Sujet de la dissertation
Le théâtre doit-il se contenter de dénoncer la noirceur des hommes et du monde ?
I. La dénonciation de la violence
A. Les turpitudes humaines, au c½ur des préoccupations du théâtre...
[phrase d'annonce de la première sous-partie]
Le théâtre, notamment la tragédie noire, est friand de tout ce qui est menaçant, effrayant, voire monstrueux. Il nous présente des faits sous des couleurs sombres : un déchaînement de pulsions de mort et vices horribles, un déferlement de sévices épouvantables et par conséquent d'affreuses souffrances.
La violence, individuelle ou collective, est monnaie courante sur les plateaux de scène. Le théâtre est le lieu par excellence d'expériences malsaines : il représente volontiers des individus terrifiants dont les actions sont dominées par un instinct destructeur (« Britannicus » de Racine en 1669, « Ubu roi » d'Alfred Jarry en 1896 ou « Caligula » de Camus en 1945). Certaines pièces d'une noirceur absolue rendent manifeste la volonté des dramaturges de mettre à nu une cruauté à l'état sauvage. Dans sa pièce « Roberto Zucco » (1990), Koltès enferme son personnage dans une spirale de violences meurtrières, tout comme Ionesco dans « La Leçon » (1951). Dans son « Théâtre décomposée » (2014), Visniec s'intéresse à la violence auto-infligée. Dans « Etat d'urgence » (2012), Falk Richter attire notre attention sur le morcellement de notre société contemporaine et la marchandisation des relations avec autrui. Octave Mirbeau, Brecht, Ödön Von Horvath, dont les principales motivations sont d'ordre politique et idéologique, se préoccupent davantage des violences sociétales, des dérèglements de la société. D'autres intrigues, comme celle de « Montserrat » (1948) de Roblès, réveillent en nous la mémoire d'un passé qui n'est pas passé : celui de la persécution des résistants. En définitive, à des siècles de distance, depuis la création d'« Hécube » par Euripide (au Vème siècle avant notre ère) jusqu'à Frederick Knott, Tennessee Williams, Edward Albee, ou Wajdi Mouawad, les ½uvres théâtrales ont toujours mis en avant des sorts atroces, des pulsions délétères, belliqueuses, des crimes et passions féroces. Ce théâtre de la mise à mort ou de la vie en sursis a fait largement ses preuves. Les mêmes thèmes de l'humanité livrée aux démons de la violence et de l'autodestruction se développent au fil des époques, se juxtaposent, se répètent. Ils se répondent tout au long des siècles, de Sophocle, Euripide, à Racine et Corneille, jusqu'à Alfred Jarry, Camus, Simovic, en faisant couler le sang. Tout y passe : les massacres de masse, les assassinats, les spoliations, la bassesse des instincts, la haine familiale, raciale, conjugale... Des héroïnes immolées aux dieux vengeurs (« Iphigénie » de Racine -1674), des héros sursitaires, la tête sur le billot (« L'Aiglon », drame en six actes et en vers d'Edmond Rostand -1900), des tyrans interlopes taillés tout d'une seule pièce (« Lorenzaccio » de Musset - 1834) composent la panoplie de ces ½uvres qui font grincer les prophéties du malheur sur les planches. Les mêmes ressorts dramatiques se tendent autour du même motif : celui de la forme du mal qui est dans l'homme. Le canevas de l'infamie politique (la dictature sécuritaire, dans l'entourage d'un bourreau obsédé par l'éradication de l'espèce humaine), fait partie des stéréotypes. Dans les salles de théâtre d'aujourd'hui, la violence est partout, sans tabou, portée à un degré de saturation absolue. On peut y voir une surcharge, un trop-plein... Le théâtre contemporain n'a rien de propre. Les auteurs dramatiques adoptent la posture du défenseur de la civilisation contre les barbares. Sans doute, c'est la preuve d'une démocratie forte qui n'a pas peur de s'exprimer. Quoi qu'il en soit, le théâtre doit-il se contenter de ces fresques épiques, sombres et ténébreuses ? Devrait-il en permanence patauger dans cette fosse à lisier ?
[phrase de transition vers la seconde sous-partie]
Le théâtre doit-il se contenter de dénoncer la noirceur des hommes et du monde ?
