Enfin la haute Providence
Qui gouverne à son gré le temps,
Travaillant à notre abondance
Rendra les laboureurs contents :
Sus ! que tout le monde s'enfuie,
Je vois de loin venir la pluie,
Le ciel est noir de bout en bout
Et ses influences bénignes
Vont tant verser d'eau sur les vignes
Que nous n'en boirons point du tout.
L'ardeur grillait toutes les herbes,
Et tel les voyait consumer
Qui n'eût pas cru tirer des gerbes
Assez de grain pour en semer.
Bref, la terre, en cette contrée,
D'une béante soif outrée,
N'avait souffert rien de pareil
Depuis qu'une audace trop vaine
Porta le beau fils de Climène
Sur le brillant char du soleil.
Mais les dieux mettant bas les armes
Que leur font prendre nos péchés,
Veulent témoigner par des larmes
Que les nôtres les ont touchés :
Déjà, l'humide Iris étale
Son beau demi-cercle d'opale
Dedans le vague champ de l'air
Et, pressant mainte épaisse nue,
Fait obscurcir à sa venue
Le temps qui se montrait si clair.
Ces pauvres sources épuisées
Qui ne coulaient plus qu'en langueur,
En tressaillent comme fusées
D'une incomparable vigueur ;
je pense, à les voir si hautaines,
Que les eaux de mille fontaines
Ont ramassé dedans ces lieux
Ce qui leur restait de puissance
Pour aller par reconnaissance
Au devant de celles des cieux.
Payen, sauvons-nous dans ta salle
Voilà le nuage crevé ;
O, comme à grands flots il dévale !
Déjà, tout en est abreuvé.
Mon Dieu ! Quel plaisir incroyable !
Que l'eau fait un bruit agréable
Tombant sur ces feuillages verts !
Et que je charmerais l'oreille
Si cette douceur non pareille
Se pouvait trouver en mes vers !
Çà, que l'on m'apporte une coupe :
Du vin frais, il en est saison ;
Puisque Cérès boit à la troupe,
Il faut bien lui faire raison !
Mais non pas avec ce breuvage
De qui le goût fade et sauvage
Ne saurait plaire qu'aux sablons
Ou à quelque jeune pucelle
Qui ne but que de l'eau comme elle
Afin d'avoir les cheveux blonds.
Regarde à l'abri de ces saules
Un pèlerin qui se tapit :
Le dégoût perce ses épaules
Mais il n'en a point de dépit.
Contemple un peu dans cette allée
Thibaut à la mine hâlée
Marcher froidement par compas ;
Le bonhomme sent telle joie
Qu'encore que cette eau le noie,
Si ne s'en ôtera-t-il pas.
Vois déjà dans cette campagne
Ces vignerons tout transportés
Sauter comme genets d'Espagne
Se démenant de tous côtés ;
Entends d'ici tes domestiques
Entrecouper leurs chants rustiques
D'un fréquent battement de mains ;
Tous les c½urs s'en épanouissent
Et les bêtes s'en réjouissent
Aussi bien comme les humains.
Au détour de la rue de l'Hôtel de Ville dans la cité d'Arbois, à deux pas de la Place de la Liberté, une inscription sur un fronton, à proximité des vitrines de pétillantes échoppes, retient notre attention. Elle apparaît en relief adossée à un mur latéral sans charme particulier, sous les cimaises, tout au bout d'un alignement de façades et de balcons. Une vue panoramique de cette inscription arborant fièrement un dizain s'offre à nos regards surpris.
Cette strophe en incrustation se découvre comme une frise décorative sur une façade borgne, accolée à un bâtiment. Les fines arabesques des vers se voient surplombées par une estampe destinée à ne pas passer inaperçue. Elle représente sans doute Pomona, une divinité étrusque, dépeinte dans la tradition romaine sous les traits d'une nymphe couronnée de feuilles de vigne et de grappes de raisin. A moins qu'il ne s'agisse du portrait de Cérès, une divinité poliade, plébéienne, une figure tutélaire des fêtes agraires (les Cerialia des Latins) et de leurs rituels propitiatoires ou apotropaïques. Quoi qu'il en soit, cette Lorelei hellénistique portant coiffure en corymbe est vêtue du peplos brodé, une tunique de style dorien. Au pays des chais et des barriques, cette gardienne du temple semble veiller sur l'entrée des caves à vin en plein centre-ville. Cette silhouette épurée, chevauchant tel un blason les aplats d'une devise, tient en offrande de beaux raisins, joignant en quelque sorte le geste à la parole du poète. Elle consacre à sa façon la renommée de l'écrivain.
Conçus pour rester à l'état de papier, habituellement remisés dans les réserves d'un musée ou abrités dans une bibliothèque, les vers de Saint-Amant sont mis en valeur par la lumière laiteuse de ce mur d'angle, échappant ainsi aux ténèbres de l'oubli. Grâce à cette version poétique reconditionnée, un échange s'établit au hasard des rues d'Arbois entre Saint-Amant et le promeneur. A brûle-pourpoint, le touriste de passage peut alors s'essayer à la lecture orale, au risque de perdre pied.
