ! Pauvre vous !
MADAME B : (soupirant) Hélas oui ! Voilà le mot ! C'est cela !
Une voiture passe vivement, en klaxonnant.
MONSIEUR A (tirant vivement madame B en arrière)
Attention ! Voilà une !
Autre voiture, en sans inverse. Klaxon.
MADAME B : En voilà une autre !
MONSIEUR A : Que de ! Que de ! Ici pourtant ! On dirait que !
MADAME B : Eh bien ! Quelle chance ! Sans vous, aujourd'hui, je !
MONSIEUR A : Vous êtes trop ! Vous êtes vraiment trop ! (Soudain changeant de ton. Presque confidentiel) Mais si vous n'êtes pas, si vous n'avez pas, ou plutôt : si, vous avez, puis-je vous offrir un ?
MADAME B : Volontiers. Ca sera une ! Comme de nouveau si...
MONSIEUR A : (achevant) Pour ainsi dire. Oui. Tenez, voici justement un. Asseyons-nous ! (Ils s'assoient à la terrasse du café)
Monsieur A : Tenez, prenez cette... Etes-vous bien ?
Madame B Très bien, merci, je vous.
Monsieur A, appelant. Garçon !
Le Garçon, s'approchant. Ce sera ?
Monsieur A, à Madame B. Que désirez-vous, chère ... ?
Madame B, désignant une affiche d'apéritif. Là... là : la même chose que... En tout cas, mêmes couleurs que.
Le Garçon Bon, compris ! Et pour Monsieur ?
Monsieur A Non, pour moi, plutôt la moitié d'un ! Vous savez !
Le Garçon Oui. Un demi ! D'accord ! Tout de suite. Je vous.
Exit le garçon. Un silence.
Monsieur A, sur le ton de l'intimité. Chère ! Si vous saviez comme, depuis longtemps !
Madame B, touchée. Vraiment ? Serait-ce depuis que ?
Monsieur A, étonné. Oui ! Justement ! Depuis que ! Mais comment pouviez-vous ?
Madame B, tendrement. Oh ! Vous savez ! Je devine que. Surtout quand.
Monsieur A, pressant. Quand quoi ?
Madame B, péremptoire. Quand quoi ? Eh bien, mais : quand, quand.
Monsieur A, jouant l'incrédule, mais satisfait. Est-ce possible ?
Madame B Lorsque vous me mieux, vous saurez que je toujours là.
Monsieur A Je vous crois, chère !... (Après une hésitation, dans un grand élan.) Je vous crois, parce que je vous !
Madame B, jouant l'incrédule. Oh ! Vous allez me faire ? Vous êtes un grand !...
Monsieur A, laissant libre cours à ses sentiments. Non ! Non ! C'est vrai! Je ne puis plus me ! Il y a trop longtemps que ! Ah si vous saviez ! C'est comme si je ! C'est comme si toujours je ! Enfin, aujourd'hui, voici que, que vous, que moi, que nous !
Madame B, émue. Ne pas si fort ! Grand, Grand ! On pourrait nous !
Monsieur A Tant pis pour ! je veux que chacun, je veux que tous ! Tout le monde, oui !
Madame B, engageante, avec un doux reproche. Mais non, pas tout le monde : seulement nous deux !
Monsieur A, avec un petit rire heureux et apaisé. C'est vrai ? Nous deux! Comme c'est ! Quel ! Quel !
Madame B, faisant chorus avec lui. Tel quel ! Tel quel !
Monsieur A Nous deux, oui, oui, mais vous seule, vous seule !
Madame B Non, non : moi vous, vous moi !
Le Garçon, apportant les consommations. Boum ! Voilà ! Pour Madame!... Pour Monsieur !
Monsieur A Merci... Combien je vous ?
Le Garçon Mais c'est écrit sur le, sur le...
Monsieur A C'est vrai. Voyons !... Bon, bien ! Mais je n'ai pas de... Tenez voici un, vous me rendrez de la.
Le Garçon Je vais vous en faire. Minute ! Exit le garçon.
Monsieur A, très amoureux.Chère, chère. Puis-je vous: chérie?
Madame B Si tu...
Monsieur A, avec emphase. Oh le « si tu » ! Ce « si tu » ! Mais, si tu quoi ?
Madame B, dans un chuchotement rieur. Si tu, chéri !
Monsieur A, avec un emportement juvénile. Mais alors ! N'attendons pas ma ! Partons sans ! Allons à ! Allons au !
Madame B, le calmant d'un geste tendre. Voyons, chéri ! Soyez moins ! Soyez plus !
Le Garçon, revenant et tendant la monnaie. Voici votre !... Et cinq et quinze qui font un !
Monsieur A Merci. Tenez ! Pour vous !
Le Garçon Merci.
Monsieur A, lyrique, perdant son sang-froid. Chérie, maintenant que ! Maintenant que jamais ici plus qu'ailleurs n'importe comment parce que si plus tard, bien qu'aujourd'hui c'est-à-dire, en vous, en nous... (s'interrompant soudain, sur un ton de sous-entendu galant), voulez-vous que par ici ?
Madame B, consentante, mais baissant les yeux pudiquement. Si cela vous, moi aussi.
Monsieur A Oh ! ma ! Oh ma ! Oh ma, ma !
Madame B Je vous ! À moi vous ! (Un temps, puis, dans un souffle.) À moi tu ... Ils sortent.
Travail personnel du professeur, Bernard Mirgain.
Nos chaleureux remerciements à Florence Marchand,
chargée de mission du Rectorat....
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