I. La dénonciation de la violence
A. Les turpitudes humaines, au c½ur des préoccupations du théâtre...
[phrase d'annonce de la première sous-partie]
Le théâtre, notamment la tragédie noire, est friand de tout ce qui est menaçant, effrayant, voire monstrueux. Il nous présente des faits sous des couleurs sombres : un déchaînement de pulsions de mort et vices horribles, un déferlement de sévices épouvantables et par conséquent d'affreuses souffrances.
La violence, individuelle ou collective, est monnaie courante sur les plateaux de scène. Le théâtre est le lieu par excellence d'expériences malsaines : il représente volontiers des individus terrifiants dont les actions sont dominées par un instinct destructeur (« Britannicus » de Racine en 1669, « Ubu roi » d'Alfred Jarry en 1896 ou « Caligula » de Camus en 1945). Certaines pièces d'une noirceur absolue rendent manifeste la volonté des dramaturges de mettre à nu une cruauté à l'état sauvage. Dans sa pièce « Roberto Zucco » (1990), Koltès enferme son personnage dans une spirale de violences meurtrières, tout comme Ionesco dans « La Leçon » (1951). Dans son « Théâtre décomposée » (2014), Visniec s'intéresse à la violence auto-infligée. Dans « Etat d'urgence » (2012), Falk Richter attire notre attention sur le morcellement de notre société contemporaine et la marchandisation des relations avec autrui. Octave Mirbeau, Brecht, Ödön Von Horvath, dont les principales motivations sont d'ordre politique et idéologique, se préoccupent davantage des violences sociétales, des dérèglements de la société. D'autres intrigues, comme celle de « Montserrat » (1948) de Roblès, réveillent en nous la mémoire d'un passé qui n'est pas passé : celui de la persécution des résistants. En définitive, à des siècles de distance, depuis la création d'« Hécube » par Euripide (au Vème siècle avant notre ère) jusqu'à Frederick Knott, Tennessee Williams, Edward Albee, ou Wajdi Mouawad, les ½uvres théâtrales ont toujours mis en avant des sorts atroces, des pulsions délétères, belliqueuses, des crimes et passions féroces. Ce théâtre de la mise à mort ou de la vie en sursis a fait largement ses preuves. Les mêmes thèmes de l'humanité livrée aux démons de la violence et de l'autodestruction se développent au fil des époques, se juxtaposent, se répètent. Ils se répondent tout au long des siècles, de Sophocle, Euripide, à Racine et Corneille, jusqu'à Alfred Jarry, Camus, Simovic, en faisant couler le sang. Tout y passe : les massacres de masse, les assassinats, les spoliations, la bassesse des instincts, la haine familiale, raciale, conjugale... Des héroïnes immolées aux dieux vengeurs (« Iphigénie » de Racine -1674), des héros sursitaires, la tête sur le billot (« L'Aiglon », drame en six actes et en vers d'Edmond Rostand -1900), des tyrans interlopes taillés tout d'une seule pièce (« Lorenzaccio » de Musset - 1834) composent la panoplie de ces ½uvres qui font grincer les prophéties du malheur sur les planches. Les mêmes ressorts dramatiques se tendent autour du même motif : celui de la forme du mal qui est dans l'homme. Le canevas de l'infamie politique (la dictature sécuritaire, dans l'entourage d'un bourreau obsédé par l'éradication de l'espèce humaine), fait partie des stéréotypes. Dans les salles de théâtre d'aujourd'hui, la violence est partout, sans tabou, portée à un degré de saturation absolue. On peut y voir une surcharge, un trop-plein... Le théâtre contemporain n'a rien de propre. Les auteurs dramatiques adoptent la posture du défenseur de la civilisation contre les barbares. Sans doute, c'est la preuve d'une démocratie forte qui n'a pas peur de s'exprimer. Quoi qu'il en soit, le théâtre doit-il se contenter de ces fresques épiques, sombres et ténébreuses ? Devrait-il en permanence patauger dans cette fosse à lisier ?
[phrase de transition vers la seconde sous-partie]
Pourquoi le théâtre se contenterait-il de l'exigence d'éthique ? Ne serait-il qu'une institution de veille destinée à nous prévenir des désordres du monde pour les réparer ? A passer au crible les manquements de chacun, à la dignité, à la justice, à un devoir, à des règles morales ? A dénoncer les rapports de domination ?