On s'intéressera surtout à cette strophe qui représente le c½ur battant de ce long poème. Difficile de comprendre les vers de cette « grande ballade » villonesque, si l'on ne se rapporte pas à l'intégralité du texte... Cette pièce écrite en vers s'appuie sur les règles de la versification à la Renaissance, dans le droit fil de la tradition médiévale, celle des ballades de François Villon [1431-1463], composées d'octosyllabes regroupés dans un dizain.
Le poète, plongé dans un état méditatif, se fait le peintre d'un paysage automnal...
Dès le préambule, il est question des pluies d'automne qui succèdent à l'été torride (« L'ardeur grillait toutes les herbes, // Et tel les voyait consumer // Qui n'eût pas cru tirer des gerbes // Assez de grain pour en semer » (strophe II - vers 11-14). Ces pluies qui vont irriguer une terre assoiffée dans une contrée aride : « Bref, la terre, en cette contrée, // D'une béante soif outrée, N'avait rien souffert de pareil » (ibidem). Elles travaillent « à notre abondance » et rendront « les laboureurs contents » (strophe 1, vers 3 et 4). Même si elles obligent le promeneur à une vie embusquée : « Regarde à l'abri de ces saules // Un pelerin qui se tapit » (strophe VII, vers 1 et 2). Le « pelerin » (issu du latin « peregrinus ») désigne ici le voyageur, le flâneur.
Saint-Amant nous fait croiser le chemin d'un personnage qu'il décrit : « Le dégoût perce ses épaules // Mais il n'en a point de dépit » (strophe VII, vers 3 et 4). L'évocation peut paraître sinistre, mais il n'en est rien. Le « dégoût » dont il s'agit n'a rien à voir avec la répugnance. Le mot se réfère à l'eau de pluie qui ruisselle sur sa « galvardine », sa redingote. Ce substantif masculin, en usage dès le XIIème siècle, s'applique à l'action de «dégoutter », à l'écoulement de la pluie sur les vêtements (l'ancien français « degoutance » est dérivé de « degouter » avec pour sens « tomber goutte à goutte »). Ce badaud, trempé des pieds à la tête, loin de debagouler, se réjouit de ce temps humide (« il n'en a point dépit » - ibid).
L'approche très sensuelle de ce tableau fort détaillé et suggestif pourrait être comparée aux gravures de Jacques Callot [1592-1635], notamment à ses estampes « La Grande Chasse » de 1619, ou « La Petite Treille » de 1635. Elle pourrait être confrontée aux estampes miniatures dessinées au burin de l'orfèvre Etienne Delaune [1518-1583], un graveur de la Renaissance qui s'attachait à reproduire le moindre détail de paysages bucoliques. Mais aussi aux toiles de Nicolas Poussin [1594-1665] ou aux peintures pastorales de Claude Gellée dit le « Lorrain » [1600-1682]. La strophe de clôture met en lumière une scène campagnarde et fait la part belle à la ruralité, au savoir-faire traditionnel des gens du terroir : « Vois de là, dans cette campagne, // Ces vignerons, tout transportés, // Sauter comme genêts d'Espagne, // Se démenant de tous côtés ». Ce tableau bucolique nous fait penser aux peintres et dessinateurs hollandais comme Pieter Brueghel, Rembrandt, Jan van Goyen, Hendrick Avercamp. L'art de Saint-Amant, inspiré par la poésie de Jean-Baptiste Marini [1569-1625], préfigure le lyrisme des Parnassiens, de Vigny, Banville, Leconte de l'Isle et Catulle Mendès.
Le poème « La pluie », une ½uvre marquante de l'époque de Louis XIII, donne lieu à un savoureux dialogue, comme saisi sur le vif, à une conversation entre amis, entre le poète et son complice, le lecteur. Lecteur que l'auteur interpelle vivement à certaines occasions : « Payen, sauvons-nous dans ta salle » (strophe 5, vers 1). La sommation interpellative à l'entame de ce vers a recours à un terme plutôt affectueux sous la plume de Saint-Amand. Le terme d'adresse « païen » - mot connu dès le XIIème siècle, dans la version anglo-normande la Chanson de Roland, dérivé du latin classique paganum, paysan - désigne le mécréant aux m½urs paillardes, dénué du sens religieux. Par cette attaque verbale d'une sincérité non retenue, repérable à l'injonction, Saint-Amand affiche une proximité affective et intellectuelle avec ses lecteurs. En épicurien revendiqué, il les invite à « paganiser », à se conduire en païen, à se vautrer complaisamment dans la « paineté » (mot employé dès le XIIIème siècle avec le sens de « paganisme »). Cette apostrophe nominale laisse supposer une allocution sur le ton de la familiarité. La modalité de l'adresse, de l'allocution, présuppose une coprésence de l'énonciateur et du récepteur, ce qui est le propre de l'apostrophe rhétorique (stratégie énonciative qui se manifeste par la représentation d'une interlocution effective, tout en relevant de la fiction puisque l'interlocuteur est marqué comme une non-personne). On admettra sans peine que le substantif « salle » se réfère au troquet du coin, à un débit de boissons. De manière visible en raison de ces critères de reconnaissance et des multiples indices d'une complicité assumée, le poète implique le lecteur dans le processus apostrophique et le mécanisme d'élucidation textuelle. Dans cette même strophe, l'auteur associe l'image du « nuage crevé » qui dévale « à grands flots » avec celle du vin qui jaillit avec impétuosité quand on fait sauter la bonde du tonneau (« Voilà le nuage crevé // O, comme à grand flots il dévale // Déjà, tout en est abreuvé [...] Et que je charmerais l'oreille // Si cette douceur non pareille // Se pouvait trouver en mes vers » - ibidem). On sent poindre un sourire ironique dans le dernier vers de cette strophe, du fait de l'identité phonique entre les mots « vers » et son équivalent « verres ». De quoi remémorer le prologue des « fanfreluches antidotées » de Rabelais et sa gargantuesque épitaphe écrite en « letres cancelleresques »: Hic Bibitur ! (« Gargantua » - François Rabelais - 1535). Saint-Amand fait résonner aux oreilles du lecteur le même cri de ralliement poussant à l'attroupement dans les tavernes.
Le poème « La pluie » est tout entier taillé dans cette matière thématique. Et l'on peut mettre cette exubérance rabelaisienne, cette transgression bachique, sur le compte de l'épicurisme de l'écrivain. Bien des passages de « La pluie » laissent nettement entrevoir la posture philosophique de son auteur, une espèce de sensualisme qui a servi de point de référence à ses contemporains.
L'automne, une fête du regard...
L'automne pourrait être vécu comme une frustration si l'on s'en tenait aux ½uvres des Romantiques ou des Parnassiens. De Lamartine à Musset, Théophile Gautier, en passant par Baudelaire jusqu'à Guillaume Apollinaire, l'automne donne un amer avant-goût d'un avenir désolant. Tout le monde a en tête les stances de Verlaine : « Il pleure dans mon c½ur // Comme il pleut sur la ville [...] Ô bruit doux de la pluie [...] Pour un c½ur qui s'ennuie, // Ô le chant de la pluie ! » (Paul Verlaine – « Romances sans paroles » - 1874).
Or, à la Renaissance, il n'en est rien, bien au contraire. On attend la pluie comme une richesse. La saison de l'automne, dénommée « le bel été de la Saint-Martin », est associée à la fertilité, à l'abondance, aux terres fécondes et tout particulièrement aux vendanges. C'est la saison de la fenaison, des fauches, des foins coupés, de la moisson des céréales et des fruits, de la récolte du raisin. C'est une fête pour le regard ! La poésie pastorale s'évertue à faire l'éloge des plantes nourricières et des moments de vie partagés (« Vois déjà dans cette campagne // Ces vignerons [...] se démenant de tous côtés ; Entends d'ici tes domestiques // Entrecouper leurs chants rustiques // D'un fréquent battement de mains » (strophe XVIII). Certes, les inondations succèdent aux sécheresses et canicules de la saison estivale, mais elles irriguent les terres. Saint-Amant prend soin de rappeler dès la première strophe les « influences bénignes » du ciel assombri et déchiqueté par les nuages (strophe I), autrement dit les bienfaits des précipitations. Dans le dizain qui suit, il prend le parti de faire ressouvenir l'ardente fournaise des canicules de l'été (« L'ardeur grillait toutes les herbes, // Et tel les voyait consumer » - strophe II, vers 12 et 13). Dans les allégories de la cosmologie hellénistique, les phénomènes naturels sont souvent attribués aux dieux. Les dérèglements du climat, comme la sécheresse, s'expliquent par les égarements de certaines divinités, comme ceux du « beau fils de Climène » (strophe II, vers 19). Dans la mythologie grecque, Phaéton, le fils d'Hélios, a dérobé à son père le char solaire tiré par quatre chevaux ailés, Pyroïs, Eoos, Aethon et Phlégon. L'imprudent Phaéton perd vite le contrôle de l'attelage et embrase le ciel et la terre. Zeus punira cet inconscient en le foudroyant et en le précipitant dans le fleuve Eridan. Saint-Amant reprend la version d'Ovide de cette légende pour expliquer les défaillances du soleil : la terre « en cette contrée » n'avait jamais connu de telles chaleurs « Depuis qu'une audace trop vaine // Porta le beau fils de Climène // Sur le brillant char du soleil » (ibidem). Le poète trouve son inspiration et son souffle épique dans la théogonie d'Hésiode et les légendes d'Homère.