B. Le théâtre est un inépuisable réservoir à intrigues
Le théâtre n'est pas prédestiné, par nature, à orchestrer d'implacables carnages, d'infatigables cruautés. Il brode sur tous les thèmes ; il serait considérablement mutilé, estropié même, s'il s'imposait des limites ou des contraintes. Il peut nous offrir d'autres formats de pièces, aux antipodes des mises en scène macabres, des tableaux noirs de la tragédie.
Il lui arrive d'ailleurs de bifurquer, de circuler entre les genres dramatiques. Ce qui vaut pour les pièces de Corneille, de Molière, de Beckett et Ionesco dans lesquelles, bien souvent, la distance entre les registres s'estompe. Ces auteurs entremêlent avec malice les lignes discernables de la tragédie et de la comédie ou bien s'abstiennent d'un tel choix (théâtre de l'absurde). Toutes les comédies de Molière, pratiquement, oscillent entre ces deux mondes. Dans « L'Ecole des Femmes », pour ne citer que cet exemple, les n½uds coulants de l'intrigue tragique se serrent tout au long des cinq actes, avant que la dernière scène ne vienne annoncer enfin une issue heureuse. Il faut bien le dire, si on se précipite au théâtre, c'est aussi pour y rire à gorge déployée. On ne compte plus les pièces remplies d'un humanisme tendre où tout le monde se retrouve dans de grands éclats de rire ou de sourires en coin. Qui rebattent les cartes de la relation amicale, amoureuse ou érotique, qui exorcisent les pulsions mauvaises. La farce, la comédie bouffonne, la commedia dell'arte, le vaudeville, mettent en mouvement une mécanique du rire parfaitement réglée. Ce théâtre, plébiscité par le public, s'inscrit dans une longue tradition du grotesque, du comique jubilatoire, remontant à Aristophane ou Plaute. Il nous console de la noirceur de notre propre existence. Il nous fait sortir de l'inertie, nous libère de nos soucis et de nos préoccupations. C'est comme un rêve éveillé. Le théâtre donne lieu parfois à une rencontre avec l'intime, laissant entendre sur un mode bucolique les espiègleries du c½ur. On pénètre alors au c½ur des défis d'une famille, d'un couple d'amoureux ou d'amis, d'une communauté. On pense aux chroniques d'une vie familiale. Celles de Tchekov (1860-1904), comme « La Mouette », « Oncle Vania », « Les Trois S½urs », « La Cerisaie ». Ces pièces écrites entre 1895 et 1904 mettent en scène des personnes confrontées à la banalité de la vie quotidienne. Elles ont profondément influencé l'enseignement de l'art dramatique et la formation des acteurs (écoles de théâtre de Stanislavski, Strasberg et Elia Kazan). Ce théâtre qui représente la sphère privée s'aventure dans les rouages d'une conscience que l'on découvre dans son intimité, dans ses contradictions. Il excelle à écrire le quotidien, traversé d'élans de tendresse ou de froide cruauté. « Ondine », une pièce tendre et gracieuse écrite par Giraudoux en 1939, incarne l'hypothèse d'un théâtre de la féérie, de la séduction amoureuse, qui laisse mûrir la promesse d'un bonheur, d'une réconciliation avec la nature, qui exalte la force et la beauté de l'amour. Le spectateur ne se lasse pas d'être séduit par le chant d'une sirène, par la sublimation des longs duos d'amour, comme dans « Iphis et Iante » (1634) de Benserade, ou dans « Cyrano de Bergerac » (1897) de Rostand. Que dire des espagnolades de Beaumarchais où l'amour l'emporte toujours et où la fête et la bonne humeur triomphent jusqu'au bouquet final. Le monde du théâtre peut nouer également des relations avec les contes et légendes folkloriques, qu'il dramatise à souhait. Joël Pommerat, un dramaturge contemporain, actualise par ses réécritures les contes pour enfants dans lesquelles se nouent des relations pleines de justesse avec la psychanalyse : « Pinocchio » de Carlo Collodi, « Le Petit Chaperon rouge » et « Cendrillon » de Charles Perrault. Un peu à la manière des tragédies grecques qui puisaient dans le répertoire des mythes antiques. Il y a place aussi pour le théâtre de l'invraisemblance qui se caractérise par sa juvénilité clownesque, par une fantaisie enfantine. Le théâtre de veillée de René de Obaldia, surgissant des eaux dormantes d'une tradition académique convenue, incarne cette tendance au futurisme teinté de comique rêveur. Obaldia, capable de mettre en scène un robot aux attributs féminins, doué de sentiments et doté d'une conscience propre - dans le sillage du film « Metropolis » (1927) de Fritz Lang, fait glisser l'art théâtral vers la fable existentialiste. Dans « Monsieur Klebs et Rozalie », une dystopie surréaliste avec pour héros un cyborg féminin, Obaldia bricole dans l'incurable. Après les hordes d'Apaches et de Comanches (« Du vent dans les branches de sassafras » - 1965), débarquent sur scène celles d'automates perfides et d'androïdes détraqués... On laissera enfin la meilleure place au théâtre moraliste et philosophique qui met en avant la force des idées, à l'origine de notre civilisation. Le chef-d'½uvre de Lessing [1729-1781], intitulé « Nathan le Sage » (« Nathan der Weise », représenté en 1779), inspiré du « Décaméron » (1353) de Boccace est un plaidoyer en faveur de l'humanisme laïque qui a marqué toute la génération du « Sturm und Drang ». La philosophie est également une aventure artistique. Les dramaturges Friedrich Dürrenmatt (« Die Physiker » - 1962), Thomas Bernhard (« Dramuscules » et « Heldenplatz » - 1988) de Georg Büchner (« Dantons Tod » en 1835, « Woyzeck » en 1837) ou plus récemment Franz Xaver Kroetz, l'ont bien démontré.
La pensée est une affaire de rencontres, de transmission de proche en proche dans la frontalité d'un face-à-face entre le spectacle et le public.
[phrase de transition qui va permettre de faire basculer la réflexion dans une réflexion plus large à propos des finalités de l'art théâtral]
Cependant, il convient d'étudier à présent les lignes de faille entre le réel et sa représentation, entre la réalité et son double théâtralisé. D'où l'inévitable question : quel but se fixe le théâtre ? Que doit-il représenter sur scène ?
II. Le théâtre, une forme d'expression qui part dans tous les sens : la volatilité de son identité et de ses finalités...
[phrase d'annonce des idées directrices de la seconde partie de la dissertation]
A. Un théâtre aux styles disparates, qui ne joue pas seulement avec les mots
Dans le monde du théâtre, tout n'est pas lié aux mots, aux scénarios, aux enchaînements ou aux finalités de l'action.
Les plus belles histoires, ou les plus sombres et désespérantes, n'intéressent pas le public si elles ne sont pas portées par une forme qui l'exprime, par des talents qui transcendent le texte (scénariste, décorateurs, troupe de comédiens). Cela ne fait aucun doute : le théâtre en tant qu'art vivant tient sa force et son efficacité du fait qu'il est avant tout un spectacle. L'action est représentée par des comédiens et comédiennes en chair et en os. Ce qui permet aux dramaturges de mettre en scène le monde dans sa diversité. C'est pour cette raison qu'ils peuvent aborder des thèmes aussi variés et renouveler leur répertoire. Autrement dit, à chaque création, il faut retourner au charbon. Tout remettre en jeu. Le théâtre est un moyen d'expression (mêlant les arts graphiques, plastiques, musicaux, visuels, photographiques et numériques), qui repose sur des techniques de jeu. Ce jeu théâtral relève de l'illusion. Il ne s'agit pas que de représenter des personnages. A l'époque de Louis XIV, Molière combinait astucieusement les chorégraphies et la musique dans ses comédies de ballet (« L'Amour médecin » - 1665, « Le Bourgeois gentilhomme » - 1670). La chanson trouve sa place dans le divertissement. Monsieur Jourdain dans « Le Bourgeois gentilhomme » interprète la « chanson du mouton », le ridicule Bartholo entonne à pleins poumons la mélodie « Ma Rosinette », Chérubin chante sa romance sur l'air de « Malbrough s'en va-t-en guerre » (« Le Barbier de Séville », « Le Mariage de Figaro » de Beaumarchais). De Shakespeare à Molière