Le ciel alourdi par les nuages orageux se trouve constellé par un arc-en-ciel, représenté sous la plume de Saint-Amant par la déesse psychopompe Iris, la messagère d'Héra et de Mercure. Cet arc lumineux affronte l'ire du ciel : « Déjà, l'humide Iris étale // Son beau demi-cercle d'opale // Dedans le vague champ de l'air » (strophe III, vers 25 à27). L'auteur emprunte cette métaphore homérique à l'épopée Iliade. Dans le récit d'Homère, l'arc-en-ciel correspond à la trace du pied d'Iris aux ailes d'or descendant de l'Olympe pour mettre pied à terre. En plein maëlstrom, sous les vents enivrés d'eux-mêmes, la pluie qui faisait «... obscurcir à sa venue // Le temps qui se montrait si clair » (strophe III, vers 29 et 30), est assimilée aux larmes des « dieux mettant bas les armes ». Les dieux du ciel, touchés par les péchés des hommes, éprouvent un sentiment de compassion, qu'ils manifestent par leurs sanglots (ibid). Regarder les gouttes de pluie, sous l'angle de cette vision panthéiste, c'est observer les larmes coulant sur les joues des dieux de l'Olympe.
Le poème « La pluie » baigne dans le clair-obscur des tableaux flamands, ceux de Brueghel l'Ancien [1525-1569], notamment. Le choc de l'ombre et de la lumière parcourt chacune de ses strophes pour mieux mettre en évidence le contraste entre les saisons. Une saison meurt (évocation dans la quatrième strophe des «sources épuisées » et des « fontaines » presque taries), une autre ressuscite. Dans l'envoi de cette ballade, la pluie participe aux réjouissances festives dans les bourgades : « Tous les c½urs s'en épanouissent // Et les bêtes s'en réjouissent // Aussi bien comme les humains ». Saint-Amant observe les comportements des vignerons qui s'activent dans l'herbe trempée avec l'agilité des chevaux de selle andalous (« comme genets d'Espagne, se démenant de tous côtés »), qui cavalcadent et caracolent entre les ceps de vigne. On sent qu'il se régale à décrire un univers besogneux, jusque dans le détail du moindre mouvement. Il prend le parti de peindre un paysage à travers le prisme de métaphores poétiques. Le dispositif narratif, qui procède par une succession de plans-séquences et de pensées qui vagabondent, mêle le factuel au lyrisme. Comme dans un journal intime... Dans sa description, le poète s'attarde sur la pluie qui bouche l'horizon, qui s'abat sur les tuiles, dégouline des toits et fait fuir les badauds (« Sus ! que tout le monde s'enfuie, // Je vois de loin venir la pluie » - strophe première, vers 5 et 6). Il ne renonce pas à l'amplification, en recourant à l'hyperbole : il lève les yeux sur les nuées d'encre (« le ciel est noir de bout en bout » - strophe I, vers 7), sur un ciel chargé d'énormes nuages (« mainte épaisse nue » - strophe III, vers 28). Le temps est aux averses qui vont « tant verser d'eau sur les vignes » (strophe I - vers 9).
Le lecteur encaisse en même temps que l'auteur les soubresauts d'exubérance dans la joie de vivre. On sent le vers se gonfler sous l'effet d'une pensée teintée d'optimisme. Dans ce paysage champêtre et rustique, les récompenses sont partout. Saint-Amant associe la prodigalité de la nature à la gaieté joueuse de l'homme. Sont mentionnés dans la strophe liminaire « les laboureurs contents », et plus loin un certain Thibaut marchant d'un pas décidé, avec une allure à droit « compas ». Ce « bonhomme » au teint « hâlé », peu renfrogné, ressent une telle joie qu'il ne parvient pas se départir de son exubérance rieuse (« Le bonhomme sent telle joie // Qu'encore que cette eau le noie, // Si ne s'en ôtera-t-il pas » - strophe III, vers 27 à 29). Sauf s'il réchappe de la noyade !
Ces quelques mots suffisent à donner une idée de l'humour souriant dont fait preuve Saint-Amant. Alors que les nuages s'accumulent, que le tonnerre gronde, au mitan de la ballade, le synopsis s'imprègne de sensations euphoriques.
L'éloge de la Dive Bouteille
Le texte emmailloté de rimes repose sur une alternance d'images, celles de l'automne, mais aussi celles des beuveries. On ne se risquera pas à sacrifier certains passages du poème, assez obscurs à tout le moins.

Ces passages nous obligent à décortiquer certaines expressions plus ou moins elliptiques. Cette partie du texte mérite d'être appréhendé avec suffisamment de concentration.
Çà, que l'on m'apporte une coupe :
Du vin frais, il en est saison ;
Puisque Cérès boit à la troupe,
Il faut bien lui faire raison !
Mais non pas avec ce breuvage
De qui le goût fade et sauvage
Ne saurait plaire qu'aux sablons
Ou à quelque jeune pucelle
Qui ne but que de l'eau comme elle
Afin d'avoir les cheveux blonds.
Farfelu, indocile, voire polisson, ce poème corseté par les octosyllabes revêt l'allure d'un menuet dansé à la sauvage : il nous invite à la farandole, aux incartades. On n'oubliera pas que le mot ballade se rattache à la danse ! Cet assemblage de mots cadencés, soumis à des règles métriques et à des contraintes rimiques, est voué à faire chanter la joie de vivre et à danser. S'ensuivent alors une poignée de vers qui célèbrent sous les auspices du flegme les libations festives.