et Alfred de Musset (« Fantasio » en 1834, « Le Chandelier » en 1835), la musique s'intègre dans le répertoire théâtral. Qu'il s'agisse d'une musique instrumentale (dans « Cyrano de Bergerac », la cornemuse de Montfleury, le fifre de Bertrandou, les fanfares militaires) ou de chansonnettes. Plus tard, le vaudeville abusera de ces tours de chant en dehors de toute vraisemblance (« Les Trente Millions de Gladiator » de Labiche en 1875, « Occupe-toi d'Amélie » de Feydeau - 1908). Le théâtre, nous l'avons dit, raffole d'anecdotes intimes (notamment chez Jules Renard et Courteline). L'une de ses priorités consiste à brosser des portraits. Endossant des rôles parlés, des caractères insolites se dévoilent, dans des situations sombres ou bien burlesques. Peu importe. Le metteur en scène peut compter sur un solide catalogue d'acteurs et d'actrices qu'il va dénicher dans les centres d'art dramatique et autres résidences d'artistes. Les spectateurs se laisseront prendre d'autant plus facilement qu'ils vont à leur rencontre pour les voir et entendre jouer, sans justification de l'intrigue. Le public ne s'en tient pas exclusivement au texte dramatique, à un scénario donné. Il se rue bille en tête sur les banquettes pour applaudir des artistes, devenus à leurs yeux des icônes. Le plaisir du public tient dans l'instant. Tout bien considéré, le spectacle en lui-même résulte de l'incarnation d'un texte d'auteur (magnifié par l'interprétation des comédiens et comédiennes) et de la magie d'une mise en scène. Le théâtre convie les spectateurs à toute une série d'activités spécifiques, qui dépendent des formes de représentation, de jeu et d'écriture, parfois fort différentes. Ce qui le caractérise, c'est sa largesse d'esprit. Il amène le spectateur à faire l'expérience de l'empathie. Non pas avec l'héroïsme victimaire, mais avec un art de parler, de représenter les choses. Avec une voix intérieure, qui n'a rien de particulier à dénoncer. Mais qui a envie de donner écho à la sincérité d'une présence. L'obligation de réinventer l'écriture dramaturgique s'impose à chaque fois. Le but du théâtre, c'est peut-être de se glisser dans des zones en friche, des terres inexplorées...
B. Un théâtre qui joue avec lui-même, avec ses propres codes
Les arts du théâtre ne doivent pas se contenter de recycler des poncifs. On peut être séduit aussi par ses innovations.
Certaines pièces renversent la perspective en laissant en plan le scénario de l'intrigue (théâtre de la présence) et en privilégiant la matérialité de l'écriture. On peut parler alors d'un théâtre de la langue - celui de Jean Tardieu (1903-1995), d'Eugène Ionesco - ou d'un théâtre des poètes, de récitants (théâtre de la non-représentation, abstrait, de déréalisation, chez Maeterlinck, Obaldia ou Visniec). La scène devient alors le lieu de la mise en évidence d'un texte, de sa diction par une voix. Ce type de théâtre s'écarte des productions spectaculaires habituelles. Il ne visa pas une esthétique de la signification (du jeu événementiel sur le plateau de scène), mais de la perception. Celle d'un matériau poétique, par exemple. Il nous promène dans un paysage qui charme, envoûte, émeut, impressionne (spectacle « Je me souviens » représenté au festival d'Avignon en 1988, inspiré des souvenirs de Georges Perec). Ces formes théâtrales délaissent la logique illusionniste. A rebours, d'autres font l'inverse, en exhibant méthodiquement les artifices de l'illusion mimétique. C'est un théâtre qui parle lui aussi d'un rapport de domination, mais avec lui-même (le théâtre dans le théâtre). Un théâtre de confrontation avec lui-même, de conflagration. Ce qui donne lieu à des situations cocasses, certes, mais aussi à une réflexion. Il arrive donc que la pièce de théâtre nous raconte une histoire et en même temps nous en raconte une autre par un effet miroir. Celle d'une pièce en train de s'écrire. Et tout cela pour amener le spectateur à se questionner sur le jeu théâtral. Shakespeare (dans « Le Songe d'une nuit d'été » - 1594, et surtout « Hamlet » - 1601), Corneille (dans « L'Illusion comique » en 1634), Molière dans « Le Malade Imaginaire » - 1673), Marivaux (dans « Les Acteurs de bonne foi » - 1748) et Pirandello (1867-1936) sont les précurseurs du théâtre dans le théâtre. Le dramaturge nous fait entrer en quelque sorte dans son atelier. Le spectateur participe ainsi au processus créatif. Ces versions théâtralement solides et techniquement complexes nous entraînent vers l'étrange. L'action ne peut se trouver qu'à un endroit à la fois, prétendait le législateur du Parnasse, Nicolas Boileau (« L'Art poétique » - 1674). L'unité d'action, cette réclusion réclamée par Boileau [1636-1711], est volontairement mise à mal. Avec la technique du théâtre dans le théâtre, par la magie de la fiction et des artifices de la scène, l'imprévisible devient la règle. On choisit plusieurs endroits qui donnent lieu à d'autres histoires de vie, placées sous le signe de la contingence. Cette scénographie, qui se joue des ramifications du destin, dissèque jusqu'à l'os les possibilités de la théâtralisation. Ce jeu vertigineux, hasardeux, abracadabrantesque même, où chaque scénario engendre de nouveaux embranchements, se rapproche du théâtre d'improvisation où l'on ne retombe jamais sur ses pieds. Ou bien du théâtre de parodie. Le théâtre spéculatif se fonde sur une rupture avec les standards du genre dramatique. Avec une étonnante inventivité, il change les règles du jeu, en refusant de s'enfermer dans des catégories. Ces textes mûrement réfléchis portent sur la face artificielle, inavouable ou bâtarde, du langage théâtral. Il faut admettre et reconnaître cette nature hybride du théâtre qui échappe à toute catégorisation. Pour la simple et bonne raison que la pratique théâtrale traverse plusieurs formes d'art. Qu'elle se fonde sur une convergence des arts de la scène, de la vidéo et du cinéma, de la musique et de la danse qui se croisent de manière harmonieuse et fluide. A partir de là, le spectacle prend corps dans des installations où s'enchevêtrent sur quelques mètres carrés, des cintres au trou du souffleur, décors et machineries, châssis entoilés amovibles, mobilier, éclairages scéniques et projecteurs, canons à fumée, etc... Ce qui suppose au préalable le talent de jeunes créateurs audacieux.
Conclusion
[petit récapitulatif des deux grandes parties de sa dissertation]
Nous l'avons entr'aperçu, le théâtre laisse entendre et donne à voir le bruit du monde, dans sa laideur cauchemardesque. Mais aussi des parcours de vie ensoleillés à travers lesquels s'éclairent une part du bonheur de vivre et du rêve. La boîte noire est une caisse de résonance des cris et des pleurs, certes, mais aussi des rires et des mots tendres. Néanmoins, le théâtre est surtout un espace de liberté, sans frontières, où les logiques du spectacle de décalent, se démarquent à l'envi. Personne ne connaît la stratégie qu'adoptera le théâtre dans le futur... Ce sont les auteurs dramatiques qui traceront les chemins esthétiques de leur art.
[on termine par une belle phrase ou par une citation d'auteur, ou les deux]
Le théâtre, c'est le réceptacle de la vie. Et une avancée vers la conscience de soi, car il embrasse le monde et l'intime pour faire bouger les lignes à l'intérieur de chacun de nous. Le dramaturge Edward Albee l'avait pressenti avec lucidité : « le théâtre ne doit pas être confortable ».
Travail personnel du professeur, B.Mirgain
Autres dissertations sur le thème du théâtre :
http://bmirgain.skyrock.com/2962677283-LE-THEATRE-DE-RENE-DE-OBALDIA.html
http://bmirgain.skyrock.com/2853290640-Hommage-a-Christian-Germain-VISITE-DU-THEATRE-D-EPINAL.html
http://bmirgain.skyrock.com/2202614711-HISTOIRE-DU-THEATRE.html
Bêtes à concours ?
http://bmirgain.skyrock.com/2853290640-Hommage-a-Christian-Germain-VISITE-DU-THEATRE-D-EPINAL.html
http://bmirgain.skyrock.com/2202614711-HISTOIRE-DU-THEATRE.html

L'exercice de la dissertation ...