Passé l'état des lieux qui pose ce décor automnal, notre chantre de l'épicurisme fait la part belle à la dégustation du vin qu'il tient comme le couronnement suprême de tous les plaisirs. Le vers régulier se trouve contrarié par une brusque saccade dans le recoin de ce nouveau dizain : « Çà, que l'on m'apporte une coupe ». La strophe voit l'émergence d'une énonciation accordant le primat au locutoire, destiné à éveiller la curiosité, mais pas seulement. L'interpellation, centrée sur les pôles de l'interlocution, sonne la charge. Le caractère ludique de l'énonciation se vérifie dans théâtralisation d'une scène domestique. Une scène, s'imagine-t-on, rassemblant des convives dans un banquet. Ce qui n'a rien à voir avec un coup de tête, si l'on jauge la part symbolique de cette vibration festive. L'attention portée à ce moment vécu laisse entrevoir une percée dans le domaine philosophique, agitée cette fois par les vibrations de l'esprit.
L'adverbe « ça » pourrait être compris ici comme un circonstanciel de lieu. Dérivé de la locution latine « ecce hac intus », employé au style direct et construit avec un verbe de mouvement, ce locatif pourrait indiquer un endroit situé à l'intérieur (çaienz, laienz, leanz), ou une direction (ancien français « viença », là où je suis). On peut tenir ce morphème pour un paradigme incomplet, équivalent de « or ça » (venez tous ici !), proche de l'adverbe circonstanciel de temps « orendroit » (sur-le-champ, promptement, in ipso illo passu). Dans le contexte de la phrase gouvernée par la modalité jussive et marquée par la tonalité injonctive, il conviendrait plutôt d'interpréter l'adverbe comme un terme interjectif. Comme un connecteur pragmatique, qui s'octroierait à lui tout seul les privilèges des locutions à rallonge. Avec la même signification que le vocatif « allons ! » (interjection issue d'un verbe à l'impératif, réduit à une forme figée et invariable sur le plan morphosyntaxique). Sur le plan pragmatique, ce marqueur désémantisé du discours combiné à une conjonctive (proposition indépendante « que l'on m'apporte... », elle-même gouvernée par le choix modal du subjonctif exprimant un souhait, un désir) inaugure l'échange conversationnel motivé par une requête, une invitation ou une supplication. Il prend une valeur expressive liée aux émotions du locuteur, traduisant une impatience où il est mis de l'enjouement. Le locuteur se veut seul juge de l'opportunité de ces libations. Le souhait vient à point nommé, lance-t-il à la confrérie : « Du vin frais, il en est saison ». Dans l'ancienne langue, « estre de raison » voulait dire « il est à propos » (tournure pour qualifier un choix judicieux). Cette expression soudainement assagie relève elle aussi de la modalité déontique, une modalisation du discours capable de vaincre les plus fortes réticences. Soucieux de faire des émules, Saint-Amant sait se montrer charismatique, comme s'il s'agissait pour lui de ne pas laisser s'éparpiller les amitiés. Sabre au clair, il prend la parole. Il n'est pas dit qu'il n'aura pas le dernier mot. L'invocation aux dieux de la mythologie, à la déesse chtonienne Cérès placée au début de ce dizain, inaugure un rituel de l'offrande. Il ne manquait plus que cette référence aux croyances de ces âges reculés, pour irriguer une écriture sous l'influence de l'emphase rabelaisienne. Elle fait résonner un appel aux réjouissances collectives, aux festivités. Le poète endosse le rôle d'un choryphée nous invitant à boire, sous les auspices de Cérès, fille de Saturne et de Cybèle. Il convie les commensaux à prendre place à table, en compagnie de larrons hilares et goguenards. Il invite l'assistance à s'associer à des agapes fraternelles, où les vins des grands terroirs s'invitent dans les verres.
Dans un autre poème intitulé « La débauche », Saint-Amant invoque en ces termes Bacchus, le dieu du vin et des festivités : « Bacchus ! qui vois notre débauche, // Par ton saint portrait que j'ébauche // En m'enluminant le museau // De ce trait que je bois sans eau ». Il y est question dans la même veine païenne d'une « heureuse troupe » et de coupes de vin : « Reçois-nous dans l'heureuse troupe, // Des francs chevaliers de la coupe, // Et, pour te montrer tout divin, // Ne la laisse jamais sans vin ». On se souvient aussi des dissertations néo-épicuriennes de Trimalcion, dans le « Satyricon » de Petrone, dopées par la dérision douce-amère : « Eheu ! inquit, ergo diutius vivit vinum quam homuncio ! Quare tangomenas faciamus Vita vinum est ! Eheu nos miseros quam totus homuncio nihil est ! Sic erimus cuncti postquam nos auferet Orcus ... Ergo vivamus, dum licet esse bene ! » [Hélas, s'exclama-t-il, le vin vit donc bien plus longtemps que le misérable humain! Ainsi donc, buvons à tire-larigot. Le vin c'est la vie ! Hélas ! Malheureux que nous sommes ! Que le misérable humain n'est rien ! Ainsi serons-nous tous, quand le dieu Orcus nous emportera... Vivons donc, tant qu'il nous est permis de nous porter bien !]. Le même thème revient de manière constante, celui du repas épicurien comme antidote à la brièveté de la vie. Saint-Amant porte haut sa réputation de bon vivant qui lui colle aux souliers et ne le rend pas muet. Il reproduit par la modalisation de l'énonciation le cérémonial d'intronisation des confréries bachiques. Il achève son propos en rendant hommage à Cérès buvant à la santé du troupeau des copieux buveurs (« Puisque Cérès boit à la troupe // Il faut bien lui faire raison » - vers 3 et 4). De manière assez solennelle, s'exprime également le souci de rendre justice (« faire raison » veut dire faire justice, admettre un fait légitime). Tout le quatrain, du fait de l'exclamation valant approbation, prend un tour exalté et enivrant. Si l'auteur met en lumière la charge d'augure de Cérès, c'est en raison du rôle que les Latins lui prêtaient. Elle présidait aux cultes rustiques et fêtes campagnardes des édiles plébéiens. Déesse primitive, protectrice de la plèbe, elle occupait une place d'honneur aux « Noces d'Orcus » et veillait sur les moissons et les vendanges.
Prescripteur à souhait, Saint-Amant fait le tour de table d'un banquet improvisé où les buveurs font partie des convives de bon goût. Il défend les meilleurs crus du terroir, ces vins qui tiennent leurs promesses, contrairement à certains breuvages insipides, à l'aromatisation grossière. Dans cette strophe joyeuse et gaillarde, il renouvelle ses v½ux exprimés à propos des divins breuvages qui séduisent tant le palais : « Je ne puis me lasser d'en boire ! » (poème « Le Cidre »). Il lance le même appel qu'Eustache Deschamps [1346-1406] dans son célèbre envoi : « faictes obéissance au vin ! ». A la fin de sa ballade médiévale, Deschamps recommandait à tous, nobles gens ou galopins, bourgeois ou simples manants, de lever le coude. Saint-Amant ne balance pas non plus, il lève vite les doutes. Il veut du bon vin et non pas un « breuvage » au « goût fade et sauvage » qui « ne saurait plaire qu'aux Sablons ». On pense bien sûr à la plaine des Sablons au quartier de Saint-Germain en Laye à Paris. Une terre aréneuse, sans consistance, pauvre à cultiver, tout juste capable de recevoir les eaux de pluie.
Dans la langue familière du XVIIème siècle, les « sablons » désignaient des buveurs de cassonade, de limonade, et donc de petite piquette. A moins qu'il ne s'agisse d'autres individus moins fréquentables. Dans la langue des faubourgs parisiens, par allusion à des activités prostibulaires, le terme « sablons » s'appliquait aux souteneurs qui avaient perdu leur marmite (dénomination dérivée de l'expression « être dans le sable », par référence aux indigents qui se trouvaient dans la misère). Le verbe « sablonner » voulait dire assommer quelqu'un avec une peau, avec une outre remplie de sable (« Dictionnaire » du lexicographe Pierre Richelet édité en 1680). A l'époque de Louis XIII, les « sablonniers » étaient des marchands qui livraient le sable au litron. Les crieurs de Paris vendaient du sable au boisseau ou demi-boisseau. D'autres hypothèses de décryptage du mot se présentent à nous. La gravelle était une maladie rénale fréquente à cette époque. Le terme « sablons » permettait de qualifier ces malades qui jetaient du sable par les urines (les calculs rénaux). Quoi qu'il en soit, ce mot est étroitement lié à la consommation du vin : « sabler » un verre de vin voulait dire siroter, avaler d'un coup sec, s'envoyer un verre dans le gosier. La chanson bachique d'Armand Gouffé [1775-1845] nous vient en mémoire : « Si j'avais une salle pleine // Des vins choisis que nous sablons, // Et grande au moins comme la plaine // De Saint-Denis ou des Sablons, // Mon pinceau trempé dans la lie, // Sur tous les murs aurait écrit : // Entrez, enfants de la folie : // Plus on est de fous, plus on rit ».
Le fait d'associer le vin et l'eau de pluie sous-entend que Saint-Amant fait référence aux buveurs d'eau, aux amateurs de liqueur aigrelette, de mauvais vin (le piqueton dans L'Assommoir de Zola, aujourd'hui on parlerait de picrate) ou à tous ceux qui s'accommodent de ces boissons de ménage obtenus par addition d'eau. Il est possible également que l'auteur pointe du doigt des vins coupés ou frelatés. On sait que certains viticulteurs utilisaient de procédés de filtration ou de blanchiment à base de sable fin. Le but de l'opération consistait à éclaircir la lie au fond des barriques avec du « sablon ».