Très utile pour les bêtes à concours, où l'imprévisible est la loi, diront les plus pragmatiques ! Il est vrai que c'est un exercice conceptuel, abstrait, un exercice savant. en relation avec la culture et les arts. Si on fronce le nez à la lecture du sujet, on choisit le commentaire ou l'écriture d'invention.
On se retrouve dans une salle d'examen, dans l'isolement et le silence, recroquevillé sur le libellé su sujet qu'il faudra disséquer jusqu'à l'os (l'interprétation du sujet).
On nous demande de concevoir un exposé, d'ouvrir une perspective à un dialogue. Il faut envisager des hypothèses, prévoir une succession d'arguments. Puis une cohérence dans leur ordonnancement au fil des lignes de la copie. Sans oublier les articulations, les bifurcations, pour passer d'une idée à une autre. Bâtir correctement un propos, tout tient dans l'architecture !
Il ne suffit pas de laisser flotter les idées dans sa tête. Il faut arrêter un point de vue. On a toujours trop hâte de se dépêcher d'écrire. Pour la dissertation, plus que pour les autres sujets, le travail de préparation, de construction est ingrat, laborieux. On aimerait presque sauter cette étape, mais il ne vaut mieux pas. Certains l'oublient, il ne s'agit pas d'écrire n'importe quoi. Même talonné par l'urgence, on effectue cette tâche avec sérieux.
Le commentaire s'en tient au cadre étroit d'un texte. Dans la dissertation, c'est tout le contraire : on voit large. C'est une enquête, une recherche qui ouvrent vers plusieurs horizons.
Disserter, c'est échanger, engager la conversation avec un autre. Celui qui vous corrige. Ou bien avec soi, si on veut oublier l'évaluateur à l'affût. La communication de soi à soi écarte cet épouvantail !
Très utile pour les bêtes à concours, où l'imprévisible est la loi, diront les plus pragmatiques ! Il est vrai que c'est un exercice conceptuel, abstrait, un exercice savant. en relation avec la culture et les arts. Si on fronce le nez à la lecture du sujet, on choisit le commentaire ou l'écriture d'invention.
On se retrouve dans une salle d'examen, dans l'isolement et le silence, recroquevillé sur le libellé su sujet qu'il faudra disséquer jusqu'à l'os (l'interprétation du sujet).
On nous demande de concevoir un exposé, d'ouvrir une perspective à un dialogue. Il faut envisager des hypothèses, prévoir une succession d'arguments. Puis une cohérence dans leur ordonnancement au fil des lignes de la copie. Sans oublier les articulations, les bifurcations, pour passer d'une idée à une autre. Bâtir correctement un propos, tout tient dans l'architecture !
Il ne suffit pas de laisser flotter les idées dans sa tête. Il faut arrêter un point de vue. On a toujours trop hâte de se dépêcher d'écrire. Pour la dissertation, plus que pour les autres sujets, le travail de préparation, de construction est ingrat, laborieux. On aimerait presque sauter cette étape, mais il ne vaut mieux pas. Certains l'oublient, il ne s'agit pas d'écrire n'importe quoi. Même talonné par l'urgence, on effectue cette tâche avec sérieux.
Le commentaire s'en tient au cadre étroit d'un texte. Dans la dissertation, c'est tout le contraire : on voit large. C'est une enquête, une recherche qui ouvrent vers plusieurs horizons.
Disserter, c'est échanger, engager la conversation avec un autre. Celui qui vous corrige. Ou bien avec soi, si on veut oublier l'évaluateur à l'affût. La communication de soi à soi écarte cet épouvantail !
La notation suit la règle des trois tiers. La copie doit satisfaire les exigences suivantes.
*Un tiers de la note pour la qualité de la prose qui doit être consistante, stimulante et tout à fait digeste (la présentation écrite des idées). On évite les fautes et les phrases mal construites ou bien trop longues.
*Un autre tiers concerne le fondement de ces idées. Les raisonnements boiteux ne sont pas les bienvenus.
*Le dernier tiers concerne la mise en forme ou « mise en page », la façon dont on organise son exposé, en allant bien sûr du simple vers le plus complexe.
Métamorphose. Ständige Veränderung. Ingrid Podewski.
Musée de Wesserling. Bas-RhinGravure exposée au Musée de la Montagne
à Château-Lambert, près du Thillot (Haute-Saône)

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