Un autre personnage tout aussi énigmatique surgit des coulisses, pour mieux aiguiser l'attente du lecteur : une « jeune pucelle », occupée à son shampoing. Quelque soubrette sans doute jalouse de la beauté blonde de feu Madame d'Etampes, la favorite de François Ier. Ou bien quelque jeune fille à marier, soucieuse de ressembler à une Vénus du Parnasse. On gardera à l'esprit qu'à la Renaissance les cheveux couleur de corneilles étaient le symbole du plus mauvais goût. La mode consistait à se mouiller la tête pour blondir sa chevelure. Dans son recueil « L'Olive » (1549), dédié à Marguerite de Navarre, Joachim Du Bellay célébrait les cheveux doux et lustrés d'une blonde souriante : « Ces cheveux d'or sont les liens Madame, // Dont fut premier ma liberté surprise, // Amour la flamme autour du c½ur eprise, // Ces yeux le traict, qui me transperse l'ame ». Pour la coloration, les femmes utilisaient des mixtures à base de solution d'eau cristalline et d'alun (la « bionda »). Un mélange insolite, à l'odeur stercoreuse, qui n'a rien à envier au vin de cuvée ! Le naturaliste romain du Ier siècle Pline l'Ancien recommandait dans son Naturalis Historia de plonger de la lysimaque dorée (lysimachia aurea) dans son breuvage pour avoir des cheveux très clairs. Qu'il s'agisse des « sablons » ou de « jeune pucelle », les connotations font référence à un même procédé destiné à « éclaircir » l'état des choses, à la même idée d'une boisson frelatée. Ajoutons qu'à l'époque de Saint-Amant, les demoiselles de basse condition utilisaient le plus souvent des décoctions à base d'urine de chat (ou de leurs propres urines) pour la décoloration de leurs cheveux. Ces aspects connotatifs ravivent le thème des boissons fades, du pinard ne valant pas tripette, assimilé populairement parlant à du « pipi de chat ».
Le paradoxe burlesque s'installe sans trop de finesse dans la ballade. Saint-Amant manie l'ironie à force rames. Il fait entrer en scène une pucelle quelque peu volage, crispée devant son miroir, se lissant les cheveux en sirotant un liquide « fade » et « sauvage ». Autrement dit, de l'eau plate ! Il fait apparaître sous nos yeux le tableau le plus navrant qui soit, celui de «...quelque jeune Pucelle // Qui ne but que de l'eau » dans le seul but d'éclaircir sa chevelure, « d'avoir les cheveux blonds » (ibid). Cette mignonne passerait ses nuits blanches à rêver du fameux blond vénitien ! De quoi désespérer notre rimailleur de cabaret, un peu dépité tout de même... Cette donzelle paraît plus intéressée par le rafraîchissement de sa coupe de cheveux que par celui de son palais, décidément peu délicat.
Saint-Amant, qui a tant vanté dans sa poésie les plaisirs terrestres dans les convents libertins, n'échappe pas aux écueils simplistes et un peu rustres de la misogynie. Il ne se prive pas de jouer avec les clichés, dont il met à nu les sous-entendus sans jamais prendre les lieux communs à contre-pied. Ce qui donne lieu à une scène de badinage improvisé où le rire jaune l'emporte face au désabusement.
Poète des sens, réputé bon vivant et porté sur la sensualité, Saint-Amant fait l'éloge de la paresse voluptueuse, de la vie de bohème (notamment dans son sonnet « Les goinfres »). En toutes circonstances, il célèbre la bonne chère et les vins de belle garde avec un réalisme savoureux. Cette scène de cabaret est l'occasion de rendre hommage aux tonneliers, aux sommeliers et autres chevaliers de la Saint-Vincent tournante.
Conclusion
Tout au long de ces strophes, le poète se plaît à nous composer un tableau où l'arrivée brusque de la pluie après un été torride donne lieu à un sentiment de d'allégresse. Il met en parallèle le monde extérieur et l'état d'esprit de tous les acteurs de ces scènes champêtres, tout en s'assurant d'une complicité intellectuelle et affective à la fois avec son lecteur. L'enjeu du texte d'ailleurs consiste tout autant dans son développement narratif, dans l'évocation poétique que dans sa déclaration d'adhésion à des principes philosophiques.
En digne héritier d'Epicure, Saint-Amant signe avec enthousiasme ce poème qui célèbre l'amour du vin, de la gastronomie, et l'amitié qui relie les êtres. Dans cette chronique vive et gaie qui lui sert de fil conducteur, il décrit tous ces petites choses qui font la richesse des liens entre les gens.
Et il fallait sans doute toutes les qualités à un homme rompu à l'art poétique pour déclamer les bienfaits du vin. Mais ce n'est pas si innocemment, ni par souci de plaire, que Saint-Amant nous entraîne dans le temple de la « Dive Bouteille ». Certes, le vin crée une intimité généreuse, engendre la convivialité, on le sait. Mais il ne s'agit pas que de cela. Le libertinage d'esprit de Saint-Amant va bien au-delà des lieux communs de la littérature carnavalesque. Une littérature dont l'inspiration prend sa source dans la tradition gauloise des paillardises... La verve hédoniste ne se trouve pas seulement dans les pichets et les bocks. Mais dans une profession de foi, qui sillonne l'odyssée philosophique de Panurge, l'alter ego de Rabelais dans le « Cinquiesme livre ». Une proclamation qui exprime une vérité toute simple : il faut chercher à boire la vie, en toute saison !
Cette ballade laisse deviner aussi un autoportrait, celui d'un libertin orné de cornes de diablotin, pourquoi pas... Celui d'un amoureux des cuvées, mais aussi et surtout celui d'un philanthrope, dont l'insatiable appétit de vivre nous inspire et nous encourage.
Nous ne sommes pas si loin que cela du souvenir de carte postale que nous laisse la cité d'Arbois... Rien de mieux que cette inscription échouée au bout d'une rue, aux avant-postes de la Place de la Liberté, pour comprendre que la liberté n'a rien d'inaccessible !

Groupement de textes suggéré par le professeur :
Et pendant que ruisselle la pluie, les petits charbonniers de la Forêt Noire entendent, de leur lit de fougère parfumée, hurler au dehors la bise comme un loup.
Ils plaignent la biche fugitive que relancent les fanfares de l'orage, et l'écureuil tapi au creux d'un chêne, qui s'épouvante de l'éclair comme de la lampe du chasseur des mines.
Ils plaignent la famille des oiseaux, la bergeronnette qui n'a que son aile pour abriter sa couvée, et le rouge-gorge dont la rose, ses amours, s'effeuille au vent.
Ils plaignent jusques au ver luisant qu'une goutte de pluie précipite dans des océans d'un rameau de mousse.
Ils plaignent le pèlerin attardé qui rencontre le roi Pialus et la reine Wilberta, car c'est l'heure où le roi mène boire son palefroi de vapeurs au Rhin.
Mais ils plaignent surtout les enfants fourvoyés qui se seraient engagés dans l'étroit sentier frayé par une troupe de voleurs, ou qui se dirigeraient vers la lumière lointaine de l'ogresse.
Et le lendemain, au point du jour, les petits charbonniers trouvèrent leur cabane de ramée, d'où ils pipaient les grives, couchée sur le gazon et leurs gluaux noyés dans la fontaine.
Texte 2 : La Pluie, de Francis Ponge
La pluie, dans la cour où je la regarde tomber, descend à des allures très diverses. Au centre c'est un fin rideau (ou réseau) discontinu, une chute implacable mais relativement lente de gouttes probablement assez légères, une précipitation sempiternelle sans vigueur, une fraction intense du météore pur. A peu de distance des murs de droite et de gauche tombent avec plus de bruit des gouttes plus lourdes, individuées. Ici elles semblent de la grosseur d'un grain de blé, là d'un pois, ailleurs presque d'une bille. Sur des tringles, sur les accoudoirs de la fenêtre la pluie court horizontalement tandis que sur la face inférieure des mêmes obstacles elle se suspend en berlingots convexes. Selon la surface entière d'un petit toit de zinc que le regard surplombe elle ruisselle en nappe très mince, moirée à cause de courants très variés par les imperceptibles ondulations et bosses de la couverture. De la gouttière attenante où elle coule avec la contention d'un ruisseau creux sans grande pente, elle choit tout à coup en un filet parfaitement vertical, assez grossièrement tressé, jusqu'au sol où elle se brise et rejaillit en aiguillettes brillantes.
Chacune de ses formes a une allure particulière: il y répond un bruit particulier. Le tout vit avec intensité comme un mécanisme compliqué, aussi précis que hasardeux, comme une horlogerie dont le ressort est la pesanteur d'une masse donnée de vapeur en précipitation.
La sonnerie au sol des filets verticaux, le glou-glou des gouttières, les minuscules coups de gong se multiplient et résonnent à la fois en un concert sans monotonie, non sans délicatesse.
Lorsque le ressort s'est détendu, certains rouages quelque temps continuent à fonctionner, de plus en plus ralentis, puis toute la machinerie s'arrête. Alors si le soleil reparaît tout s'efface bientôt, le brillant appareil s'évapore : il a plu.
Francis Ponge - recueil de poèmes en prose « Le parti pris des choses » - éditions Gallimard - 1942
Texte 3 : La saison des pluies...
Ballade écrite par Serge Gainsbourg et composée avec Elek Bacsik (album « Gainsbourg confidentiel » -1963), et ré-interprétée en 2017 par Domi Emorine, accompagnée de Marcel Loeffler (CD « Cristal records » - distribution « Harmonia mundi »).
C'est la saison des pluies
La fin des amours
Assis sous la véranda je regarde pleurer
Cette enfant que j'ai tant aimé
C'est la saison des pluies
L'adieu des amants
Le ciel est de plomb il y a d' l'humidité dans l'air
D'autres larmes en perspective
Le temps était de plus en plus lourd
Et le climat plus hostile
Il fallait bien que vienne enfin
La saison maussade
C'est la saison des pluies
La fin des amours
J'ai quitté la véranda et me suis approché
De celle que j'ai tant aimé
C'est la saison des pluies
L'adieu des amants
Un autre viendra qui d'un baiser effacera
Le rimmel au coin de ses lèvres
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